samedi 24 février 2007

La troisième épître de Jean ou deux hommes aux intérêts opposés

Par Daniel Audette

Je lirai d’abord la troisième épître de Jean tout en la commentant.

3 Jean :

1L’ancien [l’apôtre Jean], à Gaïus [un membre d’une Église locale], le bien-aimé, que j’aime dans la vérité.

2Bien-aimé, je souhaite que tu prospères à tous égards et que tu sois en bonne santé, comme prospère ton âme. 3Je me suis beaucoup réjoui, lorsque des frères sont arrivés et ont rendu témoignage de la vérité qui est en toi, et de la manière dont tu marches dans la vérité. [Ces « frères » sont des missionnaires, dont nous ignorons la provenance. Il est clair cependant qu’ils sont recommandés par l’apôtre Jean.] 4Je n’ai pas de plus grande joie que d’entendre dire de mes enfants qu’ils marchent dans la vérité.

5Bien-aimé, tu agis fidèlement dans ce que tu fais pour les frères, même étrangers [les missionnaires]; 6ils ont rendu témoignage de ton amour devant l’Église [l’Église de Jean]. Tu feras bien de pourvoir à leur voyage d’une manière digne de Dieu. 7Car c’est pour le Nom (du Seigneur) qu’ils sont partis, sans rien recevoir des païens. 8Nous devons donc accueillir de tels hommes, afin d’être ouvriers avec eux pour la vérité.

9J’ai écrit quelques mots à l’Église [une Église locale, peut-être celle fréquentée par Gaïus]; mais Diotrèphe [le « dirigeant » de cette Église], qui aime à être le premier parmi eux, ne nous reçoit pas. 10C’est pourquoi, si je viens, je rappellerai les actes qu’il commet, en répandant contre nous des paroles mauvaises; non content de cela, lui-même ne reçoit pas les frères [les missionnaires], et ceux qui voudraient le faire, il les en empêche et les chasse de l’Église.

11Bien-aimé, n’imite pas le mal, mais le bien. Celui qui fait le bien est de Dieu; celui qui fait le mal n’a pas vu Dieu. 12Tous, et la vérité elle-même, rendent un bon témoignage à Démétrius; nous aussi, nous lui rendons témoignage, et tu sais que notre témoignage est vrai.

13J’aurais beaucoup à t’écrire, mais je ne veux pas le faire avec l’encre et la plume. 14J’espère te voir bientôt, et nous parlerons de vive voix.

15Que la paix soit avec toi! Les amis te saluent. Salue les amis, chacun en particulier.


Introduction

Résumé comparatif

La toile de fond de la troisième épître de Jean est la même que celle que l’on trouve dans la deuxième: l’exercice de l’hospitalité chrétienne envers les chrétiens voyageurs, et notamment envers ceux qui voyagent dans le cadre de la mission chrétienne. Nous savons que les auberges antiques étaient souvent malpropres et tenues par des gens aux mœurs plutôt douteuses. De ce fait, il était normal que les chrétiens en déplacement reçoivent l’hospitalité des membres des Églises[1].

Bien que le contexte de la deuxième et de la troisième épître de Jean soit identique, il est cependant impossible de ne pas apercevoir les contrastes évidents qui les différencient l’une de l’autre :

a) La seconde épître décrit ce qu’est un séducteur ; la troisième dépeint un dirigeant dictateur, Diotrèphe.

b) La deuxième de Jean met en garde les chrétiens de recevoir de faux docteurs ; la troisième souligne l’importance de ne pas refuser l’hospitalité à de vrais missionnaires chrétiens.

Illustration

J’ai longtemps cherché une illustration pour introduire cette étude. Mais je ne suis pas parvenu à en choisir une. Non qu’il n’en existe pas à propos du sujet que nous allons aborder. À vrai dire, il était plutôt difficile de choisir une illustration qui ne viserait personne en particulier.

C’est pourquoi j’ai finalement décidé de prendre un combat personnel comme illustration. Bien sûr, ce n’est pas un combat qui est étranger aux chrétiens. Je dirais même que ce combat est mené par la plupart d’entre nous, bien qu’à des degrés différents selon chacun.

Lorsque j’étais jeune croyant, il y avait un frère qui servait comme responsable de jeunesse. On demandait fréquemment à ce frère d’enseigner la Parole, de diriger les rencontres de jeunes et d’exercer un rôle de dirigeant parmi la jeunesse. Bref, il faisait tout ce que je désirais moi-même accomplir.

Bien entendu, ce désir d’accomplir ce qu’il faisait ne constituait pas un péché en soi ; je savais fort bien que mes dons spirituels me destinaient à ce type de rôle au sein de l’Église locale. Le problème, c’était l’envie de visibilité qui m’animait ; le désir d’être celui à qui tout et tous doivent se rapporter. Je voulais prendre sa place pour être vu et reconnu par les autres et pour manifester que, moi, je possède des dons qui me placent bien au-delà des autres frères. Bien sûr, vous vous imaginez très bien le genre de conduites qu’engendre un tel péché. Je vais vous l’exprimer en quelques points :

a) Je cherchais continuellement à connaître l’opinion des anciens de l’Église à propos de ce frère, pour m’assurer qu’il ne représente pas une menace pour mon avancement dans l’Église : « Que fais maintenant le frère ? Est-il vraiment un bon enseignant ? Quels sont ses plans futurs concernant son service dans l’Église ? Que prévoient les anciens pour lui ? » Mes questions, bien entendu, étaient nourries par le désir inexprimé de le voir stagner ou échouer dans ses entreprises, et non par une préoccupation sincère de sa croissance spirituelle et de la réussite de son ministère.

b) Je questionnais sans cesse la décision des anciens d’avoir placé ce frère à cette position, prétextant qu’il n’était peut-être pas le candidat idéal pour ce ministère. Bien sûr, je faisais de la « petite politique », pour que les anciens de l’Église s’aperçoivent de leur soi-disant erreur de l’avoir sélectionné et qu’ils m’accordent ainsi la direction du ministère de jeunesse. Dans ce sens, il est clair que je ne me soumettais pas à l’autorité des anciens de mon Église locale.

c) J’étais continuellement tenté par le désir de contredire en public les opinions de ce frère, uniquement dans le but d’attirer l’attention des autres sur mes idées. Loué soit Dieu, ce désir malsain est toujours resté à l’état de tentation.

d) J’étais également tenté de parler subtilement contre ce frère, de le médire « en douce », pour obtenir des appuis contre lui de la part des autres frères, surtout des frères influents. Loué soit Dieu encore une fois, ce désir malsain est toujours resté à l’état de tentation.

e) Sur le plan personnel, j’éprouvais énormément de difficultés à voir les gens se tourner vers lui et non vers moi pour obtenir des conseils. J’étais animé par une jalousie insatiable, ce type de jalousie qui nous pousse toujours à chercher à nous placer au-dessus des autres. Bien évidemment, dans un tel contexte, j’utilisais mes dons non pour me placer au service de mes frères et sœurs chrétiens, mais pour prouver que j’étais la meilleure aide qui soit et que c’est moi que les gens auraient dû venir consulter. Bref, j’utilisais mes dons dans le seul et unique but de satisfaire mes propres intérêts d’avancement, et non les intérêts du Christ.

Pendant cette période, j’étais convaincu que j’éprouvais un conflit de personnalité avec ce frère parce qu’il avait un tempérament fort. Mais en fait, mon problème était avec l’autorité elle-même, non avec le frère : je ne me soumettais pas à l’autorité qui était en place dans l’Église locale parce que je voulais l’autorité pour moi ; je voulais être le premier. Bref, mes intérêts l’emportaient sur les intérêts de Dieu ; ceux-là étaient plus importants à mes yeux que ceux de Dieu. Est-ce cela la pensée de Dieu pour son Église ? De toutes évidences, non !

J’ai donc dû me poser honnêtement la question suivante : « Quels sont les intérêts que je poursuis ? Ceux de Dieu ou les miens ? » Si je place cette même question dans le contexte de la troisième épître de Jean, je dirai alors : « Quels sont les intérêts que je poursuis, ceux de la mission de Dieu ou mes propres intérêts ? Suis-je plus préoccuper à servir la cause de l’Évangile ou à m’assurer d’obtenir ou de préserver une « position » dans l’Église de Jésus-Christ ? » « Quels intérêts poursuis-tu ? Ceux du Christ ou les tiens ? »

Contexte de la troisième épître de Jean : deux hommes aux intérêts opposés

La troisième épître de Jean nous présente deux hommes dont les intérêts sont diamétralement opposés. Plus précisément, l’apôtre Jean dépeint les conséquences que produisent les intérêts respectifs de ces deux hommes sur la pratique de l’hospitalité chrétienne envers les missionnaires: d’abord Gaïus, dont l’attitude hospitalière produit de bons fruits dans l’œuvre du Seigneur ; et ensuite Diotrèphe, dont le comportement inhospitalier engendre de graves difficultés à la bonne réalisation de l’œuvre missionnaire.

Mais avant de considérer les attitudes opposées de ces deux personnages, prenons un bref instant pour considérer la question de l’hospitalité chrétienne.

Pourquoi exercer l’hospitalité ?

Selon l’apôtre Jean, ceux qui exercent l’hospitalité envers les missionnaires sont « des collaborateurs de la vérité », des « ouvriers avec eux », selon votre traduction biblique. Le terme « collaborateurs » ou « ouvriers avec eux » a ici un sens d’égalité. Autrement dit, ces deux tâches sont égales, au même niveau. Ceux qui exercent l’hospitalité ne doivent donc pas être perçus comme des subalternes, comme si l’hospitalité était une tâche moins glorieuse et moins importante que celle de missionnaire. Bien au contraire, selon Jean, celui qui exerce l’hospitalité est tout aussi indispensable que celui qui travaille comme missionnaire. Car le missionnaire et l’hôte sont des « co-ouvriers », chacun accomplissant la tâche que le Seigneur lui a confiée.

Qui héberger aujourd’hui? Bien sûr, nous devons offrir l’hospitalité aux missionnaires, comme le faisaient les chrétiens du temps de Jean. Et nous le faisons déjà lorsque nous accueillons durant quelques jours des missionnaires qui nous visitent dans le but d’obtenir un soutien financier ou qui viennent dans notre ville pour annoncer l’Évangile. Mais on peut également élargir cette pratique aux docteurs, conférenciers, pasteurs, etc.

Mais pourquoi aider les missionnaires et autres serviteurs du Christ ? Comme c’était le cas à l’époque de Jean, les missionnaires ne reçoivent rien des païens. Et cela est tout à fait normal, car c’est à l’Église que revient la tâche de financer les entreprises missionnaires. De plus, Jean exhorte Gaïus non seulement à héberger les missionnaires itinérants, mais également à pourvoir à leur voyage. Le soutien financier que nous accordons à ces ouvriers est une manière contemporaine de « pourvoir à leur voyage ».

Bref, l’hospitalité chrétienne doit être exercée parce qu’il s’agit d’une pratique importante à la réalisation de l’œuvre missionnaire. Les auteurs du Nouveau Testament mentionnent l’hospitalité à quelques reprises :

Subvenez aux besoins des saints. Tâchez d’exercer l’hospitalité (Ro 12.13).

N’oubliez pas l’hospitalité ; car en l’exerçant, quelques-uns, à leur insu, ont logé des saints (Hé 13.2).

Exercer l’hospitalité les uns envers les autres, sans murmurer (1 Pi 4.9).

Comme nous l’avons mentionné, la troisième épître de Jean nous présente deux hommes dont les intérêts sont complètement opposés, un premier, Gaïus, ayant de bons intérêts envers Dieu et envers la mission chrétienne, et un autre, Diotrèphe, dont les intérêts sont tournés exclusivement vers lui. Commençons par considérer le comportement de celui ayant des intérêts égocentriques, celui de Diotrèphe.

Diotrèphe

Diotrèphe était probablement le dirigeant d’une Église locale. Il s’agit cependant de tout ce qui nous est permis de déduire de la lettre de Jean à propos de l’identité de cet homme.

En revanche, en ce qui concerne son caractère, Jean est beaucoup plus loquace. L’apôtre le décrit comme un homme qui aimait être le premier parmi eux. Autrement dit, Diotrèphe aimait être le leader ; pour lui, il n’y avait rien, dans l’Église locale, de plus important que son désir d’être celui qui dirige tout et qui donne le leadership. Il revendiquait une autorité personnelle.

Le problème de Diotrèphe n’était donc pas fondamentalement un problème concernant la notion d’hospitalité ; en fait, c’était son désir d’être le premier qui causait un enchaînement de complications. Comme on l’entend souvent dire, le mal engendre le mal. L’Ancien Testament illustre très bien ce principe dans la personne de David, lorsque celui-ci a commis l’adultère avec Bath-Chéba. En effet, non content d’avoir commis l’adultère avec Bath-Chéba, le roi David fit également mourir Urie, l’époux de celle-ci, en l’envoyant au front. Et pourquoi le fit-il mourir ? Parce que David refusait de se repentir de sa première faute, celle-ci l’entraînant par conséquent à commettre une deuxième offense, dont les conséquences furent encore plus désastreuses que la première : la mort d’Urie (voir 2 Sa 11.1-27). De la même façon, comment l’attitude orgueilleuse de Diotrèphe l’a conduit à commettre d’autres péchés ?

D’abord, l’attitude de Diotrèphe l’a conduit à s’opposer à toute forme d’autorité. Dans son cas, il ne se soumettait pas à l’autorité apostolique de Jean. Les raisons de cette farouche opposition à l’autorité de Jean ne nous sont pas révélées. On peut tout de même facilement relever de cette épître que Diotrèphe ne manquait pas de toupet pour s’opposer de la sorte à un apôtre de Jésus-Christ!

De manière plus spécifique, comment l’attitude égocentrique de Diotrèphe affectait-elle l’hospitalité chrétienne et du même coup l’œuvre missionnaire elle-même ?

a) D’abord, le désir de Diotrèphe d’être le premier l’a conduit à refuser de recevoir une lettre écrite par l’apôtre Jean et envoyée à l’Église (v. 9). Diotrèphe ne se préoccupait pas de l’identité de Jean ; que l’Église ait été édifiée sur le fondement des apôtres et des prophètes, cela ne signifiait rien pour lui (Ep 2.20).

b) De plus, le désir de Diotrèphe d’être le premier l’a poussé à répandre des paroles mauvaises, des médisances, à propos de Jean et de ses associés (v. 10).

c) Mais ce n’est pas tout. Le désir de Diotrèphe d’être le premier l’a également amené à refuser de recevoir les frères, qui sont ici les missionnaires (v. 10). Or, selon le critère établi dans la deuxième épître de Jean, ce sont les séducteurs qu’il ne faut pas accueillir. Mais les missionnaires qui annoncent fidèlement l’Évangile de Jésus-Christ, n’est-ce pas ceux-ci qui doivent être chaleureusement accueillis ?

d) Enfin, en raison de son désir d’être le premier, Diotrèphe chassait de l’Église les membres qui voulaient recevoir les frères (v. 10). Cela importait peu à Diotrèphe de savoir si ces membres aimaient le Seigneur ou non. Pour lui, le seul critère justifiant leur excommunication était leur opinion à propos des frères recommandés par Jean. C’est comme s’il leur disait : « Vous êtes pour moi ou contre moi ! »

L’attitude d’un « Diotrèphe » dans une Église locale n’est pas toujours aussi flagrante que cela ; parfois les Diotrèphes cachent leur jeu sous de bons principes. J’ai connu un frère très brillant sur plan théologique, qui, chaque fois qu’on manifestait un désaccord à ses idées au sein d’un comité quelconque, décidait soudainement de se retirer du comité. Chaque fois, il invoquait un désaccord théologique comme raison de son départ. Mais, après un certain temps, je me suis aperçu que ce frère était en réalité un « Diotrèphe » en puissance, qui utilisait ses capacités intellectuelles pour camoufler et justifier son désir d’être le premier. Si on ne l’écoutait pas et ne lui permettait pas de faire les choses à sa manière, il laissait tout tomber, peu importe les conséquences que pouvait entraîner son départ. La théologie était donc devenue pour ce frère le moyen par lequel il exerçait un contrôle sur les gens. Pourtant, ses doctrines n’étaient pas mauvaises.

De plus, un « Diotrèphe » n’est pas nécessairement celui qui désire occuper la plus haute fonction dans l’Église : en effet, dès qu’une personne manifeste le désir d’être plus en vue qu’un ou plusieurs autres membres, on peut dès ce moment affirmer qu’elle pratique du « diotréphisme ». Je me souviens du temps où je n’avais pas de voiture, de quelle façon quelques-uns de mes amis chrétiens se querellaient sans cesse dans le but d’obtenir la place du passager avant de la voiture d’un ami commun. Un de ces amis a même déjà décidé de rentrer à pied chez lui parce que le propriétaire de la voiture lui avait gentiment demandé de s’asseoir pour une seule fois sur la banquette arrière ! De toutes évidences, ces frères devaient se faire une haute opinion d’eux-mêmes pour penser que la place du passager avant leur revenait de droit !

Question d’application :

Frère, sœur, as-tu déjà été ou es-tu en ce moment aux prises avec ce péché qu’est le « diotréphisme » ? Sers-tu le Seigneur parce que tu désires qu’on te reconnaisse comme le premier ? T’est-il même déjà arrivé de rechercher à un tel point à devenir le premier que l’œuvre de Dieu ait été sérieusement mise en péril à cause de ce désir insensé de prééminence ? T’arrive-t-il parfois de refuser d’accomplir un certain ministère, simplement parce qu’on ne t’offre pas le premier rôle ? Éprouves-tu un certain malaise lorsqu’on te parle d’autorité ? De l’autorité des anciens, par exemple ? Peut-être préfères-tu mener plutôt que d’être dirigé ! Es-tu jaloux de la position d’un frère ou d’une sœur, des privilèges qui lui sont accordés ?

Si tu réponds oui à l’une ou plusieurs de ces questions, laisse-moi d’abord te dire que Dieu est prêt à pardonner ton péché de prééminence, à condition bien sûr que tu te repentes sincèrement et que tu désires te détourner d’un tel agir malsain. Je le sais, car j’ai moi-même goûté le pardon de Dieu concernant ce péché et notre Seigneur me donne aujourd’hui la force de le combattre. Ton cœur, voilà ce que tu dois premièrement considérer, en te posant la question suivante : « Suis-je vraiment désireux de changer et de me repentir de ce péché de prééminence ? »

Mais tu pourrais encore te demander : « Que faire ensuite pour jeter ce mal loin de moi ? » Tu désires certes changer, mais tu te demandes comment cela est concrètement possible de te départir d’un tel péché ?

La meilleure solution que je puisse te proposer, c’est celle qu’offre lui-même Jean dans son épître. Dans la troisième épître de Jean, Diotrèphe apparaît comme un anti-modèle. Cela ressort clairement du texte, puisque Jean exhorte Gaïus à ne pas imiter le mal, qui est bien entendu exemplifié dans l’épître par Diotrèphe. Or un anti-modèle représente toujours une manière de se conduire qui est contraire au bon modèle à imiter. La meilleure solution consiste donc à te présenter ce bon modèle à imiter, qui est ici nul autre que Gaïus lui-même. C’est en effet lui que Jean félicite pour son bon comportement. Que dit-on de Gaïus ?

Gaïus, un bon modèle

Gaïus est un modèle d’humilité : il sait se soumettre à l’autorité

D’abord, nous voyons que Gaïus est un homme humble. C’est pourquoi il sait se soumettre à l’autorité. Son humilité le rend également capable d’accepter qu’un autre frère reçoive la louange, comme celle que Jean accorde à Démétrius en raison de la manière exceptionnelle avec laquelle celui-ci marche dans la vérité.

En effet, la manière dont Jean loue Démétrius ne représente pas une menace pour Gaïus. Jean sait que Gaïus est le genre de chrétien qui se soumet à l’autorité et que, de ce fait, il lui fait plaisir de reconnaître un ouvrier fidèle du Christ à qui l’on accorde une reconnaissance particulière. Car Gaïus ne fait pas de calculs du genre : « Si lui reçoit cette honneur, alors moi je serai mis de côté. » Jean peut donc lui recommander un de ses bons collaborateurs (Démétrius), sachant très bien que Gaïus recevra pleinement cette recommandation, ce dernier ne craignant pas en effet de perdre « sa place » aux yeux de l’apôtre Jean. Car Gaïus ne cherche pas ses intérêts, mais ceux du Christ.

L’humilité, voilà le premier point que l’attitude de Gaïus nous enseigne à imiter. C’est l’humilité qui assure un comportement non tyrannique envers le troupeau de Dieu. C’est également l’humilité qui engendre de saines relations vis-à-vis les autorités que Dieu a mises en place dans l’Église. L’apôtre Pierre exprime ces vérités de la façon suivante (1 Pi 5.1-6) :

Je ferai, à présent, quelques recommandations à ceux parmi vous qui sont responsables de l’Eglise. Je leur parle en tant que responsable comme eux et témoin des souffrances du Christ, moi qui ai aussi part à la gloire qui va être révélée. Comme des bergers, prenez soin du troupeau de Dieu qui vous a été confié. Veillez sur lui, non par devoir, mais de plein gré, comme Dieu le désire. Faites-le, non comme si vous y étiez contraints, mais par dévouement. N’exercez pas un pouvoir autoritaire sur ceux qui ont été confiés à vos soins, mais soyez les modèles du troupeau. Alors, quand le Chef des bergers paraîtra, vous recevrez la couronne de gloire qui ne perdra jamais sa beauté.

Vous de même, jeunes gens, soumettez-vous aux responsables de l’Eglise. Et vous tous, dans vos relations mutuelles, revêtez-vous d’humilité, car l’Ecriture déclare: Dieu s’oppose aux orgueilleux, mais il accorde sa grâce aux humbles. Tenez-vous donc humblement sous la main puissante de Dieu, pour qu’il vous élève au moment qu’il a fixé.

Gaïus est un modèle de vérité : il marche dans la vérité

Jean se réjouit de constater de quelle manière Gaïus marche dans la vérité (v. 3). Nous savons que, dans la deuxième épître de Jean, la vérité est intimement liée à la personne et l’œuvre de Jésus-Christ. En d’autres mots, celui qui marche dans la vérité, c’est celui dont les intérêts sont continuellement tournés vers le Christ et vers l’accomplissement de sa volonté dans la vie des hommes. Mon frère, ma sœur, tes intérêts sont-ils tournés vers le Christ, comme l’étaient ceux de Gaïus? T’inspires-tu du modèle de Gaïus sur ce point ? As-tu fait de cette parole prononcée par le Christ le motif conducteur de ta vie:

Alors Jésus dit à ses disciples : si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. Quiconque en effet voudra sauver sa vie la perdra, mais quiconque perdra sa vie à cause de moi la trouvera. Et que servira-t-il à un homme de gagner le monde entier, s’il perd son âme? Ou que donnera un homme en échange de son âme? (Mt 16.24-26)

Gaïus est un modèle d’amour : il aime les frères et les accueille fidèlement

L’amour de Gaïus a un visage concret : son amour est évident dans la manière dont ce frère exerce fidèlement l’hospitalité envers les frères missionnaires (v. 5). C’est pourquoi Jean, dans sa lettre, tient particulièrement à souligner comment la fidélité de Gaïus dans son œuvre d’hospitalité contribue à l’avancement de la mission chrétienne. Il veut l’encourager à continuer d’agir ainsi.

C’est également pour cette raison que Jean peut lui souhaiter la prospérité et la bonne santé : « Je souhaite que tu prospères en tout et que tu sois en bonne santé, comme prospère ton âme. » (v. 2) Le sens des mots est très clair ici : Jean souhaite pour Gaïus une prospérité financière et physique. Certains, cependant, par crainte d’associer ce verset à l’évangile de la prospérité, ont refusé de donner à ces mots leur force. Pourtant, il s’agit bel et bien ici de ce genre de prospérité. Jean souhaite la richesse à Gaïus ! Considérons cependant les trois faits suivants, question d’interpréter de façon équilibrée le passage en question :

a) Il s’agit d’une prospérité ayant un but précis : la mission chrétienne.

b) Il faut dire aussi qu’il s’agit d’un souhait et non d’un commandement. Jean ne lui commande pas de devenir prospère, il le lui souhaite. Or l’évangile de la prospérité enseigne que l’obtention de la richesse est le but ultime du croyant sur la terre. Ce sont deux discours totalement différents.

c) Remarquons de plus ce dernier fait : Jean ne souhaite pas la prospérité à n’importe qui ; il la désire pour Gaïus, un homme qui a déjà fait ses preuves et dont le rapport à l’argent paraît sain et éprouvé. En d’autres mots, Jean savait qu’un homme comme Gaïus n’allait pas désirer obtenir des richesses pour satisfaire ses propres intérêts. De même, si je sais qu’un frère fidèle en la foi ne désire pas devenir riche parce qu’il n’a pas en lui l’amour de l’argent, mais l’amour du Christ et de ses disciples, je serai alors bien heureux de le voir prospérer, afin qu’il puisse manifester une grande libéralité dans l’œuvre de Dieu.

L’exemple de Gaïus n’est donc pas un encouragement à s’enrichir, comme certains l’ont prétendu. Il s’agit plutôt de cette ferme assurance de la part de l’apôtre Jean que la richesse peut devenir très utile à l’œuvre de Dieu, surtout lorsque cette richesse est placée entre les mains de chrétiens fidèles désirant faire connaître le nom du Christ au plus grand nombre d’hommes possible.

Conclusion

Dans cette étude, nous avons considéré la vie de deux hommes. Un premier, dont les intérêts étaient centrés sur lui-même et sur son désir d’être le premier dans l’Église : Diotrèphe. Un deuxième, dont les intérêts étaient manifestement centrés sur Dieu et sur la mission chrétienne : Gaïus.

Nous avons également vu comment les intérêts respectifs de ces deux hommes avaient des répercussions différentes sur la mission chrétienne : Diotrèphe, par son désir d’être le premier, empêchait l’œuvre de Dieu d’avancer puisqu’il refusait d’exercer l’hospitalité envers les frères missionnaires ; et Gaïus, en exerçant charitablement l’hospitalité, permettait ainsi aux frères missionnaires d’accomplir l’œuvre à laquelle ils ont été appelés.

J’ai mentionné à propos de ces deux hommes qu’ils représentent deux choses pour nous aujourd’hui : l’un fait figure d’anti-modèle et l’autre représente au contraire le bon modèle à imiter.

J’aimerais terminer cette étude en posant une seule question, une question que je formulerai à l’aide des paroles de Jean écrites au verset 11 : « Imitons-nous le mal ou le bien ? » Mais cette question pointe en réalité vers une autre question, plus incisive encore : « Sommes-nous de Dieu ? » Car, comme le dit Jean, « celui qui fait le bien est de Dieu ». Notre vie, nos intérêts et notre comportement manifestent-ils que nous sommes de Dieu ?

Cette question est de la plus haute importance. Si nous désirons en effet que notre vie ait un impact véritable dans l’Église, nous devons en tout temps être persuadés que nous agissons pour le Christ et non pour nos propres intérêts.

Amen !

[1] Certaines traces dans le Nouveau Testament attestent nettement la pratique de l’hospitalité à l’époque de l’Église primitive (voir Ac 16.5; 17.7; Rm 16.23; Ac 21.8, 16).

vendredi 23 février 2007

Ouvrage: Précis de théologie pratique

Voici un ouvrage récent (janvier 2007) qui devrait intéresser quiconque s'intéresse à la théologie pratique: Précis de théologie pratique. Il s'agit d'une compilation de textes écrits par des chercheurs et des intervenants canadiens et européens. Quoique cet ouvrage a été préparé en milieu catholique, il saura néanmoins intéresser le public évangélique, qui pourra à l'aide de celui-ci nourrir sa réflexion sur la théologique pratique par le reflet de ce qui se pense et se fait dans le catholicisme.

Cette deuxième édition augmentée n'est pas mince: 891 pages! Mais tous les articles contenus dans ce livre convergent vers un même but: présenter aux étudiants en théologie et en sciences religieuses une réflexion théologique actuelle des principales pratiques de la communauté chrétienne.

mardi 13 février 2007

Updates!

Je n'ai pas oublié de revenir sur le sujet Éden ou Parousie?. Je m'apprête en fait à publier le post final à ce sujet pas plus tard que ce soir. Si vous avez encore des commentaires à donner ou des réflexions à partager, c'est le temps!

Dans un autre ordre d'idées, j'ai lu un autre chapitre du livre de Ray S. Anderson, An Emergent Theology For Emerging Churches, et je ne suis vraiment pas d'accord avec son articulation théologique de la doctrine du Saint-Esprit. J'aimerais poster quelque chose à ce sujet. Je sais qu'un tel post en intéressera quelques-uns.

vendredi 9 février 2007

Lecture: An Emergent Theology For Emerging Churches

Je suis en train de lire la nouvelle référence en matière d'Emerging Churches (les Églises émergeantes), de Ray S. Anderson, An Emergent Theology For Emerging Churches.

Je dois avouer que la lecture de ce livre, pour l'instant, me déçoit beaucoup. Non pas en raison de la théologie avancée par M. Anderson, que je trouve à bien des égards très équilibrée et fort bien présentée, bien qu'à certains endroits je trouve qu'il oppose trop drastiquement la théologie de l'apôtre Paul à celle de l'Église de Jérusalem ou encore attribue exclusivement à ce premier des développements doctrinaux qui pourtant sont d'abord apparus dans l'Église de Jérusalem (l'évangélisation des païens et la doctrine du Saint-Esprit, pour ne nommer que ces deux exemples). Je suis en fait déçu parce que M. Anderson attribue aux Églises émergeantes des pratiques cultuelles ou spirituelles que seules ces Églises sont censées pratiquées aujourd'hui. Or tout ce qu'il avance dans ce sens se voit très bien dans plusieurs églises et mouvements évangéliques! De plus, l'utilisation répétitive du terme "emergent" m'agace et ne me convainc guère; ce mot me semble de plus en plus dénué de sens. Je vais néanmoins continuer à lire cet ouvrage avec le plus d'ouverture d'esprit possible. Je vous en reparle sous peu.

mardi 6 février 2007

Éden ou parousie: ça continue!

Les interventions continuent dans le post Éden ou parousie?! Le frère Jean-Sébastien Morin, hôte du blogue La Vie est en Lui, nous fait connaître son opinion sur le sujet. Vous pouvez lire son intervention en cliquant ici.

lundi 5 février 2007

Rien à enseigner mais tout à raconter

Aujourd'hui je n'ai rien de particulier à dire, aucune doctrine à enseigner, aucun sermon ni méditation à offrir, ni même une citation à citer. Rien.

Pourtant, quand je considère ce que j'étais dans mon vieille homme, ce que j'ai été comme homme rebelle et pécheur, cette vie sans queue ni tête qu'était la mienne auparavant, perdue et ne conduisant nulle part, quand je regarde cette vie d'autrefois et contemple ensuite celle que Christ m'a donnée, je tressaille d'allégresse. Cette nouvelle vie en Christ est désormais ce qui constitue le plus grand honneur et la plus grande richesse de ma vie.

Mais ce qui me réjouit d'autant plus, c'est que cette vie en Christ, loin d'exclure le reste des choses naturellement humaines, les inclut et les sanctifie au contraire. Ainsi, en Christ, je suis à la fois frère chrétien, mari d'une femme merveilleuse, père d'une petite fille mignonne et honnête citoyen de ce monde créé par Dieu. La réalité de Christ est totalement englobante; elle englobe tout, sans rien laisser intouché, et tout ce déploiement de transformation bienfaisante s'effectue par la puissance que Christ a de transformer toute chose. Et cela, j'aime ça!

jeudi 1 février 2007

G. C. Berkouwer dans La revue réformée

G. C. Berkouwer
La revue réformée du mois de janvier 2007 présente le livre de l'un de mes théologiens favoris, G. C. Berkouwer (1904-1996), intitulé Incertitudes modernes et foi chrétienne. Je crois que la lecture de cet écrit saura instruire et édifier votre coeur et votre intelligence de croyant.

Pour accéder à ce livre,
cliquez ici.