lundi 30 octobre 2006

L'anti-esthétisme du péché IV

Le péché est un acte de nature morale dont les conséquences se perçoivent, entre autres, dans la laideur causée par la destruction de la création et dans les oeuvres produites par les hommes. Nous avons dans le post précédent défini la laideur comme étant "l'extériorisation et l'actualisation historique d'une moralité corrompue et déchue par la décision humaine du péché". Cela est vrai en raison du fait que le péché est une désobéissance à la loi de Dieu; le péché, c'est la décision contre la loi bonne de Dieu. Or lorsque cette décision du péché est prise, il y a forcément corruption de la création divine, et là où la création est corrompue, là aussi s'installe la laideur.

La laideur fruit du péché n'est pas toujours préméditée; elle est cependant toujours conséquence du mal consommé. En d'autres mots, que le sujet pécheur le souhaite ou non, son acte de péché est cause de laideur. Certains, cependant, éprouvent une curieuse fascination pour le laid et ce qui est hideux. On peut citer, à titre d'exemple, le chanteur américain Marilyn Manson, dont l'étrangéité de la démarche artistique consiste en un éloge pathétique de la laideur et de la destruction.

La laideur est ici "recherchée", car Marilyn Manson désobéit consciemment à la loi de Dieu pour façonner une caricature obscène, étrange et hideuse de la créature humaine. Il s'agit d'une laideur voulue, une laideur qui pourtant est "beauté" pour ceux qui sillonnent les mêmes chemins que Manson! C'est en cela que consiste la fascination pour le laid.

Les posts précédents sur le même sujet:
  1. L'anti-esthétisme du péché
  2. L'anti-esthétisme du péché II
  3. L'anti-esthétisme du péché III

dimanche 29 octobre 2006

Une prière de Saint Colomban

Voici une prière pour vous, que j'ai tirée du site Patristique.org, et que je trouve riche de sens. Elle a été écrite par Saint Colomban (543-615). Ce dernier était un moine irlandais qui vint en France vers 585. Persécuté parce qu’il dénonçait les moeurs de la cour de Bourgogne, il se réfugia en Italie. Il y mourut l’année suivante.

Ô Dieu,

Éveille moi du sommeil de mon indolence.
Fais brûler en moi le feu de l’amour divin ;
Que la flamme de ton amour monte plus haut que les étoiles ;
Que brûle sans cesse au-dedans de moi le désir de répondre à ton infinie tendresse [...]

Seigneur,

Accorde-moi cet amour qui se garde de tout relâchement,
Que je sache tenir toujours ma lampe allumée,
Sans jamais la laisser s’éteindre ;
Qu’en moi elle soit feu,
Et lumière pour mon prochain.

Ô Christ,

Daigne allumer toi-même nos lampes,
Toi notre Sauveur plein de douceur,
Fais-les brûler sans fin dans ta demeure,
Et recevoir de toi, lumière éternelle,
Une lumière indéfectible.
Que ta lumière dissipe nos propres ténèbres,
Et que, par nous, elle fasse reculer les ténèbres du monde.

Jésus,

Je t’en prie,
Allume ma lampe à ta propre lumière [...]
Qu’à ta lumière, je ne cesse de te voir,
De tendre vers toi mon regard et mon désir.
Alors, dans mon coeur, je ne verrai que toi seul,
Et en ta présence, ma lampe sera toujours allumée et ardente.

Fais-nous la grâce, je t’en prie,
Puisque nous frappons à ta porte,
De te manifester à nous,
Sauveur plein d’amour.

Te comprenant mieux,
Puissions-nous n’avoir d’amour que pour toi,
Toi seul.

Sois, nuit et jour,
Notre seul désir,
Notre seule méditation,
Notre continuelle pensée.

Daigne répandre en nous assez de ton amour
Pour que nous t’aimions comme il convient.

Remplis-nous de ton amour,
Jusqu’au plus intime de nous-mêmes,
Qu’il nous possède tout entiers,
Que ta charité pénètre toutes nos facultés,
Pour que nous ne sachions plus rien aimer,
Sinon toi, qui es éternel [...]

Qu’en nous se réalise,
En partie tout au moins,
Ce progrès de l’amour par ta grâce,
Seigneur Jésus-Christ,
À qui est la gloire dans les siècles des siècles.
Amen.

Sources :
D’après les Instructions spirituelles 12, 2-3.

mercredi 25 octobre 2006

Lexique théologique

Je songe à mettre en ligne, sur mon blogue, un petit lexique théologique qui aurait pour but d'expliquer certains termes souvent employés dans les ouvrages de doctrines. J'aimerais le faire en présentant un mot à la fois et ainsi constituer progressivement ce lexique.

Dites-moi ce que vous pensez de cette idée!

samedi 21 octobre 2006

L'anti-esthétisme du péché III

Mais ce qui sort de la bouche vient du coeur, et c'est ce qui souille l'homme. Car c'est du coeur que viennent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les impudicités, les vols, les faux témoignages, les calomnies (Matthieu 15:18-19).

La laideur n'est pas dans les choses considérées en elles-mêmes, elle n'a point été d'abord dans la nature même de la création; elle est en fait l'extériorisation et l'actualisation historique d'une moralité corrompue et déchue par la décision humaine du péché.

Un avant-goût de ce que je dirai bientôt à propos du lien entre laideur et éthique.

Les posts précédents sur le même sujet:

  1. L'anti-esthétisme du péché
  2. L'anti-esthétisme du péché II

mardi 17 octobre 2006

L'anti-esthétisme du péché II

J'ai évoqué dans mon dernier post (rapidement, il est vrai) le fait que la rédemption du Christ se veut également esthétique et non seulement éthique. Par là, j'entendais exprimer la vérité suivante: le péché est cause de laideur dans le monde, que ce soit la laideur de la destruction causée par le mal, la laideur artistique ou le laid généré par des coutumes culturelles. Cela implique évidemment que cette laideur est étrangère à la création de Dieu et que cette même laideur ne saurait subsister sous le règne de Dieu révélé en Christ et accompli en lui. Par voie de conséquence, un artiste chrétien devrait soumettre toute oeuvre artistique et toute fascination pour le laid au pouvoir rédempteur de la croix. Le peintre, par exemple, devrait être inspiré par le souci de la beauté de ses créations artistiques, car la rédemption en laquelle il trouve son plaisir lui enseigne aussi et surtout la beauté morale et esthétique de Dieu. Dieu a créé toute chose belle, et toute création de Dieu est belle parce qu'elle est précisément moralement bonne et harmonieuse, obéissant à des lois et à des préceptes qui font qu'elle ne peut que subir une altération de sa beauté si ces mêmes lois et préceptes qui la constituent sont sciemment transgressés.

La rédemption est donc effective dans la création pour lui préserver sa beauté ou la lui redonner là où elle a été détruite. De toutes évidences, l'artiste chrétien ne veut pas reproduire ce que le péché a produit de laid mais il désire faire voir au monde entier comment les yeux de la foi en la rédemption qu'il possède désormais lui font discerner le beau de la création; il valorise et chérit la beauté car elle est une expression du Dieu dont il confesse le nom et dont l'image se trouve dans la création elle-même.

Dans un prochain post, je traiterai de la question du lien intime entre éthique et esthétisme.

lundi 16 octobre 2006

L'anti-esthétisme du péché

"La laideur est une forme de violence."

Francine Noël

"Dans la nature, ce sont les hommes qui décrètent de la beauté ou de la laideur."

Jean Arp

"Il y a dans l'homme assez de beautés pour provoquer l'extase, comme on y trouve assez de laideurs pour vouloir le supprimer."

Eugène Cloutier

La théologie chrétienne nous a largement habitués au caractère anéthique et contre-éthique du péché; elle a cependant manifesté une certaine timidité à confesser le caractère anti-esthétique de celui-ci. En effet, le péché est non seulement un mal moral, il est également un mal esthétique, dans ce sens que son étendue destructrice affecte aussi la beauté originelle de la création divine. En d'autres termes, le péché est cause de laideur dans le monde. Cette donnée théologique semble a priori une évidence, de sorte qu'il paraît absurde de ressortir ce point et de l'exposer. Par exemple, les oeuvres artistiques des hommes sont parfois si affreuses, que le terme "art" ne paraît nullement convenir pour décrire ce à quoi il réfère. Pourtant, il subsiste une difficulté majeure à dire le péché anti-esthétique, et cette difficulté ou timidité réside précisément dans le fait que l'esthétisme, contrairement à l'éthique, ne comprend pas de normes d'évaluation biblique précises pouvant guider le chrétien dans l'estimation du beau et du laid: sur quel fondement et à l'aide de quels critères peut-on dire que telle laideur est une corruption et destruction de la beauté de la création divine? À quel moment un comportement social ou une création esthétique propre à une tradition culturelle doivent-ils être vus comme des attitudes pécheresses?

Je crois que le chrétien n'est pas laissé à lui-même pour déterminer ce qui est beau et ce qui est laideur en tant que fruit du péché. L'Écriture, bien qu'elle ne renferme aucune norme claire sur l'aspect esthétique de la création, ne laisse pourtant pas le chrétien sans lignes conductrices pouvant le guider dans l'estimation de la beauté des choses. Mais au delà de ces lignes directrices, se trouve un principe fondamental qui devrait en temps normal offrir un cadre approprié à toute réflexion esthétique, et ce principe est le suivant: la rédemption de Christ doit aussi s'appliquer à l'esthétisme des choses, de sorte qu'un chrétien qui croisse normalement devrait s'attacher toujours plus au beau et à l'agréable esthétique. Comment un chrétien pourrait-il en effet être fasciné par la laideur? Cela serait une contradiction en soi, car la laideur est le corollaire du péché, alors que beauté et sainteté se côtoient toujours.

mercredi 11 octobre 2006

L’interprétation allégorique de la Bible

par Daniel Audette

Plusieurs philosophes stoïciens et platoniciens considéraient Homère comme un véritable classique littéraire. Par contre, ces philosophes étaient en même temps embarrassés par l’absurdité et le caractère primitif des récits des dieux et déesses appartenant à l’ancien polythéisme religieux des Grecs. Pour réduire cette tension, quelques-uns d’entre eux décidèrent de réinterpréter allégoriquement l’œuvre d’Homère.

Dans les cercles juifs, Philon (v. 13 av. J.-C. – v. 54 apr. J.C.) se servait couramment de l’interprétation allégorique ; à l’aide de cette méthode, il entendait en effet découvrir les doctrines platoniciennes et stoïciennes contenues dans les écrits de Moïse. Ainsi, l’interprétation allégorique était déjà bien implantée dans les milieux grecs et juifs avant de faire son apparition dans le christianisme.

En ce qui concerne son usage dans la chrétienté, l’exégèse allégorique a souvent été associée au nom du grand théologien alexandrin Origène (v. 185 – v. 254). Pourtant, environ deux siècles avant ce dernier, Clément de Rome ( – 97) pratiquait déjà l’interprétation allégorique des Saintes Écritures. Et Clément d’Alexandrie (v. 150 – v. 215), quelque un demi-siècle avant Origène, employait aussi cette méthode, bien que d’une manière moins systématisée que lui. Ce sont plus particulièrement les disciples d’Origène qui ont fortement encouragé la pratique de l’interprétation allégorique, allant parfois jusqu’à commettre des excès forts regrettables.

Clément d’Alexandrie soutenait que le lecteur doit espérer découvrir un sens caché dans le texte biblique, car le mystère de l’Évangile, disait-il, « transcende la signification de n’importe quel passage[1] ». Origène affirmait essentiellement la même chose que son prédécesseur, expliquant par surcroît que le lecteur doit commencer son interprétation par le sens évident ou grammatical du texte biblique, et ensuite passer de la « lettre » à l’« esprit » du texte[2]. (Selon Origène, l’Écriture renferme trois sens, le sens littéral, le sens moral et le sens spirituel.) Et c’est l’interprétation allégorique, ajoutait-il, qui permet au lecteur de saisir l’« esprit » (le sens spirituel) d’un passage biblique. Pour justifier cette méthode, Origène inférait que l’Écriture, en raison de son origine spirituelle, possède forcément une signification digne de cette origine.

Pour circonscrire plus exactement ce qu’est la « lecture allégorique » de la Bible, nous dirions simplement qu’une allégorie est une représentation symbolique. Ainsi, quand le sens littéral d’un texte biblique leur semble « incomplet », certains interprètes préfèrent alors interpréter allégoriquement le texte en question. Les mots, dans ce cas, ne sont plus compris dans leur sens normal, mais d’une manière symbolique, ce qui modifie du coup la signification du passage biblique ainsi interprété, puisqu’on lui attribue un sens qu’il n’a sans doute jamais eu l’intention de rendre. La lecture allégorique s’oppose donc à la lecture littérale de la Bible.

Les chrétiens qui utilisent cette méthode le font habituellement dans le contexte de la prophétie biblique (par exemple, les prophéties de l’Ancien Testament et l’Apocalypse) et des paraboles du Nouveau Testament. Mais on retrouve aussi des interprétations allégoriques de chaque genre littéraire contenu dans l’Écriture Sainte.

Un exemple classique d’un passage biblique interprété allégoriquement est sans aucun doute la parabole du Bon Samaritain (Lc 10.25-37). Comme le mentionne le docteur Amar Djaballah, « jusqu’à la fin du XIXe siècle, cette parabole est interprétée dans une perspective presque entièrement allégorique, et on lui attribue une signification christologique (...)[3] ». C’est d’ailleurs de cette façon que Saint Augustin a jadis interprété ce passage biblique. Voici en quoi consistait son interprétation :
  1. Un homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho = Adam
  2. Jérusalem = la cité céleste de la paix, d’où Adam est tombé
  3. Jéricho = la lune, signifie ainsi la mortalité d’Adam
  4. les brigands = le diable et ses anges
  5. le dépouillèrent = c’est-à-dire de son l’immortalité
  6. le rouèrent de coups = en le persuadant de pécher
  7. et le laissèrent à demi mort = en tant qu’homme il est vivant, mais il est mort spirituellement, il est donc à demi-mort
  8. le sacrificateur et le Lévite = le sacerdoce et le ministère de l’Ancien Testament
  9. le Samaritain = signifie gardien, dit-on, c’est pourquoi il s’agit de Christ lui-même
  10. banda ses plaies = signifie ôta le joug du péché
  11. l’huile = la consolation d’une bonne espérance
  12. le vin = exhortation à travailler avec ferveur d’esprit
  13. la monture = la chair du Christ incarné
  14. l’hôtellerie = l’Église
  15. le lendemain = après la résurrection
  16. deux deniers = promesse de cette vie et de la vie à venir
  17. l’hôtelier = Paul[4].

Objections à la méthode allégorique

C’est en nous servant de la parabole du Bon Samaritain que nous démontreront notre première objection à la méthode allégorique. Si, pour être comprise dans son sens « spirituel » et « christologique », cette parabole doit être interprétée d’une manière allégorique, on s’explique difficilement alors comment le docteur de la loi est parvenu à la comprendre un tant soit peu[5]. En effet, puisque Jésus, au moment où il raconte cette parabole, n’avait pas encore vu ni la mort de la croix ni la résurrection d’entre les morts, il est par conséquent totalement impossible que le docteur de la loi ait pu « saisir » le sens « spirituel » de cette parabole comme l’expliquait Saint-Augustin, qui affirmait découvrir en elle le plein accomplissement de l’œuvre rédemptrice accomplie par Jésus-Christ. Et pourtant, le docteur de la loi a bel et bien compris la parabole ! Si donc ce docteur de la loi a compris correctement la parabole du Bon Samaritain, n’est-il pas tout à fait raisonnable alors d’affirmer que celle-ci n’a pas besoin d’être lue allégoriquement pour être comprise[6] ?


Charles C. Ryrie explique, à juste titre, que la lecture allégorique, si elle est utilisée de façon consistante, « réduirait la Bible à de la presque-fiction, car le sens normal des mots perdrait sa pertinence et serait remplacé par une quelconque signification que l’interprète donne aux symboles[7] ». Il faut en effet reconnaître le caractère subjectif de cette approche herméneutique. Si celle-ci est subjective, c’est parce qu’elle fait premièrement appel à l’imagination du lecteur plutôt qu’à son bon sens. Bien entendu, notre intention n’est pas de dénigrer l’imagination des lecteurs en disant cela. Au contraire, l’imagination peut parfois s’avérer très bonne et utile. Même lorsqu’il s’agit d’avoir du bon sens ! Mais afin qu’elle ne divague ni ne fabule, l’imagination doit être solidement tenue en laisse. Or l’un des principaux problèmes avec l’interprétation allégorique se trouve dans le fait que cette manière de lire la Bible produit habituellement plusieurs excès regrettables dans l’interprétation. Car il n’existe pratiquement aucun critère ni aucune clé herméneutique pouvant guider le lecteur dans son interprétation allégorique de la Bible. L’interprétation est donc totalement livrée à l’arbitraire.

Un autre argument contre l’interprétation allégorique de la Bible, c’est que cette approche n’est pas encore parvenue à démontrer son utilité. Comment en effet les allégoristes expliquent-ils que le sens spirituel qu’ils affirment découvrir par l’allégorisation soit identique au message divin que l’on peut comprendre en lisant normalement le texte biblique ? Ils rétorqueront probablement que le sens spirituel que l’on découvre en pratiquant l’allégorisation n’est jamais censé contredire le sens normal de la Bible ni aller au-delà de ce même sens. Car, disent-ils, il y a nécessairement correspondance entre ces deux sens, étant donné que Dieu est l’auteur de la Bible et qu’il lui est absolument impossible de se contredire. Or, s’il y a bel et bien correspondance entre ces deux sens, quel est donc l’avantage de poursuivre la pratique de l’interprétation allégorique de la Bible, puisque de toute façon il est possible d’obtenir les mêmes résultats en lisant l’Écriture d’une manière normale ? Ne vaut-il pas mieux alors cesser tout simplement d’utiliser la lecture allégorique ?


Langage figuratif et lecture allégorique

Autre est le langage figuratif contenu dans la Bible, autre est la lecture allégorique de celle-ci. Quiconque désire interpréter correctement l’Écriture Sainte doit d’abord reconnaître ce fait. Il est en effet important de prendre conscience que la lecture allégorique, en dépit des similitudes que cette manière de lire semble partager avec le langage figuratif contenu dans la Bible, agit cependant comme une « structure externe », qu’on « superpose » arbitrairement au texte biblique. Contrairement à la lecture allégorique, le langage figuratif appartient intrinsèquement à la composition même de la Bible ; ce langage n’est pas une interprétation forcée du texte scripturaire. Il s’agit tout simplement d’un langage imagé, qui exprime des réalités spirituelles à l’aide d’images terrestres. Aussi, en utilisant des images et des symboles, les auteurs bibliques entendaient-ils se servir de modes de pensées propres à refléter de manière suffisamment adéquate les vérités spirituelles qu’ils avaient reçues de la part de Dieu. On ne peut donc pas les accuser de tordre le sens du message divin ! Bien au contraire. Ce qu’ils ont écrit est le message divin, dans toute son intégralité.

Les images que les écrivains bibliques ont utilisées pour dépeindre certaines réalités spirituelles ne reproduisent ces mêmes réalités que d’une manière dite analogique. Autrement dit, la réalité spirituelle exprimée par l’image n’est pas cette image prise dans son essence. La Bible, par exemple, dépeint à l’occasion Dieu comme un « rocher », un « bouclier » et une « lumière ». Mais il est évident que Dieu, au sens propre du terme, n’est ni un rocher, ni un bouclier, ni une lumière. De la même manière, lorsque l’Écriture Sainte désigne Dieu comme Seigneur, Juge, Roi, Père et Fils (Jésus-Christ), elle le fait forcément à partir de figures ou de termes qui sont empruntées au domaine des relations personnelles et sociales de l’homme. Car la seigneurie de Dieu, sa judicature, sa royauté, sa paternité ainsi que sa filiation transcendent à l’infini les réalités terrestres dont l’Écriture se sert figurativement pour le représenter.

Prenons la filiation de Jésus-Christ pour illustrer plus en détails notre point. En décrivant Jésus comme Fils de Dieu, le Nouveau Testament n’affirme aucunement par là que la filiation du Logos éternel est essentiellement identique à la relation humaine entre un père et son fils. Ce serait d’ailleurs une grave erreur que de confondre ces deux types de filiations. Certes, entre le Père et le Fils, il y a paternité et filiation, et c’est ce que la théologie trinitaire a tenté de nous démontrer avec le plus de clarté possible, eu égard aux nombreuses difficultés insurmontables que représente l’étude de ce sujet tout à fait énigmatique. Il serait toutefois déraisonnable de prétendre connaître pleinement l’essence de cette relation intra-trinitaire en se référant au modèle humain de la filiation. C’est pourquoi nous confessons, d’une part, que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, et, dans cette confession même, nous parvenons malgré tout à saisir quelques bribes de cette filiation divine grâce à l’intelligence que nous, êtres humains, avons des relations filiale et paternelle. D’autre part, nous bronchons tous contre le mystère de la Trinité et des relations internes qui la composent. Car il n’appartient, somme toute, qu’à l’exigence de la foi de renfermer ce mystère.

Culte de l’image et lecture allégorique

Pourtant, malgré cette distinction que nous venons d’établir, un certain nombre de chrétiens continuent à confondre langage figuratif et lecture allégorique. Nous avons même l’impression parfois que certains d’entre eux sont complètement subjugués par le concept d’« image », comme si chaque parole, chaque mot dans la Bible était en fait une figure ou une image recélant une signification à la fois plus profonde et plus spirituelle, qu’il nous importe de découvrir en mettant en action une méthode rigoureuse d’allégorisation ! On peut même se demander s’il n’y a pas lieu de considérer une telle attitude comme un véritable culte de l’image, car il se trouve des gens qui paraissent totalement incapables d’interpréter la Bible sans devoir du même coup faire intervenir d’une manière ou d’une autre un jeu de représentations symboliques. Pour ces personnes, presque tout est figuratif dans la Bible. Ce qu’il faut faire, disent-ils, c’est de découvrir les multiples trésors spirituels cachés à l’intérieur de l’Écriture Sainte en creusant du mieux qu’on peut, c’est-à-dire en appliquant scrupuleusement la méthode allégorique. Cependant, leur fascination pour l’image prend parfois des proportions si gigantesques, que nous croyons être en droit de nous interroger sur la légitimité de leur démarche : est-ce une démarche saine et convenable ou un vice caché dans la réflexion elle-même ?

Afin de répondre à cette question, il nous paraît nécessaire de faire d’abord une remarque succincte à propos de la notion d’image comme celle-ci se présente à nous dans la société occidentale. Cette remarque, spécifions-le tout de suite, ne prétend nullement épuiser le sujet du concept d’image ni en donner une explication définitive. À vrai dire, il s’agit d’une observation qui, nous le croyons, pourrait s’avérer fort utile pour mieux comprendre cette obsession de l’image chez certaines personnes.

Une caractéristique singulière de notre société occidentale, c’est la valeur considérable que les gens attachent à l’image, qu’il s’agisse de leur propre image ou encore de celle des autres. On exprime à l’occasion cette même idée en opposant « paraître » et « être ». Le « paraître », dit-on, consiste à refuser la belle occasion d’« être » ce que nous sommes en réalité. Le « paraître », dans ce sens, correspondrait donc à une représentation idyllique de soi, que l’on jetterait intentionnellement à la face des autres dans le but bien arrêté de faire montre non pas de soi-même mais d’une mascarade de soi, c’est-à-dire d’une image de soi fabriquée de toutes pièces. C’est bien ce qu’avait jadis observé Montesquieu, lorsque, par exemple, il disait que « la vérité demeure ensevelie sous les maximes d’une politesse fausse » et qu’on « ne met point de différence entre connaître le monde et le tromper[8]. » Non seulement jouons-nous cette comédie, mais nous exigeons des autres qu’ils la jouent également, car l’image qu’ils projettent d’eux-mêmes sur nous nous éblouit tout autant que la nôtre. Cela est ainsi parce que nous croyons à tort que l’image est de loin plus agréable et plus vraie que la vérité elle-même. Les agents publicitaires et les politiciens connaissent très bien ce phénomène ; ils savent d’ailleurs parfaitement quelle peut être la puissance de l’image et comment celle-ci peut littéralement inciter les gens à consommer à la démesure ou à voter pour leur parti politique. Ils se servent du pouvoir de l’image parce qu’ils ont compris que nous nous laissons facilement berner et assujettir par l’image. Bref, ils savent très bien qu’image égale pouvoir. Ils n’ignorent pas que ceux qui régneront sont ceux qui auront la capacité de manipuler l’image à leur guise ! Or cette puissance de l’image est peut-être ce qui nous fascine le plus dans l’image ; c’est peut-être aussi pour cette raison qu’il nous est si facile de projeter sur les autres une image de nous-mêmes, car une telle image nous fait sentir plus grands et plus puissants dans la société des hommes. Elle nous aide en effet à refouler nos complexes ou encore à camoufler soigneusement un manque d’estime de soi. Nous savons tous très bien que tout cela n’est rien de plus qu’une illusion. Pourtant, nous jouons volontiers le jeu.

Certaines personnes peuvent penser que nous nous sommes éloignés de notre sujet initial. En fait, nous y revenons, mais par une autre porte d’accès. Ce que nous cherchons à démontrer, c’est que derrière l’obsession de l’image se cache parfois un besoin profond de valorisation et de puissance. Nous avons dit « parfois », car nous sommes tout à fait conscient que d’autres raisons peuvent motiver les gens à insister fortement sur les images. Néanmoins, ce que nous sommes en train de dire, c’est qu’il est fort possible que des gens interprètent allégoriquement la Bible parce que cette manière de la lire leur procure un sentiment vertigineux de puissance ou encore de réalisation personnelle. En d’autres termes, certaines personnes pourraient, consciemment ou non, allégoriser la Bible dans le but de se prouver à elles-mêmes ainsi qu’aux autres qu’elles détiennent une autorité spirituelle en propre. Pire, il pourrait même s’agir d’une méthode de manipulation spécialement destinée à tromper les gens afin de les assujettir. À titre d’exemple, on n’a qu’à penser aux sectes religieuses (aussi bien les sectes chrétiennes que les sectes juives ou musulmanes) qui, afin d’établir solidement leur soi-disant « autorité spirituelle », jouent volontiers la carte de l’interprétation mystique et allégorique des livres sacrés. Elles prétendent en effet être les seules à pouvoir démystifier la signification de ces livres sacrés. Sans elles, insistent-elles par surcroît, personne ne saurait être en mesure de connaître la vérité ! Entre leurs mains, l’interprétation allégorique devient donc un puissant outil de domination et de manipulation religieuse.


Mais il ne faut surtout pas s’imaginer que les sectes religieuses sont les seules à agir de cette façon. Car les églises évangéliques ne sont aucunement exemptes de membres (tant des laïques que des ministres) qui pratiquent l’allégorisation pour des raisons similaires ! Nous ne disons évidemment pas (est-il nécessaire de le rappeler ?) que tous ceux qui font une lecture allégorique de la Bible sont par le fait même des manipulateurs religieux en quête de puissance spirituelle et d’autorité ecclésiastique. Cependant, nous sommes convaincus que le phénomène que nous venons de décrire existe bel et bien dans nos églises et qu’il continue malheureusement de ravager non seulement des communautés chrétiennes au complet, mais encore des vies entières. Ainsi, quand certaines personnes, fascinées à outrance par la puissance de l’image, tentent d’affermir leur autorité par une joute ingénieuse et très efficace d’allégorisation des Écritures, l’Église se doit de réagir dans les plus brefs délais, sans quoi elle court le risque de subir tôt ou tard un dur revers.

______________________
[1] Voir la rubrique « Hermeneutics », in Anthony C. Thiselton, New Dictionary of Theology, Downers Grove, IVP, 1988, p. 294.

[2] Ibid.

[3] Amar DJABALLAH, Les paraboles aujourd’hui, Québec, La Clairière, 1994, p. 224.

[4] Cette liste est tirée du livre de Gordon FEE & Douglas STUART, op.cit., p. 133-134.

[5] Voir Lc 10.36-37 ; le dernier verset indique clairement que le docteur de la loi avait compris correctement la signification de la parabole, car Jésus, pour manifester au docteur de la loi qu’il est en accord avec sa réponse juste, lui répond tout de suite : « Va, et toi, fais de mêmes ». Voir aussi Gordon FEE & Douglas STUART, op.cit., p. 134.

[6] Le docteur Amar Djaballah rejette l’interprétation allégorique de la parabole du Bon Samaritain, tout comme il repousse l’opinion selon laquelle ce passage serait en réalité un récit exemplaire (une illustration-modèle). Il préfère actualiser cette parabole en suivant trois possibilités : 1) « Que l’expérience de la grâce de Dieu vient d’abord, le service de Dieu et du prochain viennent après » ; 2) Que « la manière dont nous investissons les problèmes inter-confessionnels et inter-raciaux contemporains est avant tout une affaire d’aimer son prochain comme soi-même » ; 3) Et, finalement, en s’accordant sur ce point avec le philosophe contemporain Emmanuel Lévinas, qu’il « me faut apprendre à aimer l’autre comme prochain, car je suis là pour lui ou pour elle ; c’est à cette seule condition que mon amour lui-même pourra être moins étouffant et plus libérateur, à l’exemple de l’amour de Dieu » ; Voir Amar Djaballah, op.cit., p. 240-241.

[7] Charles C. RYRIE, Basic Theology, Wheaton, Victor Books, 1986, p. 110.

[8] MONTESQUIEU, Éloge de la sincérité, Éditions Mille et une Nuit, 1995, p. 11. Nous avons modernisé la citation, qui, dans cette édition, préserve le vieux français du texte intégral. Le philosophe existentialiste Karl Jasper, de son côté, nous offre une description peu reluisante des politiciens qui sont attachés au pouvoir uniquement pour exploiter honteusement le peuple et faire montre de leur puissance politique : « Ce sont des réalistes opportunistes, factieux, roublards, maîtres chanteurs. (...) Avec des phrases sentimentales, ils jouent la comédie du sérieux. » ; Karl Jasper, Initiation à la méthode philosophique, Paris, Payot & Rivages, 2001, p. 99-100.

vendredi 6 octobre 2006

La lecture néo-orthodoxe de la Bible

La lecture néo-orthodoxe de la Bible
par Daniel Audette

L'interprétation barthienne de la Bible

Au cours du 20e siècle, un théologien protestant du nom de Karl Barth (1886 – 1968) a développé une méthode pour lire l'Écriture Sainte. Méthode qui, disons-le franchement, est fortement discutable (et discutée fortement !). Ce qu'il convient avant tout de savoir à propos de cette méthode, c'est qu'elle provient directement de la doctrine non-scripturaire de l'Écriture que confessait Karl Barth. Comme le fait remarquer adéquatement Pierre Courthial, “ sur ce point fondamental [la doctrine de l'Écriture], Barth n'a pas pu, n'a pas su, n'a pas voulu exorciser les démons de la tradition critique déjà ancienne qui lui fût enseignée (...)[1] ”. Prenons quelques instants pour considérer un peu plus en détails la pensée de Barth au sujet de cette nouvelle méthode.

Selon Karl Barth, la Bible n'est pas la Parole de Dieu. Les paroles de l'Écriture Sainte, dit-il, ne doivent pas être directement considérées comme la Parole de Dieu. Il est vrai que Barth, en tant que théologien protestant, croit que la Bible fait figure d'autorité pour le croyant. Par contre, il ne conçoit pas l'autorité de la Bible comme l'Église la comprend. Selon lui, si la Bible détient une certaine autorité, ce n'est que parce qu'elle rend témoignage à celui qui est la véritable Parole de Dieu : Jésus-Christ. En effet, dans la pensée de Barth, c'est le Christ incarné, et non l'Écriture, qui est la Parole de Dieu. La Bible, explique-t-il, est seulement une tentative humaine et faillible de répéter et de reproduire par des pensées et des expressions humaines la Parole de Dieu donnée dans le passé[2].

Cependant, pour Barth, cette faillibilité de l'Écriture Sainte ne signifie nullement que la Bible n'a pas de rôle à jouer dans la vie du croyant. Tout au contraire. Selon lui, le témoignage humain de la Bible, par un acte spécial de Dieu, peut devenir une révélation divine. Qu'entend-il au juste par là ?

Karl Barth affirme que Dieu, en dépit de l'humanité et de la faillibilité de la Bible, peut conférer aux paroles bibliques une signification céleste et une puissance divine. En d'autres termes, Dieu peut se servir de l'Écriture de manière à ce que ses paroles deviennent miraculeusement des paroles de Dieu et qu'elles soient ainsi reçues par les hommes. Barth explique de quelle manière il nous faut comprendre cela :

L'inspiration verbale ne veut pas dire l'infaillibilité de la parole biblique dans sa particularité linguistique, historique et théologique en tant que parole humaine. Cela veut dire que la parole humaine faillible et fautive est utilisée d'une telle manière par Dieu qu'elle doit être reçue et entendue en dépit même de sa faillibilité humaine[3].
Karl Barth conçoit plus spécifiquement ce phénomène (les paroles bibliques qui deviennent une révélation divine) comme une rencontre personnelle et incontournable avec Dieu, qui se produit par le truchement des paroles humaines et faillibles de la Bible. John Murray explique pour nous ce que Barth veut dire par là:
La seule manière dont nous la connaissons comme Parole de Dieu [la Bible], c'est lorsqu'elle vient droit à nous et est dirigée vers nous, et cela dans une confrontation concrète (...), dans une rencontre véritable et incontournable. Dans cette rencontre incontournable, une puissance divine souveraine nous envahit et nous demeurons en crise. C'est une crise dans laquelle un acte de Dieu, de cette manière et d'aucune autre manière, pour cette personne particulière et aucune autre personne, confronte cette même personne avec un choix, le choix de l'obéissance ou de la désobéissance accompagnées toutes les deux de leurs corollaires respectifs de bénédiction ou de condamnation. (...) Si fidèle que soit la révélation attestée par les écrivains bibliques, ce n'est pas en raison de cela qu'elle est la Parole de Dieu. C'est seulement dans la mesure où il y a cette expérience répétitive d'une crise humaine et d'une décision divine qu'elle devient la Parole de Dieu[4].
Objections à la méthode barthienne
Bien entendu, comme chrétiens évangéliques, il nous est impossible de dire amen à la doctrine barthienne de l'Écriture Sainte. En fait, nous rejetons trois thèses fondamentales que chérit Karl Barth mais qui nous paraissent non scripturaires.

a) La Bible : plus qu'un témoignage
Nous rejetons premièrement la thèse barthienne suivant laquelle la Bible rendrait seulement témoignage à la révélation de Dieu sans être elle-même révélation. Bien sûr, nous sommes tout à fait d'accord avec Barth lorsqu'il affirme que la Bible rend témoignage à Jésus-Christ. Comme le souligne très bien Pierre Courthial, “ affirmer que l'Écriture est “ témoignage ”, c'est affirmer, selon l'Écriture elle-même, que Jésus-Christ est le centre de toute la révélation et qu'il est l'unique Sauveur, l'unique Seigneur ”. Néanmoins, nous croyons que la notion barthienne de témoignage est bibliquement insoutenable, gravement défaillante, nettement inconsistante et singulièrement illogique.

D'abord, si la Bible, comme le pense Barth, n'est qu'un témoignage, une “ attestation ”, de la révélation de Dieu en Jésus-Christ, comment explique-t-il alors l'autorité que Jésus-Christ a déléguée aux apôtres (et nous savons que tout le Nouveau Testament porte l'autorité apostolique) pour qu'ils parlent en son nom : “ Qui vous écoute m'écoute ” (Lc 10.16) ? Si, en effet, la parole des apôtres est aussi la parole du Christ, donc la Parole de Dieu (il ne peut en être autrement puisque Jésus est Dieu fait homme), on s'explique mal pourquoi Barth persiste à ne pas reconnaître que la Bible est la Parole de Dieu.

Ensuite, comment Barth explique-t-il les attestations explicites des écrivains bibliques, quand ceux-ci affirment que l'Écriture est la Parole de Dieu (cf. 2 S 23.2 ; Jr 26.2 ; 2 Tm 3.16 ; 2 P 19-21) ?

Enfin, si la Bible, comme Barth le soutient, n'est qu'un écrit humain et faillible qui rend témoignage à Jésus-Christ (qui est infaillible), comment explique-t-il alors le fait que ce même Jésus (infaillible !) dise de la Bible qu'elle est la Parole de Dieu, attestant du coup que l'Écriture Sainte est non seulement humaine mais fait aussi partie de la révélation de Dieu (cf. Mt 4.4 ; 5.17-18 ; 15.3-6 ; Jn 10.34-35) ? L'infaillibilité de Jésus serait-elle faillible ? Pourtant, si on en croit Barth, le Jésus qu'il protège et défend avec tant d'ardeur et de passion ne serait en fin de compte qu'un être faillible, puisque ce même Jésus se serait pitoyablement fourvoyé quant à la nature véritable de l'Écriture Sainte en affirmant qu'elle est la Parole de Dieu ! Mais comme le résume adroitement Pierre Courthial, “ le fait est que, selon l'Écriture Sainte, les témoignages prophétiques et apostoliques de la révélation font partie de la révélation. Le fait est que, selon l'Écriture Sainte, l'Écriture Sainte n'est pas seulement témoignage de la révélation mais est révélation[5]. ” Bref, “ la Bible n'est pas le lieu où la révélation peut se produire mais la Bible fait partie de la révélation de Dieu[6] ”.

b) La Bible : certes humaine mais aussi infaillible
La deuxième thèse erronée et contraire à lenseignement scripturaire de l'Écriture Sainte est la thèse barthienne de la faillibilité de la Bible. Comme nous l'avons mentionné au début de ce sous-chapitre, Karl Barth ne s'est jamais départi de la tradition critique qui lui a été enseignée dès le début de sa carrière théologique. Bien entendu, le problème de cette tradition ne consiste pas en ce qu'elle affirme l'humanité de la Bible, mais en ce qu'elle bloque ensemble “ humanité ” et “ faillibilité ”. Ce faisant, elle se trouve dans l'impossibilité d'envisager l'humanité de l'Écriture Sainte dépourvue parfaitement d'erreurs et de failles. C'est pourquoi, pour les théologiens de la tradition critique, tout comme pour Barth, “ la réelle humanité de la Bible implique sa non moins réelle faillibilité[7]
”. Toutefois, l'attitude de Barth à l'égard de l'humanité de la Bible se heurte contre des difficultés que celui-ci ne peut escamoter.

En premier lieu, comme le rappelle à juste titre Pierre Courthial, “ ce que les Pères de l'Église ancienne, les réformateurs, les docteurs fidèles aux confessions de foi réformées ont toujours unanimement affirmé, avec l'Église dans ces confessions de foi, c'est le fait certain que toute l'Écriture est inspirée de Dieu, qu'elle est une donnée de révélation, qu'elle est (directement !) la Parole de Dieu[8] ”. Le témoignage unanime de tous ces docteurs, bien qu'il ne constitue pas la norme de notre foi, est cependant hautement significatif : il indique en effet de quel côté l'orthodoxie s'est toujours rangée dans ses confessions de foi en ce qui regarde l'Écriture Sainte, à savoir du côté de l'inspiration divine de l'Écriture Sainte comme seul gage de son infaillibilité. En rejetant la doctrine de l'infaillibilité de la Bible, c'est donc tout le témoignage unanime de l'orthodoxie (et il est gros) que Barth rejette !

En second lieu, la position de Barth à l'égard de l'humanité de la Bible fait face à une difficulté d'ordre logique. Selon le témoignage de l'Écriture elle-même, Jésus-Christ n'a jamais commis de péché : “ Il a été tenté comme nous sans commettre de péché ” (Hé 4.15)[9]. Selon le témoignage de Jésus-Christ lui-même, l'Écriture est la Parole infaillible de Dieu : “ En vérité je vous le dis, jusqu'à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de la loi ne passera, jusqu'à ce que tout soit arrivé ” (Mt 5.18). Aussi : “ L'Écriture ne peut être abolie ” (Jn 10.35)[10]. Si donc l'on se fie à ce que l'Écriture et Jésus déclarent l'un de l'autre, les deux, l'Écriture et Jésus, sont parfaitement infaillibles. Car –et c'est ici le noyau de notre argument– un Christ infaillible ne peut en aucun cas rendre témoignage à une Bible faillible comme une Bible infaillible ne peut en aucun cas rendre témoignage à un Christ faillible. Et inversement. Un Christ faillible ne peut en aucun cas rendre témoignage à une Bible infaillible comme une Bible faillible ne peut en aucun cas rendre témoignage à un Christ infaillible. Ainsi, comme nous sommes à même de le constater, il est absolument impossible, en raison de ce témoignage réciproque entre Jésus et la Bible, que la Bible contienne la moindre erreur[11]. Nous sommes d'ailleurs grandement étonnés de constater que Karl Barth, face à l'évidence de cette logique dans laquelle la Bible elle-même nous entraîne, n'a pas pu, n'a pas su, n'a pas voulu apercevoir ce fait. Nous en sommes d'autant plus surpris connaissant la place centrale que tenait Jésus-Christ dans l'ensemble de la dogmatique de ce théologien protestant

c) La Bible : plus qu'une “ rencontre avec Dieu ”
La troisième thèse barthienne que nous rejetons est celle de la “ rencontre incontournable avec Dieu ”. Ce n'est toutefois pas la thèse elle-même que ce qu'elle présuppose que nous refusons d'épouser. En effet, dans la théologie de Barth, cette “ rencontre ” avec Dieu suppose dès le départ que la Bible est faillible et qu'elle ne doit pas être directement considérée comme la Parole de Dieu. Nous sommes évidemment d'accord avec lui lorsqu'il insiste sur la nécessité de l'illumination intérieure du Saint Esprit afin de comprendre la Bible. Les théologiens de la Confession de foi réformée baptiste de 1689 ne déclarent-ils pas clairement : “ Nous reconnaissons que l'illumination intérieure de l'Esprit de Dieu est nécessaire pour une compréhension à salut de ce qui est révélé dans la Parole[12].
” Sans oublier, bien entendu, l'enseignement de l'apôtre Paul, qui rappelle prestement aux chrétiens de Corinthe la nécessité de l'œuvre régénératrice du Saint-Esprit, pour connaître et recevoir les choses de l'Esprit : “ L'homme naturel ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge. ” (1 Co 2.14). Ailleurs, ce même apôtre déclare : “ Nous savons, frères bien-aimés de Dieu, que vous avez été élus, car notre Évangile n'est pas venu jusqu'à vous en paroles seulement, mais aussi avec puissance, avec l'Esprit Saint et une pleine certitude. ” (1 Th 1.5). Cependant, nous faussons compagnie à Karl Barth lorsqu'il prétend que la Bible, à cause de la soi-disant faillibilité de son humanité, n'est pas la révélation de Dieu mais qu'elle doit le devenir par un acte miraculeux de l'Esprit. Sans entrer ici dans les détails de la doctrine chrétienne de l'inspiration et de l'inerrance de la Bible, nous affirmons, contra Barth, que la Bible est la Parole de Dieu et qu'elle est divine, souveraine et puissante à salut. Mais nous déclarons aussi avec la même verve, que la Bible est pleinement humaine et que cette humanité n'a nullement été corrompue par le péché[13].

Lecture barthienne et chrétiens évangéliques
Certaines personnes pourraient penser que le problème de la lecture barthienne de l'Écriture Sainte ne concerne aucunement les chrétiens évangéliques. Ces mêmes personnes seraient peut-être aussi tentées de nous dire : “ Pourquoi parler de ces choses, puisque personne, dans nos églises, ne conçoit de cette manière ni la doctrine de la Bible ni l'herméneutique ? ” “ Ce n'est guère plus qu'une perte de temps ! ”

Si ce que ces gens disent confirmait la réalité, nous ne serions évidemment pas ici à discuter de tout cela ! Mais hélas ! trop de chrétiens évangéliques (souvent sans même le savoir) lisent encore leur Bible d'une manière qui se rapproche dangereusement de la méthode barthienne. Ces chrétiens, il est vrai, ne rejettent pas forcément la doctrine traditionnelle de l'inspiration et de l'inerrance de la Bible comme l'a fait Karl Barth. Cependant, ils lisent la Bible non pour découvrir ce que Dieu y dit avec des mots et des modes de pensées marqués au “ fer rouge ” de l'histoire ancienne, mais dans l'espoir d'entendre ici et maintenant une “ parole ” de Dieu qui soit à la fois transcendante et personnelle. Autrement dit, ce qui est important pour eux n'est guère plus ce que le texte dit (son sens originel comme les premiers destinataires l'ont compris), mais ce que Dieu, par un mouvement spécial de l'Esprit, pourrait leur dire par l'intermédiaire du texte. Tout ceci paraît encore bien abstrait. Prenons quelques exemples pour illustrer notre point.

Il n'est pas rare d'entendre un chrétien claironner avec la joie du ciel que Dieu s'est adressé à lui d'une manière tout à fait personnelle alors qu'il lisait la Bible. On peut en général reconnaître l'authenticité d'une telle expérience d'une rencontre avec Dieu dans la mesure où celle-ci est conforme à l'enseignement scripturaire. Or, pour qu'une telle expérience soit trouvée conforme à l'enseignement de la Bible, elle doit bien sûr être en accord avec les doctrines que l'Écriture enseigne. Autrement dit, ce que Dieu dit aujourd'hui à ses enfants est nécessairement identique à ce qu'il a dit autrefois aux premiers destinataires de la Bible, car son message n'a pas changé (le message reste toujours le même, bien que les multiples “ applications ” du texte biblique peuvent augmenter ou diminuer en intensité d'une époque à une autre ou d'une culture à une autre). Comme nous le savons, les premiers destinataires de la Bible ont reçu la Parole de Dieu par le truchement de l'humanité des écrivains bibliques. De la même manière, nous recevons aujourd'hui la Parole de Dieu par l'intermédiaire de ces mêmes instruments humains. C'est précisément pour cette raison que nous disons qu'il faut comprendre le plus exactement possible ce que les écrivains bibliques disent si nous voulons comprendre le message de Dieu. Et comment parvient-on à une compréhension juste de ce qu'ils disent ? En interprétant correctement ! Et comment interprète-t-on correctement ? En “ accueillant ” l'humanité des écrivains bibliques, c'est-à-dire en recevant le message de Dieu comme ces hommes l'ont livré ! Une fois cette condition respectée, on peut être assuré d'avoir assez bien saisi l'enseignement divin (on se souviendra toutefois de la nécessité de l'illumination intérieure du Saint-Esprit pour une compréhension droite et à salut du message biblique).

Mais il arrive à l'occasion que certaines personnes soutiennent avoir reçu une parole de Dieu en lisant la Bible, bien que ces personnes ne se soient jamais souciées de savoir s'ils ont bien interprété le texte biblique. Prenons l'exemple d'un chrétien qui prétend avoir reçu une “ parole de Dieu ” en lisant un passage biblique. Lorsqu'on écoute ce chrétien parler de son “ expérience ”, il est manifeste que celui-ci n'a pas bien compris le passage biblique en question. D'où s'ensuit habituellement la question : “ Dieu a-t-il vraiment parlé à cette personne ? ” Compliquons un peu les choses. Ce chrétien, comme nous venons de le mentionner, comprend de manière erronée le texte biblique par lequel il affirme avoir reçu une parole de Dieu. Ce qu'il croit avoir compris est toutefois conforme à d'autres enseignements bibliques, que l'on trouve ailleurs dans la Bible. En d'autres termes, sa pensée est juste mais le texte biblique sur lequel il appuie sa “ compréhension ” ne véhicule pas cette vérité. D'où, pour la seconde fois, la question : “ Dieu a-t-il vraiment parlé à cette personne ? ”

“ Dieu a-t-il vraiment parlé à cette personne ? ” Voilà une question curieuse ! Elle est en effet curieuse car elle est posée ni au bon moment ni dans le bon contexte. En fait, elle est seconde et vient après une autre question : “ Qu'est-ce que Dieu dit dans la Bible ? ” Cette deuxième question est de loin plus juste, car elle oriente notre attention exactement là où elle doit d'abord se porter, à savoir sur le texte biblique lui-même, dans toute sa réalité divine et humaine. Mais en posant d'entrée de jeu la question “ Dieu a-t-il vraiment parlé à cette personne[14] ? ”, on fausse aussitôt la réflexion, en établissant une préoccupation étrangère à l'intention même de la Bible, intention qu'il est juste de résumer de la manière suivante : “ Qu'est-ce que Dieu dit[15] ? ”

Ainsi, par un étrange paradoxe, la pensée “ chrétienne ” est presque parvenue à intervertir complètement l'ordre logique dans lequel il nous faut approcher la Bible. Il en résulte que, lorsqu'un chrétien lit la Bible en posant premièrement la question “ Qu'est-ce que Dieu a à me dire ? ”, espérant de cette manière obtenir sur-le-champ une parole divine et personnelle, il le fait presque toujours au détriment de l'humanité de la Bible. Cependant, ne pas considérer l'humanité de la Bible à sa juste valeur au profit d'une lecture prétendue plus “ divine ” du texte biblique, revient paradoxalement à nier la divinité même de la Bible. En effet, si l'on sait que la Bible exprime ce que Dieu a divinement voulu communiquer aux hommes par des paroles humaines, on sait du même coup que ne pas interpréter correctement l'humanité de la Bible équivaut à se condamner soi-même à ne pas saisir le message divin de l'Écriture. Car dans la Bible, le divin s'exprime par l'humain et l'humain exprime le divin. Ne pas reconnaître l'importance de l'un revient à coup sûr à négliger l'importance de l'autre. Et inversement. Surestimer la nécessité de l'un revient à coup sûr à sous-estimer dangereusement la nécessité de l'autre. Si donc l'un est sous-estimé au profit ou surestimé au détriment de l'autre, l'un et l'autre resteront toujours incompréhensibles. Ce qui revient finalement à dire que nous devons bien interpréter l'humanité de la Bible si nous voulons comprendre son message divin, et que la prise de conscience de la divinité de la Bible devrait logiquement nous conduire à un plus grand respect de son humanité.

Si donc une personne affirme avoir reçu une parole de Dieu en lisant l'Écriture Sainte, mais que sa compréhension du texte demeure inexacte, cette personne doit alors reconsidérer sérieusement ce qu'elle croit avoir entendu de la part de Dieu. Car il n'est pas suffisant d'avoir entendu quelque chose ; il faut aussi avoir entendu ce que Dieu dit véritablement ! Cela vaut également des vérités bibliques soi-disant obtenues à la lecture d'un texte biblique qui ne véhiculerait pas ces dites vérités. Car ces vérités, aussi authentiques soient-elles, ne valideront jamais les interprétations erronées qu'on voudrait illégitimement imposer à un texte biblique. Ce qu'une personne dans un tel cas prétend avoir compris est sans aucun doute conforme à la pensée biblique, mais cette personne doit humblement reconnaître que les textes qu'elle évoque pour appuyer ses dires ne sont pas les bons.

Le danger avec la méthode barthienne, c'est qu'une personne peut carrément se méprendre sur la nature de la “ parole de Dieu ” qu'elle croit avoir entendue en lisant la Bible. Comment en effet savoir si la parole entendue provient de Dieu ? Et si la parole que je prétends avoir reçue contredit celle que mon frère ou ma sœur en la foi affirme également avoir reçue. Qui dit vrai ? Celui dont la parole reçue est la plus proche du sens évident du texte biblique ? Très bien. Mais n'est-ce pas les barthiens qui affirment que la Bible contient des erreurs ? Et n'est-ce pas précisément en raison de sa prétendue faillibilité qu'ils refusent en outre de considérer la Bible comme la Parole de Dieu ? Or si l'Écriture Sainte, comme disent les barthiens, ne peut être regardée comme la Parole de Dieu à cause de la faillibilité du témoignage humain de ses auteurs, ne serait-il pas alors totalement absurde et contradictoire de voir un barthien tenter de prouver la véracité d'une soi-disant parole divine qu'il aurait reçue de la part de Dieu, en s'appuyant directement sur ce même témoignage humain de la Bible ? De toute évidence, ce barthien ne pourrait pas procéder de cette manière sans du même coup risquer de se contredire sérieusement. Il ne lui reste alors qu'à admettre qu'il est tout à fait incapable de prouver l'authenticité de son “ expérience ” spirituelle. Car une telle expérience est et restera subjective tant et aussi longtemps qu'il n'acceptera pas d'en vérifier l'exactitude en se basant uniquement sur le fondement solide et objectif qu'est la Bible. Bien entendu, cette reconnaissance de l'Écriture Sainte comme seul fondement objectif de son expérience religieuse lui coûtera sa chère croyance en la faillibilité de la Bible. Car pour admettre pleinement le caractère normatif de cette dernière, il devra d'abord embrasser sans restriction la doctrine évangélique de l'inerrance biblique. C'est à cette seule condition qu'il lui sera possible d'échapper au piège de la subjectivité et de la contrefaçon de l'expérience religieuse.

Un danger tout aussi réel qui guette les chrétiens évangéliques, c'est de s'imaginer, à l'instar des barthiens, qu'ils ont entendu la voix de Dieu en lisant un passage biblique, bien que l'évidence démontre qu'il n'en est rien dans les faits. Si, de leur côté, les barthiens tombent dans cette sorte de piège en raison de leur doctrine détestable de la faillibilité du témoignage humain de la Bible, certains chrétiens évangéliques, quant à eux, tombent dans un piège similaire en n'insistant pas comme il se doit sur l'humanité des Saintes Écritures (les spiritualistes et les fondamentalistes ont particulièrement été coupables de cette attitude). Dans les deux cas, une négligence exégétique est à la base des mauvaises interprétations de la Bible. Les premiers ne l'interprètent pas correctement parce qu'ils croient que son humanité est faillible. Les deuxièmes ne l'interprètent pas selon les règles de l'art parce qu'ils négligent son humanité en exagérant la portée divine de son infaillibilité[16]. Mais, que ce soit d'un côté ou de l'autre, le résultat reste toujours le même : l'importance d'effectuer une bonne interprétation du texte sacré est dévaluée. Et quand la tâche herméneutique est dévalorisée de la sorte, c'est toujours le message divin qui en souffre !

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[1] Pierre COURTHIAL, Fondements pour l'avenir, Aix-en-Provence, Éditions Kerygma, 1981, p. 17.

[2] Voir à ce sujet la fine et excellente présentation de John MURRAY, Collected Writings of John Murray 4: Studies in Theology, Edinburgh, Banner of Truth, 1982, p. 30-57. Dans ce chapitre, John Murray offre, entre autres choses, une excellente défense de la position évangélique contre la doctrine barthienne de l'Écriture Sainte.

[3] Karl BARTH, Church Dogmatics, 1:2, 533, cité par Kevin VANHOOZER, “ God's Mighty Speech Act: The Doctrine of Scripture Today ”, A Pathway into the Holy Scripture, édité par E. Satterthwaite and David F. Wright, Grand Rapids, Eerdmans, 1994, p. 156.

[4] John MURRAY, op.cit., p. 36.

[5] Pierre COURTHIAL, op.cit., p. 19.

[6] Pierre COURTHIAL, op.cit., p. 19. Pour une réfutation consistante de la position barthienne de la Bible, voir le chapitre “ An Evaluation of the Neo-Orthodox View of Scripture ” dans la toute nouvelle théologie systématique du Dr. Norman GEISLER, Systematic Theology, Minniapolis, Bethany House, 2002, vol. 1, p. 380-387.

[7] Pierre COURTHIAL, op.cit., p. 21.

[8]Pierre COURTHIAL, op.cit., p. 22. Considérons, à titre d'exemple, et plus près de nous dans l'ordre chronologique, la 1ière Déclaration de Chicago, qui déclare : “ Nous affirmons que l'inspiration, sans conférer d'omniscience, a garanti que les énoncés des auteurs bibliques sont vrais et dignes de foi sur tous les sujets dont ils ont été conduits à parler ou écrire. ” “ Nous rejetons l'opinion selon laquelle la finitude ou la nature pécheresse de ces auteurs aurait, de manière nécessaire ou non, introduit quelque fausseté, quelque distorsion, dans la Parole de Dieu. ” (Art. IX) ; 1ière Déclaration de Chicago, in Paul WELLS, Dieu a parlé, Québec, La Clairière, 1997, p. 232.

[9] “ Qui de vous me convaincra de péché ? ” (Jn 8.46).

[10] Ainsi, “ pour Jésus l'Ancien Testament dans son ensemble et en chacune de ses parties est la Parole de son Père ”. Et aussi : “ Toute la vie de Jésus, son ministère et sa mort reposent sur l'infaillible vérité écrite par les prophètes dans l'Ancien Testament. Et c'est ce que nous révèle infailliblement le témoignage inspiré des apôtres dans le Nouveau Testament. ” ; Pierre COURTHIAL, op.cit., p. 31.
[11] Pour une étude très intéressante et détaillée de ce même argument, voir l'ouvrage de Pierre MARCEL, Face à la critique : Jésus et les apôtres, Aix-en-Provence, Labor et Fides, 1986, p. 13-41.

[11]
Henri Blocher croit discerner une brèche dans la christologie de Barth qui accorderait une place à la “ corruption ” de la chair assumée par Jésus. Nous citons : “ Barth affirme avec force que Jésus n'a pas été un homme pécheur, et rapporte la “corruption” ou le “vice” de la chair assumée par Jésus (comme il la voit) aux conséquences du péché, aux conditions d'existence du Seigneur incarné. “Corruption” et “misère” tendent à s'équivaloir sous sa plume. ” ; Henri BLOCHER, Fac étude: christologie, Vaux-sur-Seine, Faculté libre de théologie évangélique, 1986, deuxième fascicule, p. 191. Si Karl Barth attribuait effectivement une certaine mesure de corruption à l'humanité de Jésus, cela pourrait très bien expliquer dans ce cas qu'une faille tout aussi détestable soit apparue dans sa doctrine de l'Écriture.

[12] Confession de foi réformée baptiste de 1689, St. Marcel, Comité d'entraide réformé baptiste, 1994, p. 12.

[13] C'est avec la rhétorique qu'on lui connaît que Pierre Courthial mène sa réplique contre la doctrine barthienne du miracle de l'inspiration. C'est pourquoi nous préférons le citer intégralement, afin de ne rien perdre de ce délice intellectuel servi à la Courthial : “ Nous venons de parler de miracle au sujet de l'inspiration de la Bible. Or, pour justifier la prétendue faillibilité de l'Ecriture, BARTH fait un singulier parallèle entre les miracles du Nouveau Testament et l'“ inscripturation ” :
Quand la Bible nous dit que le Christ a marché sur les eaux, quand elle nous parle de sa crucifixion, quand elle nous raconte dans Jean 11 que Lazare n'était plus qu'un cadavre, quand elle mentionne, dans nombre d'autres passages, tous ces gens boiteux, aveugles, sourds ou affamés que Dieu a miraculeusement secourus –elle nous dit la vérité. Et ceci doit nous aider à comprendre que, dans l'exercice de leur fonction de témoins, les prophètes et les apôtres ont été eux-mêmes des hommes semblables à tous les autres, faibles, pécheurs, et susceptibles d'erreurs comme nous tous.”

Oui, c'est là un bien curieux parallèle ! Il est vrai que les prophètes et les apôtres étaient eux-mêmes des hommes semblables à nous, faibles, pécheurs et susceptibles d'erreurs... de même que les hommes vers lesquels est allé le Seigneur étaient boiteux, aveugles, sourds et affamés. Mais il y a eu le miracle justement : les boiteux ont marché, les aveugles ont vu, les sourds entendu et les affamés ont été nourris... de même les prophètes et les apôtres ont été “ inspirés ” et eux qui étaient en eux-mêmes faillibles ont écrit le témoignage infaillible compris dans la Révélation.

Si le miracle est arrivé..., si Lazare mort est ressuscité..., si le Seigneur a marché sur les eaux..., alors aussi Moïse, et David, et Esaïe, et Luc, et Paul n'ont pas erré et n'ont pas failli en écrivant la Parole de Dieu. Après le miracle... Lazare n'était plus mort..., les boiteux ne boitaient plus..., les aveugles voyaient... et Moïse le faillible, David le faillible, Esaïe le faillible, Luc le faillible et Paul le faillible ont écrit l'infaillible vérité de la Bible. L'argument de BARTH est bien mal mené puisque, remis d'aplomb, il amène à conclure... à l'inverse de la conclusion de BARTH ! Les erreurs de la Bible attesteraient simplement... que le miracle de l'inspiration du Saint-Esprit n'a pas eu lieu ! ” ; Pierre COURTHIAL, op.cit., p. 23-24.

[14] Ou encore : “ Qu'est-ce que Dieu a à me dire ? ”

[15] Selon J. Rodman Williams, la première question que la théologie doit poser lorsqu'elle interprète la Bible est la suivante : “ Qu'est-ce que l'Écriture dit ? ” ; J. Rodman WILLIAMS, Renewal Theology 1, Grand Rapids, Zondervan, 1988, p. 23. La courte section sur l'interprétation de la Bible (B. Reliance on the Scriptures) est très intéressante et fort instructive. La présentation de cette section est conservatrice aussi bien dans le fond que dans la forme (cf. 22-25). Il est également possible de consulter sur le Web quelques articles du même auteur, dont un excellent article (disponible en anglais seulement) au sujet de l'interprétation de la Bible et qui s'intitule Understanding Scripture :

[16] Cette “ exagération ” de la portée divine de la Bible est habituellement le fruit d'une théorie défaillante de la doctrine de l'inspiration et de l'autorité de Bible.

jeudi 5 octobre 2006

Paul Wells: Romains 8

Voici une belle petite série de méditations sur Romains 8, par le professeur Paul Wells. J'ai toujours apprécié les ouvrages écrits par cet auteur.

  1. Introduction
  2. verset 1
  3. vv. 2-4
  4. vv. 5-11
  5. vv. 12-14
  6. vv. 17-24
  7. vv. 26-27
  8. vv. 28-30
  9. vv. 31-36
  10. vv. 37-39