mercredi 27 juin 2007

Les deux états du Christ

Nous poursuivons aujourd'hui cette nouvelle section de l'étude du Christ, c'est-à-dire l'état d'humiliation de Jésus. Pour lire tous les billets précédents de cette étude christologique, cliquez ici.

La vie de service de Jésus-Christ

Dans son ministère terrestre, Jésus s’est présenté comme serviteur : « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » (Lc 22.27). Non seulement son ministère officiel, mais encore sa vie entière est caractérisée par cet humble service (ne le retrouve-t-on pas en effet dès l’âge de douze ans dans le temple vaquant aux affaires de son Père ? ; voir Lc 2.41-52). Cet humble service de Jésus, c’est ce que nous étudierons dans les prochains points.

La soumission

Jésus s’humilie en Serviteur par la soumission qu’il accepte aux obligations et contraintes communes, bien qu’il eût pu s’en exempter en vertu de ce qu’il était comme Seigneur. Ainsi se rend-il semblable à ses frères pour les servir et se charger de leur cause.

Pour eux, il accepte en effet de se placer sous la loi (Ga 4.4). Ce qui signifie qu’il accepte aussi la circoncision (Lc 2.21), le baptême de Jean (Mt 3.13-17) et le respect de la loi instituée par les autorités religieuses et politiques en obéissant à ses parents (Lc 2.51) et en payant l’impôt à César (Mt 22.16-21). De plus, il se soumet volontairement à la discipline spirituelle des serviteurs de Dieu : prière, méditation des Écritures et tentation. On sait que Jésus s’est beaucoup adonné à la prière, qu’il a respecté l’autorité des Écritures de manière admirable et qu’il a été tenté « comme nous à tous égards » (Hé 4.15), comme en font également foi les récits de la tentation (Mt 4.1-11 ; Mc 1.12-13 ; Lc 4.1-13).

La souffrance

Nous savons si peu à propos de la vie de Jésus avant son ministère : a-t-il joui d’une vie heureuse ou malheureuse, aisée ou pauvre, favorable ou défavorable ? La question restera toujours sans réponse. Sa vie ministérielle, cependant, est l’exemple par excellence de l’acceptation humble de la souffrance (« homme de douleur et habitué à la souffrance », a prophétisé Es 53.3). Jésus disait lui-même qu’il n’avait pas d’endroit où reposer sa tête (Mt 8.20). Hostilité virulente et croissante, aussi bien verbalement que physiquement (Lc 4.29 ; Jn 8.48, 59 ; 10.31), et accusations de toutes sortes : voilà en quoi consistait son lot quotidien (Mt 12.10). Il a même dû supporter l’incrédulité de ses proches (Mc 3.21 ; Jn 7.5). Pourtant, cela ne l’a pas empêché de dire qu’il est « doux et humble de cœur » (Mt 11.28-30) et, sur la croix, dans d’atroces souffrances : « Père pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23.34).

Les œuvres

Les œuvres nombreuses, prédications, guérisons et miracles de toutes sortes : Jésus ne chôme pas, mais il sert sans relâche les plus petits dans la souffrance, il s’abaisse vers eux afin de les instruire et les élever. Comme le dit si bien Henri Blocher : « A coup sûr, dans ces années de service harassant, de ville en ville, le Seigneur ne s’est pas complu en lui-même[1]. »

La Passion

La Passion du Christ, dernier degré de son humiliation, marque non seulement la fin de sa vie, mais également le pourquoi de sa venue ; il est venu pour cette heure : « Maintenant mon âme est troublée. Et que dirai-je ?... Père, sauve-moi de cette heure ?... Mais c’est pour cela que je suis venu jusqu’à cette heure. » (Jn 12.27). La Passion est souvent présentée, à juste titre d’ailleurs, comme l’événement central et principal de l’histoire humaine ; ce n’est pas pour rien que la Croix est devenue le symbole du christianisme...

La Passion du Christ doit être dite de trois manières :

a) Elle est d’abord Passion totale, au sens où tout son être (corps, âme et esprit) a souffert l’agonie de la Croix, et cela dans une intensité maximale qu’aucun homme n’a subie avant ou ne subira après lui. Il a souffert la première mort, séparation du corps et retranchement de la terre des vivants. Il a aussi souffert la seconde mort, le jugement divin qui s’abat sur lui, parce qu’il est traité comme un coupable. L’Écriture va jusqu’à dire qu’il est « devenu malédiction pour nous » (Ga 3.13). Toute la souffrance inimaginable que peut endurer un homme, Christ l’a souffert totalement ; mais en plus, sa souffrance était aussi celle de Celui qui porte le courroux de Dieu sur ses épaules, souffrance qu’aucun autre homme ne subira jamais (on doit cependant éviter de dire qu’il y a eu déchirure de la Trinité, une division de substance dans l'être divin entre le Père et le Fils).

b) Elle est ensuite Passion légale, au sens où c’est sous la loi qu’il a souffert, mettant ainsi en évidence la malédiction qui reposait sur Jésus (Ga 3.10ss). La Passion de Jésus s’est déroulée comme un procès et, après sa sentence et sa condamnation, la Bible dit que celui-ci « a été mis au nombre des malfaiteurs » (Lc 22.37 citant Es 53.12). Évidemment, les accusations portées contre lui étaient fausses et gratuites (l’impossibilité de trouver des témoins à charge, ce qui constituait pourtant l’étape décisive du processus judiciaire en Israël, selon Dt 17.6 et 19.15, en fait foi), faisant du même coup ressortir l’innocence flagrante de Jésus. Devant l’injustice patente du procès de Jésus, se superpose cependant la justice divine, qui agit comme dans « les coulisses », pour accomplir le dessein rédempteur de Dieu : il fallait en effet que l’Éternel fasse « retomber sur lui la faute de nous tous » (lire Es 53.4-12).

c) Enfin, elle est Passion volontaire, au sens où c’est avec une intention purement libre que Christ a choisi la mort ; c’était une action tout à fait volontaire de sa part, bien que ses contemporains, les disciples y compris, aient pensé qu’il s’agissait d’une décision contre son gré (voir Jn 10.17s ; Mt 26.53). Hébreux 10.5-7 nous révèle l’intention volontaire du Christ selon la perspective du plan éternel de Dieu : « C’est pourquoi, en entrant dans le monde, (le Christ) dit : Tu n’as voulu ni sacrifice, ni offrande ; mais tu m’as formé un corps. Tu n’as agréé ni holocaustes, ni sacrifices pour le péché. Alors j’ai dit : Voici : je viens, (...) Pour faire, ô Dieu, ta volonté. » On doit toutefois mettre l’accent sur l’aspect de continuité : Jésus a accompli une œuvre, mais cette œuvre serait restée incomplète sans Golgotha, car c’est précisément pour la mort de la Croix qu’il est venu dans le monde (Jn 12.27 ; Ph 2.8). Sa mort n’a donc jamais été une surprise pour lui ; au contraire, il la voyait venir, mais c’est néanmoins de façon volontaire qu’il a poursuivi son œuvre jusqu’à son accomplissement ultime à la Croix, avec tout ce que cela impliquait d’angoisse, d’appréhension et de tristesse humaine (les relations rompues, comme la tristesse de voir une mère à qui l’on arrache brutalement son fils ou comme la douleur éprouvée en constatant le désarroi de ses propres disciples, égarées comme des brebis qui n’ont plus de berger).

L’ensevelissement du Sauveur

Certains voient la mise au tombeau comme un degré supplémentaire d’humiliation pour le Christ. On spécule également sur la signification du tombeau, quelques personnes s’imaginant en effet que le Christ a sanctifié toutes nos tombes ! Un holà s’impose, sinon la spéculation risque « d’enterrer » le témoignage biblique. Comme dans plusieurs cultures anciennes et modernes, « la mise au tombeau est la sanction solennelle et publique de la mort[2] ». Cette dernière interprétation, sobre comme le témoignage des Évangiles, est de loin la plus satisfaisante.

______________________________

[1] Henri BLOCHER, Christologie, 2e fascicule, op.cit., p. 249.

[2] Henri BLOCHER, Christologie, 2e fascicule, op.cit., p. 256.

0 commentaires: