mardi 26 juin 2007

Les deux états du Christ

Nous débutons une nouvelle section de l'étude du Christ. Nous allons voir les deux états du Christ, soit son humiliation et son exaltation. Pour lire tous les billets précédents de cette étude christologique, cliquez ici.

Les deux états du Christ

Depuis que la théologie luthérienne a ouvert la voie, il est devenu classique pour la théologie protestante d’exposer les étapes de l’histoire de l’Incarné en considérant ses deux états successifs : l’humiliation et l’exaltation. Le terme « état » ne se réfère pas d’abord aux conditions d’existence, mais au statut légal de Christ. Henri Blocher explique :

Dans l’état d’humiliation, le Médiateur a) se rend solidaire de ses frères sous la loi ; b) se charge volontairement de leur dette à son égard et la règle ; dans l’état d’exaltation, le Médiateur a) recueille le fruit de son œuvre, et entre le premier dans le régime nouveau qu’il a rendu possible ; b) y introduit les siens à sa suite[1].

Nous verrons tour à tour ces deux états que sont l’humiliation et l’exaltation.

L’humiliation[2]

L’incarnation et la naissance de Jésus

L’Incarnation comme telle n’entre pas dans l’état d’humiliation. L’état d’humiliation ne concerne pas l’assomption de la nature humaine, mais la fonction messianique assumée par Jésus, fonction qui exige, selon le plan divin, la mort physique dans la chair (comme l’a prophétisé Caïphe, « il est avantageux pour vous qu’un seul meure pour le peuple et que la nation entière ne périsse pas » ; Jn 11.50). Dire que le « devenir homme » est humiliation, c’est dire « qu’être homme » comme tel est péché et humiliant ; mais l’Écriture ne va pas dans cette direction, puisqu’elle affirme au contraire que l’homme a été créé très bon et à l’image de Dieu (Gn 1.26 ; 2.31). D’ailleurs l’exaltation ne supprime pas l’humanité de Jésus : indication supplémentaire de la non humiliation de l’Incarnation, Christ assumant en effet la nature humaine pour toute l’éternité. Il est vrai que Paul, en Philippiens 2.6s, semble associer étroitement l’abaissement au « devenir homme ». Cependant, l’humiliation dont il est question dans ce passage débute non à la naissance, mais une fois l’humanité déjà assumée : « après s’être trouvé dans la situation d’un homme, il s’est humilié lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort sur la croix. » (Ph 2.7-8). Le texte présente plutôt le « devenir homme » de Christ comme un « dépouillement » (v. 7), et non comme une humiliation[3].

Ce qui a donc été humiliation dans l’humanité de Jésus depuis sa naissance, ce n’est pas l’humanité qu’il a assumée, mais les conséquences du péché qu’il a, lui aussi à l’instar de tous les hommes, endurées dans sa vie d’homme : la pauvreté et l’insignifiance sociale de ses parents, les circonstances dramatiques de l’accouchement (une hôtellerie de fortune, à savoir une crèche), les railleries des hommes, la vie d’errance qu’il a vécu, la mort sur la croix, etc. Pour le Chef de l’humanité, le Seigneur des seigneurs, quelle humiliation !

La naissance virginale de Jésus-Christ suscite au moins deux questions fondamentales : a) Comment un être humain peut-il être conçu à partir de la femelle uniquement, sans aucune participation mâle ? ; b) Comment un être humain peut-il ne pas hériter de la nature pécheresse d’un parent pécheur ?

Ces deux questions ont suscité et suscitent encore la controverse. On sait que la discussion coupe court dès que l’on invoque la conception surnaturelle et miraculeuse de Jésus dans le sein de Marie (« elle se trouva enceinte par l’action du Saint-Esprit » ; Mt 1.18 ; Lc 1.35), mais les détracteurs ne se rassasient pas de telles « explications » (et parfois les chrétiens non plus !). Quelle réponse leur donner alors, puisque nous n’avons rien d’autre que le témoignage biblique en notre faveur ? Parfois, il faut confesser sans comprendre[4]...

L’Écriture enseigne non seulement la procréation exempte de péché de Jésus ; elle proclame également le Christ sans péché dans tout le cours de sa vie (Mt 27.4 ; Lc 1.35 ; 4. 33-34 ; 23.41 ; Jn 8.46 ; 14.30 ; 2 Co 5.21 ; Hé 4.15 ; 1 P 2.22 ; 1 Jn 3.5).

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[1] Henri BLOCHER, Christologie, série « Fac étude », 2e fascicule, Vaux-sur-Seine, 1986, p. 230.

[2] Pour cette section, nous sommes grandement redevable à Henri Blocher, à qui nous avons beaucoup emprunté de sa Christologie, série « Fac étude », 2e fascicule, Vaux-sur-Seine, 1986, p. 229-292.

[3] Jac J. Müller fait la remarque suivante : le participe aoriste (temps ressemblant au passé composé) du verbe « prendre » dans l’expression « en prenant la condition d’esclave » (Ph 2.7) implique une action simultanée (Jac J. MULLER, The New International Commentary on the New Testament : the Epistles of Paul to the Philippians and to Philemon, Grand Rapids, Eerdmans, 1983, p. 82). Le sens serait donc le suivant : « Il s’est dépouillé lui-même en prenant (dans l’acte de prendre) la condition d’un serviteur. » L’expression « en prenant la condition d’un serviteur » expliquerait alors le comment du dépouillement : en prenant la forme d’un serviteur, le Christ s’est dépouillé lui-même. Rien n’est dit ici à propos d’un soi-disant abandon des attributs divins, de la nature divine ou de la « forme de Dieu » (Ph 2.6). Le texte parle uniquement d’un paradoxe divin : il s’est « vidé » lui-même en prenant quelque chose sur lui-même, à savoir la forme, la manière d’être, la condition d’un serviteur. Dans l’incarnation, il est demeuré dans la forme de Dieu, et comme telle le Seigneur et le Maître de tous. Mais en même temps, sans jamais cesser d’être le Seigneur de tous, il était le serviteur de Dieu et des hommes (cf. Jn 13). Mais attention : l’hymne ne dit pas qu’il a échangé la « forme de Dieu » pour la « forme d’un serviteur ». Il dit seulement que c’est dans l’acte de prendre que Christ « s’est vidé lui-même ». C’est donc dans un acte de revêtement que s’accomplit le dépouillement. Et dans cet acte, la divinité n’a subi aucune perte.

[4] Pour ce sujet, voir l’excellente étude d’Henri BLOCHER, Christologie, 2e fascicule, op.cit., p. 234-246.

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