vendredi 29 septembre 2006

Votre enfant est un gothique: que faire?


Cette caricature est tirée du blogue ygreck.ca

Dans un post précédent intitulé Dawson et le registre des armes à feu (15 septembre 2006), Colombe a fait le commentaire suivant et voulait connaître mon opinion concernant les parents dont les enfants baignent dans l'univers gothique:
Daniel,

nous entendons parlé depuis quelques jours des caractéristiques du style de vie ghotique. Beaucoup blâme les parents de Gill de n'avoir pas pris leurs responsabilités face à leur fils. D'autres chercheront plutôt à les disculper.

Certains parents, croyants et non croyants, craignent d'ailleurs que leurs enfants vêtus tout de noir viennent à commettre l'irréparable. Jeunes et vieux de nos églises n'échappent pas aux pièges que tends les pensées et philosophies du monde.J'aimerais connaître ton opiniion sur les parents chrétiens dont les enfants sont corropus par ce mode de pensée.
Après avoir réfléchi à son interrogation, je pense être en mesure d'y répondre maintenant.

Mon opinion est la suivante: les gothiques représentent un style de vie morbide et axé sur la fascination que procurent les Ténèbres. L'élément caractéristique de ce mouvement est qu’il cherche à se dissocier le plus possible de la Lumière. Le style vestimentaire des gothiques constitue en fait l'expression externe de cette fascination pour les Ténèbres. Une personne peut très bien être fascinée par les Ténèbres sans nécessairement se vêtir à la gothique. Mais l'inverse se peut-il? J'en doute fort. Pourtant certains "gothiques chrétiens" le croient et l'affirment haut et fort, comme en font foi d'ailleurs les quelques sites Web suivants: Christian Goth.com, Gothic Christianity et The First Church of The Living Dead.

Que faire donc si votre enfant arbore le style gothique? D'abord, il ne faut pas dramatiser. Chaque génération a eu ses modes passagères pour exprimer sa rébellion; le gothisme n'est qu'une autre d'entre elles. Il ne s'agit certes pas de minimiser le phénomène ni d'ignorer le fait des nouveaux attraits vestimentaires et philosophiques de votre enfant. Mais il faut savoir dédramatiser et ne pas se laisser aller à la pensée que le gothisme est un péché pire que tous les autres péchés. Aux yeux de Dieu, tous les péchés sont graves et dignes de recevoir le même jugement qui consiste en sa colère éternelle.

En deuxième lieu, je vous propose de discuter avec votre enfant: demandez-lui ce qui peut bien le motiver à se vêtir ainsi. S'il vous répond, vous serez alors en mesure d'évaluer jusqu'à quel point il est influencé par la culture philosophique du gothisme. Souvent, ces jeunes sont attirés par ce style de vie que pour un instant. Toutefois, il est certain que les traits plus philosophiques du gothisme resteront gravés dans leur esprit et influenceront leur conception du monde pour une bonne partie de leur vie sinon toute leur vie.

La difficulté, cependant, que peuvent éprouver quelques parents sera le refus de leur enfant à discuter avec eux: c'est que, bien souvent, les gothiques vivent une rébellion ouverte envers un de leurs parents ou les deux. Dans une telle situation, votre pouvoir d'action est très limité. Mais l'occasion est bien choisie pour vous questionner sur le style éducationnel que vous avez jusque-là appliqué avec vos enfants. Peut-être votre enfant s'attend-il secrètement à un repentir sincère de votre part pour les erreurs que vous auriez commises à leurs égards? Parfois, la repentance est ce qui permet de rétablir la relation et qui active le processus de transformation.

Troisièmement, votre rôle sera plus efficace dans la prière; la prière vous permettra de remettre à Dieu vos soucis quant à votre petit gothique et elle permettra à Dieu de vous transformer. Car il faut bien comprendre que ce ne sont pas uniquement les enfants gothiques qui ont besoin du secours de Dieu et de sa guérison, mais vous également, puisque vous êtes en quelque sorte impliqués malgré vous dans le choix du mode de vie gothique de votre enfant. Vous avez également besoin de la guérison divine.

Enfin, puisque la Lumière est à l'opposé des ténèbres, vivez dans la Lumière du Christ, ce sera cette lumière qui pourra dissiper les ténèbres dans lesquelles gît votre enfant.

Que Dieu vous vienne en aide.

Si vous avez des commentaires et des suggestions à ce sujet, n'hésitez pas à nous en faire part. Peut-être ainsi aiderez-vous quelques parents dont un enfant est gothique.

mardi 26 septembre 2006

Encore la citation du Pape!

Empereur byzantin MANUEL PALEOLOGUE
Photo tirée du site jesusmarie.com

Je pense que la presse ne donne pas l'heure juste quand vient le temps de préciser les sources des documents qui ont été sujets à dispute dans le monde religieux. Et le texte duquel est tirée la citation faite par le Pape Benoît XVI ne fait pas exception. Lequel des journalistes a-t-il seulement lu le texte cité par le Pape, c'est-à-dire la 7e Controverse de l'Empereur byzantin MANUEL II PALEOLOGUE, tirée de son ouvrage Entretiens avec un Musulman?

Puisque nous aimons nous tenir au courant et nous instruire de ces choses, puisque d'aucuns ne voudront rester ignorants mais que tous cherchent instruction et exactitude en tout sujet, je vous propose alors de lire par vous-mêmes ce texte de l'Empereur byzantin dont il est question:
Entretiens avec un Musulman.

L'Église Catholique est-elle vraiment contre la religion de Mahomet?

Si certains croient encore que l'Église Catholique se perçoit comme une entité distincte d'adorateurs du seul vrai Dieu révélé en Jésus-Christ, et bien détrompez-vous: bien qu'elle reconnaisse ne pas former une communauté unique avec les Musulmans, elle croit cependant que Musulmans et chrétiens adorent le seul et même Dieu. Ce discours du Pape Jean-Paul II en témoigne sans équivoque:

VISITE PASTORALE AUX PAYS-BAS

DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II AUX FIDÈLES DE L'ISLAM

Bruxelles - Dimanche 19 mai 1985

Chers Frères et Sœurs fidèles de l’Islam,

Cette occasion de vous rencontrer est une joie pour moi. Comme chef spirituel de l’Eglise catholique, j’ai eu bien d’autres possibilités d’accueillir des Musulmans à Rome ou de leur rendre visite en divers pays au cours de mes voyages.

Chrétiens et musulmans, nous nous rencontrons dans la foi au Dieu unique, notre créateur, notre guide, notre juge juste et miséricordieux. Nous nous efforçons tous de mettre en pratique dans notre vie quotidienne la volonté de Dieu, suivant l’enseignement de nos Livres saints respectifs. Nous croyons que Dieu transcende notre pensée et notre univers et que sa présence d’amour nous accompagne chaque jour. Dans la prière, nous nous mettons en présence de Dieu pour l’adorer et lui rendre grâce, pour demander pardon de nos fautes et obtenir son aide et sa bénédiction.

C’est en Belgique que nous nous rencontrons aujourd’hui, un pays qui a une longue tradition d’hospitalité à l’égard des personnes d’appartenances religieuses différentes, et dont la législation assure la liberté du culte et de l’éducation. Nous savons que cela ne résout pas tous les problèmes, d’ailleurs communs à l’ensemble des immigrants. Cependant, les difficultés elles-mêmes doivent inciter tous les croyants, chrétiens et musulmans, à mieux se connaître, à dialoguer pour trouver la manière pacifique de vivre ensemble et de s’enrichir mutuellement. II est bon de se connaître en acceptant ses différences, de surmonter les préjugés dans le respect mutuel, de travailler pour la réconciliation et le service des plus humbles. C’est là un dialogue fondamental que tous doivent mener dans les quartiers, dans les lieux de travail, à l’école. C’est le dialogue qui convient à des croyants qui vivent ensemble dans une société moderne et pluraliste.

Il ne nous est pas donné de former une communauté unique; c’est là une épreuve qui nous est imposée. Face à cette situation, permettez-moi de reprendre une consigne de l’Apôtre saint Paul: “Que ceux qui ont placé leur foi en Dieu, aient à cœur d’exceller dans la pratique du bien” (Cfr. Tit. 3, 8). C’est ce type d’émulation qui peut bénéficier à toute la société) surtout à ceux qui ressentent le plus vivement le besoin de justice, de consolation, d’espérance, en un mot ceux qui ont besoin de raisons de vivre. Sachons collaborer fraternellement, cela nous rapprochera de la volonté de Dieu.

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lundi 25 septembre 2006

Le fameux discours du Pape Benoît XVI

J'ai lu l'intégral du texte du discours de Ratisbonne du Pape Benoît XVI (voir mon post intitulé L'intégral du texte du pape Benoît XVI). Vraiment, les Musulmans y ont trouvé ce qu'ils voulaient bien y trouver pour faire naître une querelle excessive contre le christianisme. Les paroles qui ont tant choqué les Musulmans sont les suivantes:

Sans s’arrêter sur les détails, tels que la différence de traitement entre ceux qui possèdent le « Livre » et les « incrédules », l’empereur, avec une rudesse assez surprenante qui nous étonne, s’adresse à son interlocuteur simplement avec la question centrale sur la relation entre religion et violence en général, en disant : «Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait».

Pourtant, une fois restituées dans leur contexte immédiat, et dans le contexte global du discours, ces paroles ne me paraissent nullement abusives. Je vous invite à lire le discours du Pape et à en juger par vous-mêmes. En ce qui me concerne, je pense que l'attitude généralement violente des Musulmans, et la réaction ordinaire de violence qui a été la leur après avoir entendu ce discours, tendent à démontrer la véracité des propos de l'empereur cité par le Pape Benoît XVI.

Dans un autre ordre d'idées, j'aimerais souligner l'apparition inattendue de Mme Lépine à la télévision de TVA, dimanche soir dernier. 17 ans après les événements de la Polytechnique, qui ont conduit à la mort de 14 jeunes femmes et au suicide du tueur fou, la mère de Marc Lépine, le tueur fou, nous livre le témoignage émouvant de sa vie post-événement et de sa foi en Dieu, qui lui a permis de garder la tête haute et une espérance vivante tout au long de cette épreuve tragique pour elle, sa famille et les familles des jeunes femmes victimes. Elle nous parle également de la perte de sa fille, qui est morte quelques années seulement après le suicide de son frère, Marc Lépine.

Un témoignage éminemment chrétien. À voir.

vendredi 22 septembre 2006

L'intégral du texte du pape Benoît XVI

Voici le fameux discours de Ratisbonne du Pape Benoît XVI, celui dont l'une des citations a causé tant de tumulte dans le monde musulman:

FOI, RAISON ET UNIVERSITE
Mémoires et réflexions

Éminences, Messieurs les Recteurs, Excellences,
Mesdames, Messieurs !

C’EST POUR MOI un moment de grande émotion de me trouver une nouvelle fois dans cette université et de pouvoir une nouvelle fois donner un cours. Mes pensées se tournent en même temps vers ces années où, après une belle période auprès de l’Institut supérieur de Freising, je commençai mon activité d’enseignant à l’université de Bonn. C’était encore - en 1959 - l’époque de l’ancienne université des professeurs ordinaires. Pour chacune des chaires, il n’existait ni assistants, ni dactylographes, mais en revanche il y avait un contact très direct avec les étudiants et surtout aussi entre les professeurs. L’on se rencontrait avant et après la leçon dans les salles des professeurs. Les relations avec les historiens, les philosophes, les philologues, et naturellement aussi entre les deux facultés de théologie étaient très étroites. Une fois par semestre, il y avait ce que l’on appelait le dies academicus, où les professeurs de toutes les facultés se présentaient devant les étudiants de toute l’université, permettant ainsi une expérience d’universitas - une chose à laquelle vous aussi, Monsieur le Recteur, vous avez fait récemment allusion - c’est-à-dire l’expérience du fait que nous tous, malgré toutes les spécialisations, qui parfois nous rendent incapables de communiquer entre nous, formons un tout et travaillons dans le tout de l’unique raison dans ses diverses dimensions, en étant ainsi ensemble également face à la responsabilité commune du juste usage de la raison - ce phénomène devenait une expérience vécue. Sans aucun doute, l’université était également fière de ses deux facultés de théologie. Il était clair qu’elles aussi, en s’interrogeant sur la dimension raisonnable de la foi, accomplissaient un travail qui nécessairement fait partie du « tout » de l’universitas scientiarum, même si tous pouvaient ne pas partager la foi, dont la relation avec la raison commune est l’objet du travail des théologiens. Cette cohésion intérieure dans l’univers de la raison ne fut même pas troublée lorsqu’un jour la nouvelle circula que l’un de nos collègues avait affirmé qu’il y avait un fait étrange dans notre université : deux facultés qui s’occupaient de quelque chose qui n’existait pas - de Dieu. Même face à un scepticisme aussi radical, il demeure nécessaire et raisonnable de s’interroger sur Dieu au moyen de la raison et cela doit être fait dans le contexte de la tradition de la foi chrétienne : il s’agissait là d’une conviction incontestée, dans toute l’université.

Parler de Dieu en raison

Tout cela me revint en mémoire récemment à la lecture de l’édition publiée par le professeur Theodore Khoury (Münster) d’une partie du dialogue que le docte empereur byzantin Manuel II Paléologue, peut-être au cours de ses quartiers d’hiver en 1391 à Ankara, entretint avec un Persan cultivé sur le christianisme et l’islam et sur la vérité de chacun d’eux. L’on présume que l’Empereur lui-même annota ce dialogue au cours du siège de Constantinople entre 1394 et 1402 ; ainsi s’explique le fait que ses raisonnements soient rapportés de manière beaucoup plus détaillées que ceux de son interlocuteur persan. Le dialogue porte sur toute l’étendue de la dimension des structures de la foi contenues dans la Bible et dans le Coran et s’arrête notamment sur l’image de Dieu et de l’homme, mais nécessairement aussi toujours à nouveau sur la relation entre - comme on le disait - les trois « Lois » ou trois « ordres de vie » : l’Ancien Testament - le Nouveau Testament - le Coran. Je n’entends pas parler à présent de cela dans cette leçon ; je voudrais seulement aborder un argument - assez marginal dans la structure de l’ensemble du dialogue - qui, dans le contexte du thème « foi et raison », m’a fasciné et servira de point de départ à mes réflexions sur ce thème.

Dans le septième entretien (dialexis - controverse) édité par le professeur Khoury, l’empereur aborde le thème du djihad, de la guerre sainte. Assurément l’empereur savait que dans la sourate 2, 256 on peut lire : « Nulle contrainte en religion ! » C’est l’une des sourates de la période initiale, disent les spécialistes, lorsque Mahomet lui-même n’avait encore aucun pouvoir et était menacé. Mais naturellement l’empereur connaissait aussi les dispositions, développées par la suite et fixées dans le Coran, à propos de la guerre sainte. Sans s’arrêter sur les détails, tels que la différence de traitement entre ceux qui possèdent le « Livre » et les « incrédules », l’empereur, avec une rudesse assez surprenante qui nous étonne, s’adresse à son interlocuteur simplement avec la question centrale sur la relation entre religion et violence en général, en disant : « Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait ». L’empereur, après s’être prononcé de manière si peu amène, explique ensuite minutieusement les raisons pour lesquelles la diffusion de la foi à travers la violence est une chose déraisonnable. La violence est en opposition avec la nature de Dieu et la nature de l’âme. « Dieu n’apprécie pas le sang - dit-il -, ne pas agir selon la raison , sun logô, est contraire à la nature de Dieu. La foi est le fruit de l’âme, non du corps. Celui, par conséquent, qui veut conduire quelqu’un à la foi a besoin de la capacité de bien parler et de raisonner correctement, et non de la violence et de la menace... Pour convaincre une âme raisonnable, il n’est pas besoin de disposer ni de son bras, ni d’instrument pour frapper ni de quelque autre moyen que ce soit avec lequel on pourrait menacer une personne de mort... »

L’affirmation décisive dans cette argumentation contre la conversion au moyen de la violence est : ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu. L’éditeur Théodore Khoury commente : pour l’empereur, un Byzantin qui a grandi dans la philosophie grecque, cette affirmation est évidente. Pour la doctrine musulmane, en revanche, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n’est liée à aucune de nos catégories, fût-ce celle du raisonnable. Dans ce contexte, Khoury cite une œuvre du célèbre islamologue français R. Arnaldez, qui explique que Ibn Hazn va jusqu’à déclarer que Dieu ne serait pas même lié par sa propre parole et que rien ne l’obligerait à nous révéler la vérité. Si cela était sa volonté, l’homme devrait même pratiquer l’idolâtrie.

Esprit grec et esprit biblique

Ici s’ouvre, dans la compréhension de Dieu et donc de la réalisation concrète de la religion, un dilemme qui aujourd’hui nous met au défi de manière très directe. La conviction qu’agir contre la raison serait en contradiction avec la nature de Dieu, est-elle seulement une manière de penser grecque ou vaut-elle toujours et en soi ? Je pense qu’ici se manifeste la profonde concordance entre ce qui est grec dans le meilleur sens du terme et ce qu’est la foi en Dieu sur le fondement de la Bible. En modifiant le premier verset du Livre de la Genèse, le premier verset de toute l’Ecriture Sainte, Jean a débuté le prologue de son Evangile par les paroles : « Au commencement était le logos. » Tel est exactement le mot qu’utilise l’empereur : Dieu agit sun logô, avec logos. Logos signifie à la fois raison et parole - une raison qui est créatrice et capable de se transmettre mais, précisément, en tant que raison. Jean nous a ainsi fait le don de la parole ultime sur le concept biblique de Dieu, la parole dans laquelle toutes les voies souvent difficiles et tortueuses de la foi biblique aboutissent, trouvent leur synthèse. Au commencement était le logos, et le logos est Dieu, nous dit l’Évangéliste. La rencontre entre le message biblique et la pensée grecque n’était pas un simple hasard. La vision de saint Paul, devant lequel s’étaient fermées les routes de l’Asie et qui, en rêve, vit un Macédonien et entendit son appel : « Passe en Macédoine, viens à notre secours ! » (cf. Ac 16, 6-10) - cette vision peut être interprétée comme un « raccourci » de la nécessité intrinsèque d’un rapprochement entre la foi biblique et la manière grecque de s’interroger.

En réalité, ce rapprochement avait déjà commencé depuis très longtemps. Déjà le nom mystérieux du Dieu du buisson ardent, qui éloigne l’homme de l’ensemble des divinités portant de multiples noms en affirmant uniquement son « Je suis », son être, est, vis-à-vis du mythe, une contestation avec laquelle entretient une profonde analogie la tentative de Socrate de vaincre et de dépasser le mythe lui-même. Le processus qui a commencé auprès du buisson atteint, dans l’Ancien Testament, une nouvelle maturité pendant l’exil, lorsque le Dieu d’Israël, à présent privé de la Terre et du culte, s’annonce comme le Dieu du ciel et de la terre, en se présentant avec une simple formule qui prolonge la parole du buisson : « Je suis. » Avec cette nouvelle connaissance de Dieu va de pair une sorte de philosophie des Lumières, qui s’exprime de manière drastique dans la dérision des divinités qui ne serait que l’œuvre de la main de l’homme (cf. Ps 115). Ainsi, malgré toute la dureté du désaccord avec les souverains grecs, qui voulaient obtenir par la force l’adaptation au style de vie grec et à leur culte idolâtre, la foi biblique allait intérieurement, pendant l’époque hellénistique, au devant du meilleur de la pensée grecque, jusqu’à un contact mutuel qui s’est ensuite réalisé en particulier dans la littérature sapientiale tardive. Aujourd’hui, nous savons que la traduction grecque de l’Ancien Testament réalisée à Alexandrie - la « Septante » - est plus qu’une simple (un mot qu’on pourrait presque comprendre de façon assez négative) traduction du texte hébreux : c’est en effet un témoignage textuel qui a une valeur en lui-même et une étape spécifique importante de l’histoire de la Révélation, à travers laquelle s’est réalisée cette rencontre d’une manière qui, pour la naissance du christianisme et sa diffusion, a eu une signification décisive. Fondamentalement, il s’agit d’une rencontre entre la foi et la raison, entre l’authentique philosophie des lumières et la religion. En partant véritablement de la nature intime de la foi chrétienne et, dans le même temps, de la nature de la pensée grecque qui ne faisait désormais plus qu’un avec la foi, Manuel II pouvait dire : Ne pas agir « avec le logos » est contraire à la nature de Dieu.

Par honnêteté, il faut remarquer ici que, à la fin du Moyen Âge, se sont développées dans la théologie, des tendances qui rompaient cette synthèse entre esprit grec et esprit chrétien. En opposition avec ce que l’on a appelé l’intellectualisme augustinien et thomiste, débuta avec Duns Scott une situation volontariste qui, en fin de compte, dans ses développements successifs, conduisit à l’affirmation que nous ne connaîtrions de Dieu que la voluntas ordinata. Au-delà de celle-ci, il existerait la liberté de Dieu, en vertu de laquelle il aurait pu créer et faire tout aussi bien le contraire de tout ce qu’il a effectivement fait. Ici se profilent des positions qui, sans aucun doute, peuvent s’approcher de celles de Ibn Hazn, et pourraient conduire jusqu’à l’image d’un Dieu-Arbitraire, qui n’est pas même lié par la vérité et par le bien. La transcendance et la diversité de Dieu sont accentuées avec une telle exagération que même notre raison, notre sens du vrai et du bien ne sont plus un véritable miroir de Dieu, dont les possibilités abyssales demeurent pour nous éternellement hors d’atteinte et cachées derrière ses décisions effectives. En opposition à cela, la foi de l’Église s’est toujours tenue à la conviction qu’entre Dieu et nous, entre son Esprit créateur éternel et notre raison créée, il existe une vraie analogie dans laquelle - comme le dit le IVe Concile du Latran en 1215 - les dissemblances sont certes assurément plus grandes que les ressemblances, mais toutefois pas au point d’abolir l’analogie et son langage. Dieu ne devient pas plus divin du fait que nous le repoussons loin de nous dans un pur et impénétrable volontarisme, mais le Dieu véritablement divin est ce Dieu qui s’est montré comme logos et comme logos a agi et continue d’agir plein d’amour en notre faveur. Bien sûr, l’amour, comme le dit Paul, « dépasse » la connaissance et c’est pour cette raison qu’il est capable de percevoir davantage que la simple pensée (cf. Ep 3, 19), mais il demeure l’amour du Dieu-Logos, pour lequel le culte chrétien est, comme le dit encore Paul logikè latreia - un culte qui s’accorde avec le Verbe éternel et avec notre raison (cf. Rm 12, 1).

À l’origine de l’Europe...

Le rapprochement intérieur mutuel évoqué ici, qui a eu lieu entre la foi biblique et l’interrogation sur le plan philosophique de la pensée grecque, est un fait d’une importance décisive non seulement du point de vue de l’histoire des religions, mais également de celui de l’histoire universelle - un fait qui nous crée des obligations aujourd’hui encore. En tenant compte de cette rencontre, il n’est pas surprenant que le christianisme, malgré son origine et quelques importants développements en Orient, ait en fin de compte trouvé son empreinte décisive d’un point de vue historique en Europe. Nous pouvons l’exprimer également dans l’autre sens : cette rencontre, à laquelle vient également s’ajouter par la suite le patrimoine de Rome, a créé l’Europe et demeure le fondement de ce que l’on peut à juste titre appeler l’Europe.

À la thèse selon laquelle le patrimoine grec, purifié de façon critique, ferait partie intégrante de la foi chrétienne, s’oppose l’exigence de dés-hellénisation du christianisme - une exigence qui, depuis le début de l’époque moderne domine de manière croissante la recherche théologique. Vu de plus près, on peut observer trois époques dans le programme de la dés-hellénisation : même si elles sont liées entre elles, elles sont toutefois, dans leurs motivations et dans leurs objectifs, clairement distinctes l’une de l’autre.

... et de ses abandons ?

La dés-hellénisation apparaît d’abord en liaison avec les postulats de la Réforme au XVIe siècle. En considérant la tradition des écoles théologiques, les réformateurs se retrouvent face à une systématisation de la foi conditionnée totalement par la philosophie, c’est-à-dire face à une détermination de la foi venue de l’extérieur en vertu d’une manière de penser qui ne dérive pas de celle-ci. Ainsi la foi n’apparaissait plus comme une parole historique vivante, mais comme un élément inséré dans la structure d’un système philosophique. Le sola Scriptura recherche en revanche la pure forme primordiale de la foi, comme celle-ci est présente originellement dans la Parole biblique. La métaphysique apparaît comme un présupposé dérivant d’une autre source, dont il faut libérer la foi pour la faire redevenir totalement elle-même. Avec son affirmation d’avoir dû mettre de côté la pensée pour faire place à la foi, Kant a agi en se basant sur ce programme avec un radicalisme que les réformateurs ne pouvaient prévoir. Ainsi a-t-il ancré la foi exclusivement dans la raison pratique, en lui niant l’accès au tout de la réalité.

La théologie libérale du XIXe et du XXe siècle représenta une deuxième époque dans le programme de la déshellénisation : Adolf von Harnack en est un éminent représentant. Pendant mes études, comme au cours des premières années de mon activité universitaire, ce programme était fortement à l’œuvre également dans la théologie catholique. L’on prenait comme point de départ la distinction de Pascal entre le Dieu des philosophes et le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Dans la conférence que j’ai prononcée à Bonn, en 1959, j’ai essayé d’affronter cet argument, et je n’entends pas reprendre ici tout ce discours. Je voudrais toutefois tenter de mettre en lumière, même brièvement, la nouveauté qui caractérisait cette deuxième époque de déshellénisation par rapport à la première.

La réflexion centrale qui apparaît chez Harnack est le retour à Jésus simplement homme et à son message simple, qui serait précédent à toutes les théologisations ainsi, précisément, qu’à toute hellénisation : ce serait ce message simple qui constituerait le véritable sommet du développement religieux de l’humanité. Jésus aurait donné congé au culte en faveur de la morale. En définitive, il est représenté comme le père d’un message moral humanitaire. L’objectif de Harnack est au fond de ramener le christianisme en harmonie avec la raison moderne, en le libérant, précisément, d’éléments apparemment philosophiques et théologiques comme, par exemple la foi dans la divinité du Christ et dans la trinité de Dieu. En ce sens, l’exégèse historique et critique du Nouveau Testament, dans la vision qui est la sienne, replace la théologie au sein du système de l’université : la théologie, selon Harnarck, est quelque chose d’essentiellement historique et donc d’étroitement scientifique. Ce sur quoi elle enquête à propos de Jésus à travers la critique est, pour ainsi dire, l’expression de la raison pratique et par conséquent peut trouver sa place dans le système de l’université. En arrière-plan, on trouve l’auto-limitation moderne de la raison, exprimée de manière classique dans les « critiques » de Kant, mais par la suite ultérieurement radicalisée par la pensée des sciences naturelles. Cette conception moderne de la raison se fonde, pour le dire brièvement, sur une synthèse entre platonisme (cartésianisme) et empirisme, que le progrès technique a confirmé. D’une part, on présuppose la structure mathématique de la matière, sa rationalité intrinsèque, pour ainsi dire, qui rend possible sa compréhension et son utilisation dans son efficacité opérationnelle : ce présupposé de fond est pour ainsi dire l’élément platonicien dans le concept moderne de la nature. D’autre part, on envisage l’« utilisabilité » fonctionnelle de la nature selon nos objectifs, où seule la possibilité de contrôler vérité et erreur à travers l’expérience fournit une certitude décisive. Le poids respectif de ces deux pôles peut, selon les circonstances, pencher davantage d’un côté ou davantage de l’autre. Un penseur aussi étroitement positiviste que Jacques Monod a déclaré qu’il était un platonicien convaincu.

Cela comporte deux orientations fondamentales décisives en ce qui concerne notre question. Seul le type de certitude dérivant de la synergie des mathématiques et de l’empirique nous permet de parler de science. Ce qui prétend être science doit se confronter avec ce critère. Et ainsi, même les sciences qui concernent les choses humaines, comme l’histoire, la psychologie, la sociologie et la philosophie, cherchaient à se rapprocher de ce canon de la science. Pour nos réflexions est cependant aussi important le fait que la méthode comme telle exclut la question de Dieu, la faisant apparaître comme une question ascientifique ou pré-scientifique. Mais cela nous place devant une réduction du domaine de la science et de la raison, dont il faut tenir compte.

Je reviendrai encore sur ce thème. Pour le moment, il suffit d’avoir à l’esprit que, avec une tentative faite à la lumière de cette perspective pour conserver à la théologie le caractère de discipline « scientifique », il ne resterait du christianisme qu’un misérable fragment. Mais il nous faut aller plus loin : si la science n’est que cela dans son ensemble, alors c’est l’homme lui-même qui devient victime d’une réduction. Car les interrogations proprement humaines, c’est-à-dire celles concernant les questions sur « d’où » et « vers où », les interrogations de la religion et de l’ethos, ne peuvent alors pas trouver de place dans l’espace de la raison commune décrite par la « science » interprétée de cette façon, et elles doivent être déplacées dans le domaine du subjectif. Le sujet décide, à partir de ses expériences, ce qui lui apparaît religieusement possible, et la « conscience » subjective devient, en définitive, la seule instance éthique. Cependant, l’ethos et la religion perdent ainsi leur force de créer une communauté et tombent dans le domaine de l’arbitraire personnel. C’est une situation dangereuse pour l’humanité : nous le constatons dans les pathologies menaçantes de la religion et de la raison - des pathologies qui doivent nécessairement éclater, lorsque la religion est réduite à un point tel que les questions de la religion et de l’ethos ne la regardent plus. Ce qui reste des tentatives pour construire une éthique en partant des règles de l’évolution, de la psychologie ou de la sociologie, est simplement insuffisant.

Avant de parvenir aux conclusions auxquelles tend tout ce raisonnement, je dois encore brièvement mentionner la troisième époque de la déshellénisation qui se diffuse actuellement. En considération de la rencontre avec la multiplicité des cultures, on aime dire aujourd’hui que la synthèse avec l’hellénisme, qui s’est accomplie dans l’Église antique, aurait été une première inculturation, qui ne devrait pas lier les autres cultures. Celles-ci devraient avoir le droit de revenir en arrière jusqu’au point qui précédait cette inculturation pour découvrir le simple message du Nouveau Testament et l’inculturer ensuite à nouveau dans leurs milieux respectifs. Cette thèse n’est pas complètement erronée ; elle est toutefois grossière et imprécise. En effet, le Nouveau Testament a été écrit en langue grecque et contient en lui le contact avec l’esprit grec - un contact qui avait mûri dans le développement précédent de l’Ancien Testament. Il existe certainement des éléments dans le processus de formation de l’Église antique qui ne doivent pas être intégrés dans toutes les cultures. Mais les décisions de fond qui concernent précisément le rapport de la foi avec la recherche de la raison humaine, ces décisions de fond font partie de la foi elle-même et en sont les développements, conformes à sa nature.

La théologie, “interrogation de la raison de la foi”

Avec ceci, j’arrive à la conclusion. Cette tentative, uniquement dans de grandes lignes, de critique de la raison moderne de l’intérieur, n’inclut absolument pas l’idée que l’on doive retourner en arrière, avant le siècle des Lumières, en rejetant les convictions de l’époque moderne. Ce qui dans le développement moderne de l’esprit est considéré valable est reconnu sans réserves : nous sommes tous reconnaissants pour les possibilités grandioses qu’il a ouvert à l’homme et pour les progrès dans le domaine humain qui nous ont été donnés. Du reste, l’ethos de l’esprit scientifique est - vous l’avez mentionné, M. le recteur - la volonté d’obéissance à la vérité, et donc l’expression d’une attitude qui fait partie des décisions essentielles de l’esprit chrétien. L’intention n’est donc pas un recul, une critique négative ; il s’agit en revanche d’un élargissement de notre concept de raison et de l’usage de celle-ci. Car malgré toute la joie éprouvée face aux possibilités de l’homme, nous voyons également les menaces qui y apparaissent et nous devons nous demander comment nous pouvons les dominer. Nous y réussissons seulement si la raison et la foi se retrouvent unies d’une manière nouvelle ; si nous franchissons la limite auto-décrétée par la raison à ce qui est vérifiable par l’expérience, et si nous ouvrons à nouveau à celle-ci toutes ses perspectives. C’est dans ce sens que la théologie, non seulement comme discipline historique, humaine et scientifique, mais comme véritable théologie, c’est-à-dire comme interrogation sur la raison de la foi, doit trouver sa place à l’université et dans le vaste dialogue des sciences.

Ce n’est qu’ainsi que nous devenons également aptes à un véritable dialogue des cultures et des religions - un dialogue dont nous avons un besoin urgent. Dans le monde occidental domine largement l’opinion que seule la raison positiviste et les formes de philosophie qui en découlent sont universelles. Mais les cultures profondément religieuses du monde voient précisément dans cette exclusion du divin de l’universalité de la raison une attaque à leurs convictions les plus intimes. Une raison qui reste sourde face au divin et qui repousse la religion dans le domaine des sous-cultures, est incapable de s’insérer dans le dialogue des cultures. Toutefois, la raison moderne propre aux sciences naturelles, avec son élément platonicien intrinsèque, contient en elle, comme j’ai cherché à le démontrer, une interrogation qui la transcende, ainsi que ses possibilités méthodiques. Celle-ci doit simplement accepter la structure rationnelle de la matière et la correspondance entre notre esprit et les structures rationnelles en œuvre dans la nature comme un fait donné, sur lequel se fonde son parcours méthodique. Mais la question sur la raison de ce fait donné existe et doit être confiée par les sciences naturelles à d’autres niveaux et façons de penser - à la philosophie et à la théologie.

Pour la philosophie et, de manière différente, pour la théologie, l’écoute des grandes expériences et convictions des traditions religieuses de l’humanité, en particulier celle de la foi chrétienne, constitue une source de connaissance ; la refuser signifierait une réduction inacceptable de notre capacité d’écoute et de notre capacité à répondre. Il me vient ici à l’esprit une parole de Socrate à Phédon. Dans les entretiens précédents, ils avaient traité de nombreuses opinions philosophiques erronées, et Socrate s’exclamait alors : « Il serait bien compréhensible que quelqu’un, en raison de l’irritation due à tant de choses erronées, se mette à haïr pour le reste de sa vie tout discours sur l’être et le dénigrât. Mais de cette façon, il perdrait la vérité de l’être et subirait un grand dommage. »

Depuis très longtemps, l’Occident est menacé par cette aversion contre les interrogations fondamentales de sa raison, et ainsi il ne peut subir qu’un grand dommage. Le courage de s’ouvrir à l’ampleur de la raison et non le refus de sa grandeur - voilà quel est le programme avec lequel une théologie engagée dans la réflexion sur la foi biblique entre dans le débat du temps présent. « Ne pas agir selon la raison, ne pas agir avec le logos, est contraire à la nature de Dieu » a dit Manuel II, partant de son image chrétienne de Dieu, à son interlocuteur persan. C’est à ce grand logos, à cette ampleur de la raison, que nous invitons nos interlocuteurs dans le dialogue des cultures. La retrouver nous-mêmes toujours à nouveau, est la grande tâche de l’université.

Benedictus pp. XXI

Génération-Benoît XVI.com

© Copyright du texte original : Libreria editrice vaticana.
Traduction réalisée par Zenit.org, avec son aimable autorisation. Intertitres de la rédaction.

mardi 19 septembre 2006

Le rôle du théologien

Nous avons commencé une discussion sur le blogue de Theohead concernant la nécessité d'avoir une vie équilibrée pour celui qui oeuvre dans une université théologique. La discussion a pris des allures fort intéressantes, que je désire partager avec vous.

Voici la question initiale de Steve Robitaille (Theohead):

Comment garder un équilibre et s'assurer que la "vocation académique" ne prend pas toute la place, nous amenant à négliger Dieu, mon épouse, ma famille, mes amis, ma communauté chrétienne? C'est une question qui me préoccupe présentement. Vos réflexions sur le sujet sont les bienvenues.

posted by steve @ 10:33 AM 9 comments
At 9/18/2006, Georges Larabie said...

«Comment garder un équilibre et s'assurer que la "vocation académique" ne prend pas toute la place, nous amenant à négliger Dieu, mon épouse, ma famille, mes amis, ma communauté chrétienne? C'est une question qui me préoccupe présentement. Vos réflexions sur le sujet sont les bienvenues.»

La réponse est peut-être plus simple que nous aimerions le pensée. Nous sommes champion pour la compliqué afin de justifier nos choix. Il me semble que la réponse ce résume à ceci : aime Dieu, épouse, famille, communauté chrétienne, et amis plus que la vocation académique!

At 9/18/2006, Georges Larabie said...

J'ajouterais : puis accompli fidèlement ta vocation académique.

At 9/18/2006, Pierre-Louis said...

Salut compère et compagnon dans l'academe!

Je comprends ton dilemme mais je pense que les conseils de Georges sont fondés. Tu es un étudiant suffisamment exceptionnel pour exceller dans ta carrière tout en conservant les priorités au bons endroits.

Je suis moi-même Teaching Assistant et je m'apprête à me joindre à une équipe de recherche pour avoir accès à des données pour ma thèse. Je suis à la fois inscrit à 7 cours cette session-ci (4 réguliers, 2 intensifs consécutifs et un à long terme 3 fois par semestre).

Je dois aussi être présent à la maison pour Laurier et Geneviève, surtout que cette dernière est de plus en plus enceinte, ce qui peut limiter ses activités. Finalement, nous sommes à nous intérer dans une nouvelle église ici à Guelph et cela requiert un certain investissement de temps.

Évidemment, tout cela s'additionne à nos tâches et disciplines quotidiennes, à notre temps de couple, de famille, etc.

Toutes ces activités expliquent également le silence de mon blogue, mais quand je parle de priorités...

At 9/18/2006, Daniel Audette said...

Je pense que ta question, Steve, n'a de sens que si elle est restituée à son contexte d'origine: l'Église comme lieu du service de Dieu. Je crois en effet que le théologien chrétien n'est pas et ne sera jamais d'abord un académicien au sens où on l'entend habituellement; puisqu'il est un "don" de Dieu à l'Église pour son développement, c'est pour l'Église qu'il accomplit son oeuvre académique. En d'autres termes, le théologien est l'égal du docteur dont parlent les écrivains du NT.

Or le docteur, dans l'Église primitive, devait manifester par sa vie la manière dont la foi qu'il enseignait devait se traduire dans la vie d'une personne. Son oeuvre de docteur était intimement liée à sa vie personnelle et à tous les aspects de celles-ci. Les listes fournies par Paul pour la sélection des anciens constituaient une mesure concrète pouvant permettre à une église ou à un envoyé apostolique de mettre en place des anciens dans une communauté chrétienne. Or ces listes ont principalement pour objets les aspects privés de la vie d'un homme, sa famille, son travail, ses relations, ses loisirs, etc.

Je crois donc que le théologien doit considérer son travail académique comme s'il s'agissait de l'accomplissement de son ministère et de son don. Cela signifie donc que, si l'Église ne voit pas en lui une croissance dans tous les aspects de la vie d'un homme dont parlent les listes de Paul -comme par exemple ne pas prendre soin de ses enfants-, elle se doit de le reprendre et de lui rappeler quelles sont les attentes du ministère à son égard.

Bref, si ma passion pour la théologie me conduit à négliger quelques autres aspects importants de ma vie, je ne suis pas en mesure d'être reconnu par mon Église locale à titre de docteur, et ce même si je possède doctorat et études post-doctorales.

At 9/18/2006, steve said...

Merci pour vos commentaires. Ils vont sensiblement tous dans la même direction: la vocation académique doit être exercée dans le cadre de l'amour de Dieu tel que démontré par l'engagement dans l'Église locale. Je dis un "Amen" à cela. Mais il y a des facteurs structurels que vous ne prenez pas en compte à mon avis.
Un problème central est que la théologie est maintenant pratiquée dans un cadre universitaire. Ceci comporte certains avantages: liberté intellectuelle, formation rigoureuse, interaction avec la pensée contemporaine. Cependant, l'université a des fins différentes que l'Église et la théologie. L'université carbure à la productivité intellectuelle (son imbrication dans le monde capitaliste y est pour quelque chose). Alors que la théologie (chrétienne) se veut traditionnellement au service de Dieu et la communauté chrétienne. Devrait-on la sortir des universités et la resituer dans un contexte ecclésial qui ne mettrait pas autant l'accent sur la performance (intellectuelle) mais qui serait davantage "liturgique" (liée à l'adoration), avec des théologiens ayant des vies exemplaires (comme le dit Daniel) pour pouvoir apporter un "mentoring" à des chrétiens afin qu'ils soient transformés à l'image du Christ? Je suis d'accord, mais pourquoi les Églises investissent si peu dans la formation? Nos séminaires théologiques évangéliques sont divisés (11!) et avec peu de ressources financières (s'ils en avaient, je n'aurais pas à travailler autant, les salaires seraient décents), etc. Et si on veut sortir des universités, ce ne doit pas être pour tomber dans un sectarisme théologique ou un piétisme qui vient conforter l'Église dans ses aberrations, mais plutôt encourager autant l'excellence intellectuelle - avec d'autres critères que le nombre de publications/conférences, j'en conviens; les critères spirituels dont parle Daniel - que les universités. À mon avis, une faculté de théologie doit être à la fois au service de l'Église et critique par rapport à elle.
Tout ceci pour vous dire qu'il faut prendre en compte les aspects structurels du problème. Ce n'est pas parce que je veux travailler trop; le contexte universitaire des études supérieures demande beaucoup (et pour certain, comme moi, c'est financièrement ardu). Ceux qui poursuivent leurs études ont besoin de prières et d'encouragement (et parfois d'exhortation quand ils perdent de vue leurs priorités!).
Pierre-Louis, je suis bien heureux d'avoir de tes nouvelles. Je crois que tu comprends parfaitement ma situation car tu vis la même chose (7 cours! Ils sont fous!). Bon courage mon frère!

At 9/18/2006, steve said...

J'oubliais: merci pour vos commentaires. Je suis heureux de pouvoir interagir avec vous à nouveau.

At 9/19/2006, Daniel Audette said...

Steve,

Personne, et surtout pas moi, n'a dit que le théologien chrétien doit quitter le milieu universitaire, ni même que ce dit milieu universitaire ne convient pas au théologien chrétien. Pour ma part, ce que j'ai dit c'est que le théologien chrétien, étant donné la nature particulière du don qu'il a reçu, ne peut pas pratiquer son travail théologique comme n'importe quel autre type d'académicien.

Bon, je pense que tu comprends, alors je ne m'éterniserai pas sur ce sujet.

At 9/19/2006, steve said...

Daniel,
Je sais que tu n'as pas dit cela, c'est moi qui poursuit la réflexion (ou peut-être que je suis hors-sujet). Et je crois que c'est une question importante, car le milieu universitaire ne me semble pas propice à développer des théologiens qui cadrent avec le profil que tu nous as présenté (docteur dans l'Église, vie sainte, etc.). L'université est plutôt axée sur le monde, elle veut nous rendre capable de développer une théologie publique afin qu'on n'ait pas l'air trop "fondamentaliste" quand on parle dans les médias...Je caricature un peu. Tout cela pour dire que le but premier d'une théologie universitaire est "pour le monde". L'important est de développer un discours rigoureux et "acceptable" capable de rejoindre le "monde". Ceci se voit dans le fait qu'on ne s'attend pas à ce que les étudiants soient impliqués dans une Église locale, ou encore qu'ils soient "orthodoxes" dans leur théologie, mais uniquement qu'ils aient les capacités intellectuelles pour comprendre la théologie. Une telle conception de la tâche théologique aurait été une aberration dans l'Église ancienne, pour qui toute théologie était aussi une doxologie (pour la gloire de Dieu). Aucune séparation entre théologie et vie spirituelle. Ce n'est évidemment plus le cas dans les facultés universitaires de théologie, en tout cas au Québec. Et les séminaires qui sont détachés des universités ont parfois tendance à faire l'erreur contraire, qui est une forme d'acceptation aveugle des positions théologiques de l'institution qui les chapeaute. Une "foi qui cherche à comprendre": cette définition médiévale de la théologie me semble toujours pertinente aujourd'hui. On se situe dans une démarche explicite de foi, mais on cherche aussi ardemment à comprendre le monde à partir de cette foi.
Désolé pour ce long commentaire!

At 9/19/2006, Daniel Audette said...

car le milieu universitaire ne me semble pas propice à développer des théologiens qui cadrent avec le profil que tu nous as présenté (docteur dans l'Église, vie sainte, etc.).

Je suis d'accord avec cette description que tu fais.

Et les séminaires qui sont détachés des universités ont parfois tendance à faire l'erreur contraire, qui est une forme d'acceptation aveugle des positions théologiques de l'institution qui les chapeaute.

Je suis également d'accord avec cette autre description, du moins lorsque les séminaires n'ont pas consciemment cherché à s'inscrire dans un dialogue universitaire tout en enseignant la tradition de leurs dénominations respectives.

Quant à moi, le premier critère auquel j'astreins mon rôle de théologien est celui d'une vie pieuse et vertueuse, tel que le désir Paul lorsqu'il présente aux Églises ses listes de critères pour la sélection des anciens. Et ce même dans le cadre d'une nomination dans une université. En d'autres termes, je désire que ce soit l'Église locale qui me recommande et m'"envoie" à l'université pour y travailler parce qu'elle sait bien que ma vie et ma conduite cautionnent une telle position, au même titre qu'on le ferait pour la nomination d'un pasteur dans une Église locale. Ma réflexion ne concerne donc pas tant le rôle académique du théologien ni l'étendue de ses recherches (par exemple le dialogue interdisciplinaire ou l'élaboration d'une théologie typiquement ecclésiale et doxologique), mais le processus de recommandation derrière le théologien qui désire étudier et travailler au sein d'une université, qu'il s'agisse d'une université chrétienne ou non.

Ce procédé, bien sûr, n'est pas en place dans les Églises du Québec. Mais bon, je me porte volontaire pour qu'il s'accomplisse par mon entremise.

Récapitulation des réflexions sur Romains

J'ai eu l'idée de rassembler tous les posts que j'ai rédigés jusqu'à présent sur l'Épître aux Romains. Je vais d'ailleurs les mettre dans chaque nouveau post sur cette épître que je ferai dans l'avenir.

  1. L'Épître de Paul aux Romains
  2. Réflexions sur Romains 1
  3. Réflexions sur Romains 1.18-32
  4. L'Épître aux Romains, moi et Karl Barth
  5. Réflexions sur Romains 2
  6. Un paradoxe paulinien

vendredi 15 septembre 2006

Dawson et le registre des armes à feu

La tuerie au Collège Dawson nous a tous catastrophés. Il est toujours difficile de comprendre ce qui peut bien conduire un individu à accomplir un acte d'une telle atrocité et gratuité. C'est pourquoi aussi de tels événements suscitent toujours de profondes questions. Parmi ces questions, celle concernant le registre des armes à feu n'a pas fait exception.

Plusieurs politiciens ont en effet profité de cette situation pour nourrir le débat sur l'épineuse question de ce registre. Ce qu'ils disent en substance se résume à ce qu'affirmait le ministre Jacques Dupuis:

Même si les armes du jeune Gill étaient dûment enregistrées, on peut penser que l’existence seule d’un tel contrôle a pu dissuader certaines personnes en détresse de commettre des gestes irrémédiables. Aussi le registre, bien qu’il ne soit pas une panacée, contribue à rassurer la population, et accélère le travail des enquêteurs en cas de tragédie.
Personne, de toutes évidences, ne peut s'opposer à la plupart des analyses offertes par M. Dupuis. Il y a sans doute certains individus qui ont été dissuadés de commettre de terribles actions en se butant à la sévérité du contrôle du registre des armes. Aussi, puisque les corps de police le confirment eux-mêmes, il faut croire que ce registre est d'une grande utilité pour leur travail.

Il n'est pas dans mon intention de débattre de ce dossier sur ce blogue; je laisse cette question dans les mains des politiciens. J'aimerais tout simplement dire ceci: la sécurité de la population ne se trouve pas dans un registre des armes à feu. Pour preuve: le tueur du Collège Dawson s'est servi d'armes à feu dûment enregistrées! Je reproche aux politiciens favorables à l'existence de ce registre de faire miroiter aux yeux de la population l'illusion d'une sécurité en raison de ce registre. Ce registre ne peut pas offrir une telle sécurité, et il n'est pas acceptable de politiser cet argument pour maintenir l'existence du registre. Cet argument est malhonnête. Il tord la réalité en laissant croire aux citoyens que leur vie a atteint une cote de sécurité supérieure.

À vrai dire, je suis plutôt en faveur de ce registre des armes à feu. Je suis également d'accord avec M. Harper lorsqu'il affirme vouloir retrancher à ce registre la portion de l'enregistrement des armes de chasse. Par contre, je ne supporte pas les arguments de ceux qui pensent offrir des solutions tout en proposant des avenues de résolution qui ne correspondent pas à la réalité. Et la réalité nous a enseigné ces derniers jours que l'existence d'un registre des armes à feu n'a pas la force de prévenir les tueries.

jeudi 14 septembre 2006

Encore des changements!

Je sais, je suis tannant avec tous les changements que j'apporte à mon blogue. C'est que je suis en phase d'apprentissage du langage Web, et je pense toujours parfaire mon site. J'ose croire que cela ne vous dérange pas trop?

dimanche 10 septembre 2006

Un paradoxe paulinien

Enfin, le gros des rénovations est terminé. Ce n’est pas encore fini, mais je pense pouvoir me remettre au blogue (sans rien promettre).

Un paradoxe paulinien

L'apôtre Paul, peinture de Rembrandt (1635)

Le chapitre 2 de l'Épître aux Romains est riche de réflexions et... de paradoxes. Un paradoxe inhérent à la réflexion de Paul dans ce chapitre est la position de l'apôtre qui, par le fait même de dénoncer celui qui juge et qui commet les mêmes choses qu'il juge chez les autres, prononce lui-même un jugement contre cet individu qu'il dénonce. Ce paradoxe est clairement exprimé dans les versets 3 à 5 du même chapitre:

Et penses-tu, ô homme, qui juges ceux qui commettent de telles choses, et qui les fais, que tu échapperas au jugement de Dieu? Ou méprises-tu les richesses de sa bonté, de sa patience et de sa longanimité, ne reconnaissant pas que la bonté de Dieu te pousse à la repentance? Mais, par ton endurcissement et par ton coeur impénitent, tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu (Romains 2.3-5)

La question qui s'impose est donc la suivante: comment Paul peut-il dénoncer celui qui juge tout en se positionnant lui-même en tant que celui qui proclame le jugement de Dieu? Similairement, comment pouvons-nous comme chrétiens dénoncer le pharisaïsme de ceux qui jugent tout en nous plaçant par la même occasion comme proclamateurs du jugement divin?

Je lance ces questions. À vous maintenant de proposer des éléments de réponse, que je pourrai sans doute compléter par des citations de Barth ou mes propres réflexions.


dimanche 3 septembre 2006

L'Archevêque de Cantorbéry dit "non" à l'homosexualité

Mon frère dans le Seigneur et comparse blogueur Georges Larabie a laissé un article dans l'un de mes posts précédents concernant la position de l'Archevêque de Cantorbéry, Rowan Williams, à propos de l'homosexualité. Il semblerait que Williams soit revenu à une position conservatrice. Pour lire l'article, cliquez ici.

vendredi 1 septembre 2006

Une humble contestation?

Concernant le caractère contestataire des Emergents, j’ai une thèse à ce propos, que je développe quelque peu ici.

Je pense que tout chrétien est en soi un contestataire. Jésus a contesté l’attitude hypocrite des hommes religieux de son époque ; il a dénoncé leurs abus et leurs outrecuidances. Pourtant, Jésus était le plus humble des hommes. Si donc il était le plus humble des hommes, mais qu’il contestait la prétention religieuse excessive des religieux de son temps, cela signifie par déduction qu’il est possible, voire souhaitable d’être à la fois humble et contestataire.


On n’a pas l’habitude de joindre ensemble ces deux attributs, car la contestation est plus souvent le fruit d’une attitude réfractaire qui se croit au-dessus de tout et de tous. Mais une telle attitude n’est pas celle qui a caractérisé la carrière messianique de Jésus. Celui-ci s’est toujours placé à la hauteur de son prochain, dans une attitude de service actif pour la cause des opprimés et des « sans Dieu dans ce monde ».

Cette attitude exemplaire de Jésus est donc également requise de ses disciples. Mais comment faire montre d’une telle humilité et d’un amour si exemplaire tout en jouant la carte de la contestation? C’est ici que la grâce insondable de Dieu prend tout son sens : Dieu, par sa grâce rédemptrice, a humilié nos cœurs récalcitrants et nous a fait reconnaître le besoin inhérent à tout homme de soumettre son existence au Dieu créateur. De quoi un homme dont une telle grâce a fait son œuvre en lui pourrait-il encore se glorifier? L’homme religieux, par contre, n’a pas fait l’expérience de cette grâce ; sa religion n’est donc pour lui qu’œuvres humaines et folle prétention. Jésus a perçu cette prétention parmi les institutions religieuses de son temps, il a nommé « péché » cette attitude religieuse autosuffisante et il l’a contestée.

À l'instar de Jésus, les chrétiens doivent aussi agir de cette manière. Mais j’avoue que cela représente un défi de taille, car il n’est pas facile de jouer le rôle du contestataire tout en maintenant une attitude d’humilité réelle. En fait, seuls les chrétiens nourris de la grâce de Dieu seront apte à agir de la sorte. C’est d’ailleurs cet esprit d'humilité qui constitue pour moi le critère décisif permettant d’identifier si un mouvement contestataire est animé par de bons motifs. Or, à ce propos, je n’ai pas toujours vu cette humilité parmi les Emergents, et, pour être francs, ni parmi les Évangéliques.