jeudi 28 décembre 2006

Être père selon Georges Whitefield



Georges Whitefield et le rôle du chef de famille

Un sermon du célèbre prédicateur Georges Whitefield m'a fait beaucoup réfléchir ces derniers jours. Il s'agit de son sermon intitulé The great Duty of Family-Religion, dans lequel il brosse un tableau biblique de ce à quoi devrait ressembler une famille chrétienne, et plus particulièrement le rôle spirituel du père (le "gouverneur", dans les mots de Whitefield) envers les siens. Mais ce que j'ai principalement aimé de ce sermon, c'est la manière dont Whitefield applique la doctrine du triple office de Christ au père de famille. Ainsi, comme Christ, le père doit dans son foyer être à la fois prophète, prêtre et roi:
Chaque gouverneur de famille doit se considérer comme ayant l'obligation d'agir selon trois charges, comme prophète, pour instruire, comme prêtre, pour prier pour et avec [sa famille] et comme roi, pour gouverner, diriger et être le pourvoyeur des siens.
Il est vrai que ni l'Ancien ni le Nouveau Testament n'envisagent le rôle du père de famille d'après le modèle des trois offices. Mais cela n'invalide en rien cette analogie que fait Whitefield, puisque l'apôtre Paul recommande aux maris de prendre Christ comme leur modèle marital (Éphésiens 5.25-27). Or le Nouveau Testament atteste clairement que Christ est à la fois prophète (Luc 13.33-34; Actes 3.19-23), prêtre (Hébreux 7.24-26) et roi (Matthieu 21.5; Apocalypse 17.14). Celui-ci, en sa qualité de prophète, a maintes fois enseigné à ses disciples; en tant que prêtre, il a prié et intercède encore pour les siens; enfin, comme roi, il règne sur son Église.

Bien entendu, cette analogie du triple office du rôle paternel ne nous permet pas de transposer toutes les fonctions ministérielles de ces trois offices aux pères de famille. On ne s'attend pas à ce que les pères se mettent à prophétiser les événements à venir ni à ce qu'ils offrent des sacrifices sanglants comme le faisaient autrefois les prêtres-sacrificateurs. On ne s'attend pas non plus à ce qu'ils règnent en roi sur les nations ni à ce qu'ils fassent des nations de leurs familles. Toute analogie a ses limites. De la même façon, on ne peut exiger des pères qu'ils accomplissent tout ce que le triple office de Jésus représente: quel père pourrait régner en roi comme Christ règne sur son Église? Quel père pourrait intercéder en notre faveur comme Christ le fait? Quel père pourrait prétendre posséder une unicité prophétique semblable à celle de Jésus? Christ a accompli ces ministères d'une façon toute singulière, et nul parmi nous ne peut les reproduire à nouveau, car ils appartiennent en propre au dénouement historique et non répétable du plan rédempteur de Dieu.

Quel est donc l'avantage de faire une telle analogie si, en dernière analyse, il faut vider en partie ces trois offices de leur signification propre avant de pouvoir les appliquer aux pères de famille? Whitefield n'aurait-il pas mieux fait de souligner uniquement et sans façons l'importance de l'enseignement, de la prière et de l'autorité pour les pères de famille? Cette procédure aurait au moins eu à son avantage d'éviter toute cette gymnastique intellectuelle. Cela est certes vrai, mais pensons-y un peu: quelle autre approche, sinon celle de Whitefield, peut ancrer si solidement
le rôle du père dans la tradition biblique
? Quelle autre approche fait reposer le rôle paternel sur des assises aussi certaines que celles que constituent les offices prophétique, sacerdotal et royal? Bref, quelle autre approche est en mesure de récupérer l'ensemble de l'histoire et de la tradition juives ainsi que l'enseignement de l'Église primitive sur Christ, pour établir les fondements d'une définition cohérente et hautement pratique du rôle de chef de foyer?

Je ne veux certes pas avancer ni même sous-entendre que cette manière de concevoir le rôle de père est la seule qui soit possible pour le chrétien ou qu'en dehors d'elle il n'y en ait aucune autre qui soit biblique. Je dis cependant que celle-ci contient une bonne part de sagesse car elle permet de relier aisément le ministère de la famille aux grandes institutions de l'Écriture, soit les institutions prophétique, sacerdotale et royale, octroyant ainsi aux pères chrétiens des modèles bibliques d'hommes de Dieu qu'ils peuvent imiter.


Je vous invite à commenter ce post en exprimant ce que,
selon vous, cela signifie pour un père d'être à la fois prophète, prêtre et roi dans son foyer.

jeudi 21 décembre 2006

Adorer Jésus à Noël: histoire ou individualisme?

Nous sommes chrétiens, donc nous fêtons Noël. Bien entendu, nous ne fêtons pas cette fête comme nos contemporains, qui semblent plutôt ne retenir que l'aspect commercial et matériel de Noël: cadeaux, cadeaux! Nous fêtons comme de vrais croyants, c'est-à-dire que nous commémorons la naissance de Jésus, qui est né afin de nous sauver : il est Emmanuel, ce qui signifie Dieu avec nous (Mathieu 1.23). Mais fêter Noël, fêter celui qui est devenu le Sauveur de chaque individu croyant, est-ce bien en cela seulement que consiste la véritable commémoration de Jésus? Se pourrait-il que dans nos célébrations familiales et ecclésiales, nous ne commémorions pas Jésus comme il convient?

Je pose cette question dans le cadre festif de Noël, puisque le contexte s'y prête bien. Mais cette même question, on pourrait aussi se la poser à tout autre moment, elle pourrait donc revêtir la forme suivante: notre adoration de Jésus s'accomplit-elle comme il convient?

D'abord, concernant Noël, il faut s'examiner soi-même et se demander: "Mon coeur y est-il vraiment? Est-il tout incliné à l'adoration?" Un coeur incliné à l'adoration, cela va de soi pour le chrétien, celui-ci ne voulant pas revêtir seulement les habits extérieurs de la religion mais, au contraire, y mettre tout son coeur. Pourtant cette simple exhortation n'est pas dénuée de sens, particulièrement de nos jours en raison du caractère hautement commercial de la fête de Noël.

Mais il est un autre aspect de l'adoration que nous rendons à Jésus qui me semble parfois ne pas revêtir complètement les traits de la véritable adoration chrétienne. Et cet aspect est l'individualisme. L'individualisme? Oui, oui, vous avez bien lu, j'ai bien utilisé le mot individualisme. Car je crois que l'adoration n'est souvent conçue et vécue que comme une affaire individuelle, rien de plus: Jésus est né, il est mort et est ressuscité pour racheter mes péchés, pour me sauver et me procurer la vie éternelle. Bien entendu, Jésus a accompli toutes ces choses pour ces raisons bien précises, et adorer Jésus pour tout cela est tout à fait légitime. Par contre si notre adoration se réduit uniquement à cette portion individuelle du salut offert par Dieu, il est certain que celle-ci n'est pas entière puisqu'elle n'est pas comprise dans la perspective historique du plan de Dieu. Car le salut de Dieu, dont la naissance de Jésus et sa carrière terrestre et sa mort et sa résurrection en sont la manifestion ultime, est d'abord et avant tout un acte historique accompli par Dieu dans la trame historique de la création. C'est une histoire dont le commencement est la création de la race humaine, qui se poursuit par la décision de l'homme de pécher et qui finalement trouve son dénouement dans la décision de Dieu de sauver son peuple élu et de juger les incrédules.

Vu dans ce contexte, on comprend que la venue de Jésus
n'est pas que l'accomplissement du salut pour moi. Une telle perspective réduirait le salut à un événement dont la portée serait uniquement individuelle. La rédemption accomplie par Jésus, au contraire, englobe l'histoire humaine dans sa totalité, du début à la fin. Le chrétien, bien sûr, sait cela. Mais s'en réjouit-il? Son adoration prend-elle en compte ce fait indéniable que Dieu est le Dieu de l'histoire et que le salut qu'il a préparé d'avance pour les siens ne peut se limiter à une perspective individualiste? Le chrétien a-t-il cette même attitude que le vieux Siméon, qui, recevant dans ses bras le petit Jésus et le voyant de ses propres yeux, bénit Dieu en disant:
Maintenant, Seigneur, tu laisses ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu ton salut, salut que tu as préparé devant tous les peuples, lumière pour éclairer les nations, et gloire d’Israël, ton peuple. (Luc 2.27-32)
Siméon se réjouit de pouvoir mourir en paix: il a vu le salut de Dieu, cette fragile créature humaine qu'il tient dans ses faibles bras de vieillard est vraiment le Messie qu'il attendait. Pourtant sa joie personnelle s'efface immédiatement derrière une joie plus grande, plus englobante, celle de la délivrance des nations grâce à Jésus. La joie de Siméon est parfaitement au diapason du plan de Dieu, à savoir la rédemption de la race humaine en procurant aux hommes un salut universel, c'est-à-dire un salut qui va bien au-delà des frontières de la nation juive pour atteindre les croyants de partout dans le monde. Telle est l'adoration véritable du chrétien, car une telle adoration suppose une compréhension globale du plan de Dieu. C'est dans la perspective d'une telle compréhension historique du plan de Dieu que s'inscrit la conversion du croyant; hors de ce contexte, la conversion n'a aucun sens, elle devient du pur individualisme.

Puissions-nous adorer en Jésus le Dieu de l'histoire qui sauve les hommes d'entre toutes les nations et qui se constitue un peuple pour sa gloire!

dimanche 17 décembre 2006

La théologie aujourd'hui, partie 3

La lecture des parties 1 et 2 est recommandée avant de lire cette troisième partie.

Emmanuel Kant et Jean-Jacques Rousseau

Après la Renaissance et la Réforme, la phase critique suivante apparaît avec Kant et Rousseau. À leur époque, le concept d'«autonomie», né de l’œuvre de Thomas d’Aquin, reçoit une signification toute nouvelle : l’idée de grâce disparaît et le rationalisme est désormais solidement établi. On voit donc, avec Kant en particulier, s’épaissir de plus en plus la ligne entre le monde de la nature (le «niveau inférieur») et le monde des universaux (le «niveau supérieur»), Kant étant lui-même totalement incapable d’établir une relation entre ces deux mondes. Comme le souligne Francis Schaeffer, «la nature a complètement éliminé la grâce qui a laissé la place, au “niveau supérieur”, au mot “liberté”[1].» Cette «liberté» signifie que, puisqu’il est impossible de connaître Dieu à l’aide de la raison devenue autonome, l’homme a maintenant la liberté de choisir ce en quoi il désire croire. Car ce qui appartient au «niveau supérieur» est supra-rationnel.

Rousseau, cependant, mène encore plus loin que Kant le concept de la liberté. On le voit en particulier s’insurger énergiquement contre la science, qu’il considère comme une menace pour la liberté de l’homme. Certes, Rousseau accepte que l’homme soit «autonome» au «niveau inférieur». Par contre, il supporte difficilement de le voir ravalé au rang d’objet, comme s’il n’était, au «niveau inférieur», qu’un banal objet d’étude scientifique parmi d’autres. Selon lui, la liberté n’appartient pas au monde rationnel qui est le nôtre ; celle-ci ne doit pas être comprise avec ce «niveau inférieur». Il s’accroche donc désespérément au concept de liberté, car il voit très bien que le «niveau inférieur», par le truchement de la science, est maintenant en train d’engloutir totalement le «niveau supérieur». Il désire pour l’homme une liberté «autonome» au «niveau supérieur», qui puisse faire face à l’autonomie des choses qui appartiennent au «niveau inférieur». Ainsi, dans la personne de Rousseau, la liberté est pensée comme une «liberté où l’individu est le centre de l’univers, une liberté sans aucune restriction[2]». C’est pourquoi, à partir de Kant et Rousseau, les hommes ne s’expriment plus en termes de «nature et grâce» mais de «nature et liberté» :

liberté

nature

Diagramme 3

La science moderne, par contre, a poussé jusqu’à sa limite logique le principe d’«autonomie» de la nature. À l’opposé des savants des temps anciens, qui croyaient au principe de causalité à l’intérieur d’un système ouvert, c’est-à-dire d’un système qui reste ouvert sur l’infini et sur le divin, la science moderne a adopté l’idée d’un «système clos», à l’intérieur duquel est compris l’univers entier et tout ce qu’il contient. Il y a donc maintenant, prétend-on, unité parfaite entre le «niveau supérieur» et le «niveau inférieur». Mais à quel prix ? Schaeffer explique :
À notre époque, le «niveau inférieur» ayant complètement absorbé le «niveau supérieur», le savant moderniste affirme l’existence d’une unité totale entre les deux «niveaux» par suppression du «niveau supérieur». Il n’y a plus ni Dieu, ni liberté : tout est inclus dans le système[3].
Ainsi, en devenant «autonome», la nature a englouti à la fois la grâce et la liberté. Il ne pouvait en être autrement, car, dès que l’on soutient que le «niveau inférieur» est autonome, et qu’il n’a besoin ni de Dieu ni de sa Révélation, celui-ci absorbe inévitablement le «niveau supérieur». C’est précisément contre cet engloutissement d’un niveau dans l’autre qu’a réagi Rousseau : il avait en effet discerné le danger du déterminisme[4] inhérent à l’«autonomie» de la nature. Avec la science moderne, la situation ressemble maintenant à peu près à ceci[5]:

Dieu amour morale liberté raison d’être

nature – physique – science sociale et psychologie – déterminisme


Diagramme 4


[1] Francis SCHAEFFER, Démission de la raison, 5e édition, Genève, la Maison de la Bible, 1993, p. 36.
[2]
Francis SCHAEFFER, Démission de la raison, op.cit., p. 37.
[3]
Francis SCHAEFFER, Démission de la raison, op.cit., p. 39.
[4] Déterminisme : 1) Principe scientifique selon lequel les lois de la nature sont constantes, immuables : «les mêmes causes produisent les mêmes effets». 2) Doctrine philosophique niant la liberté de l’homme. Voir
Francis SCHAEFFER, Démission de la raison, op.cit., p. 96.
[5] Il est intéressant de constater comment les artistes ont «intégré» dans leurs œuvres cette «autonomie» de la nature.
Le Marquis de Sade (1740-1814), par exemple, a pensé que, si l’homme est véritablement inclus dans un système clos, la morale n’a alors aucune importance, puisque la vie est entièrement déterminée. Elle n’est donc, selon lui, qu’un instrument de manipulation sociale. Il a poussé tellement loin ce raisonnement, qu’il en est même venu à croire qu’un homme puisse battre impunément une femme, la nature ayant en effet voulu que l’homme soit plus fort que la femme. Ce raisonnement, certes extrême, ne l’était pourtant pas pour un homme comme Sade, car, en réalité, celui-ci n’a fait que tirer la conséquence logique du déterminisme produit par l’«autonomie» de la nature.

vendredi 15 décembre 2006

La théologie aujourd’hui, partie 2

La lecture de la partie 1 est recommandée avant de lire cette deuxième partie.

Léonard de Vinci
Avec Léonard de Vinci, la Renaissance acquiert une conscience plus profonde des conséquences de la scission « nature et grâce » opérée par Thomas d’Aquin. Comme l’explique Francis Schaeffer, la difficulté sur laquelle bute de Vinci (qui est le premier mathématicien moderne) ressemble à ceci :

Il comprend qu’en accordant à la raison une pleine « autonomie », on aboutit aux mathématiques (ce qui se mesure), et les mathématiques ne s’intéressent qu’au particulier, à la mécanique, non à l’universel[1].
De Vinci est cependant trop conscient de la nécessité de l’unité entre la grâce et la nature, et, pour cette raison, il est incapable d’accepter cette limitation. C’est pourquoi il dessine sans relâche (achevant rarement ses tableaux), dans l’espoir de trouver une expression de l’universel. Ses efforts demeurent vains. Il meurt donc complètement désespéré, faute d’avoir pu découvrir une unité rationnelle. Ainsi, au temps de Léonard de Vinci, on peut résumer l’état de la philosophie à l’aide du diagramme que voici :

l'âme - l'universelle

les mathématiques - le particulier - la mécanique


Diagramme 2


[1] Francis SCHAEFFER, Démission de la raison, 5e édition, Genève, la Maison de la Bible, 1993, p. 19.

jeudi 14 décembre 2006

La théologie aujourd’hui

On ne peut pas dire que la théologie soit aujourd’hui sous les feux de la rampe. En effet, depuis quelques décennies, on assiste dans les églises locales et dans les ministères para-ecclésiastiques à un désintéressement grandissant de la tâche et du rôle de la théologie comme « expression systématique de la foi chrétienne ». Même les écoles bibliques et les universités théologiques, qui ont la tâche de préserver l’héritage spirituel des générations passées et d’aider l’Église présente à formuler sa foi, ressentent durement les contrecoups de cette baisse d’intérêt à l’égard de la théologie ! Par exemple, de nos jours, il n’est pas rare d’entendre des étudiants exprimer la crainte de perdre la foi à cause de leurs études théologiques. Bref, la théologie est aujourd’hui perçue comme un ennemi potentiel de la foi, aussi bien dans les églises que dans les diverses organisations chrétiennes, car, dit-on, la théologie met sérieusement en péril la vivacité de la foi.

Certaines raisons expliquent ce manque d’intérêt à l’égard de la théologie ainsi que la perception négative que plusieurs ont de celle-ci. Nous pensons cependant qu’il serait abusif de placer la théologie au banc des accusés comme l’unique et seule responsable de ce désintéressement. La philosophie a également joué un rôle non négligeable à cet égard. Mais attention : il ne faudrait pas, d’un autre côté, jeter tout le blâme sur la philosophie dans laquelle baigne la société actuelle. En fait, théologie et philosophie ont toutes les deux une part de responsabilité, et seule une analyse qui prend sérieusement en considération ces deux disciplines parviendra à nous éclairer dans nos efforts pour comprendre la baisse de popularité dont souffre actuellement la théologie.

La philosophie actuelle

Pour bien comprendre la philosophie contemporaine, il est essentiel d’acquérir une vision globale de l’histoire de la philosophie depuis la période de la Renaissance jusqu’à la fin du siècle des Lumières (période allant du 14e siècle jusqu’à la fin du 18e siècle). Plusieurs philosophes ont marqué cette période, dont, entre autres, Thomas d’Aquin (1225-1274), Léonard de Vinci (1452-1519), Emmanuel Kant (1724-1804), Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) et Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831). Par souci de concision, nous considérerons seulement la pensée de ces cinq philosophes. Nous n’ignorons pas que d’autres personnes ont contribué au développement de la pensée moderne. Cependant, si nous ne retenons que ceux-là, c’est en raison du fait qu’ils résument à eux seuls les grandes étapes dans l’évolution de la pensée moderne.

Au cours de ce bref survol historique, portons particulièrement attention à la notion d’« autonomie » de l’homme (ou de la raison). Car, comme nous le verrons à la fin de ce survol, c’est cette notion qui est au cœur de la philosophie moderne.

Thomas d’Aquin

Dans sa théologie, Thomas d’Aquin s’oppose à l’influence byzantine. Car il constate très bien que la théologie byzantine élève hautement la grâce (Dieu et la Révélation) tout en ignorant la nature. Or, dans la pensée de ce philosophe du Moyen-Âge, une certaine unité existe forcément entre la grâce et la nature. C’est pourquoi il cherche à redonner à la nature sa juste place. Mais le problème, c’est qu’en voulant donner à la nature la place qui lui revient (ce qui est bien), il opère une division dans le champ de la connaissance entre grâce et nature. C’est d’ailleurs cette division qui lui permettra par la suite de développer une théologie naturelle[1]. Ce qui, ici, semble encore innocent, sera pourtant lourd de conséquences désastreuses. Voici comment Francis Schaeffer résume le problème :

Dans la pensée de Thomas d’Aquin, si la volonté de l’homme est déchue, son intelligence ne l’est pas. Cette conception limitée de la Chute, contraire à la Bible, est la cause de bien des difficultés. Ainsi, dans un domaine de sa vie, celui de l’intelligence, l’homme est considéré, maintenant, comme indépendant, « autonome »[2].

Cette « autonomie » cause en effet de grandes difficultés car, dans la pensée de ce philosophe, elle signifie que l’homme possède la capacité de prouver l’existence de Dieu sans avoir recours à la Révélation. Mais elle signifie également que la nature est indépendante et donc qu’elle n’a pas besoin de la Révélation pour être étudiée et comprise[3]. À ce point-ci, nous pouvons déjà discerner les bases de la science moderne. En effet, comme le souligne à juste titre Francis Schaeffer, « Thomas d’Aquin a ouvert la voie à un humanisme “autonome”, une philosophie “autonome”... mouvement qui, en prenant de l’ampleur, ne tardera pas à envahir tous les domaines[4] ». La situation avec Thomas d’Aquin revêt donc la forme suivante :

grâce

nature


Diagramme 1


[1] « La théologie naturelle est la partie de la philosophie qui traite de l’existence de Dieu, de ses attributs, en se fondant uniquement sur la raison et l’expérience, sans le secours de la Révélation. »; Francis SCHAEFFER, Démission de la raison, 5e édition, Genève, la Maison de la Bible, 1993, p. 13.
[2] Francis SCHAEFFER, Démission de la raison, op.cit., p. 13.
[3] Thomas d’Aquin a beaucoup emprunté à Aristote, et cela même si, à l’époque où il a vécu, c’était le néo-platonisme qui emportait l’assentiment de la majorité des théologiens. Or cette division entre grâce et nature qu’opère Thomas d’Aquin lui vient directement d’Aristote. Daniel-Rops nous renseigne à ce sujet : « A Aristote, ce qu’il emprunta d’essentiel ce fut l’idée que l’homme peut se faire de la raison. (...) Puisqu’il [l’homme] est à la fois corps et âme (...) rien n’autorise à mépriser la guenille charnelle, comme avaient tendance à le faire les disciples de Platon ; au contraire, puisque Dieu a doté l’homme de sens, c’est de l’expérience sensorielle qu’il faut partir pour connaître le monde et découvrir Dieu dans sa création. » ; DANIEL-ROPS, L’Église de la cathédrale et de la croisade, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1955, p. 418 & 419.
[4] Francis SCHAEFFER, Démission de la raison, op.cit., p. 15.

dimanche 10 décembre 2006

Mille excuses!

Comme vous pouvez le constater, mon blogue a subi quelques légères modifications, comme, entre autres, l'ajout d'un lexique théologique. Or il se trouve qu'en faisant ces modifications, j'ai changé les paramètres des commentaires, de sorte qu'il vous était impossible de laisser des commentaires (merci Georges de m'en avoir averti!). Sachez que cette erreur est bien involontaire, et je suis infiniment désolé pour tous ceux et celles qui ont tenté de laisser un commentaire. J'ai corrigé le problème.

samedi 9 décembre 2006

Premier mot de mon lexique: Théologie

Théologie
Selon la définition chrétienne traditionnelle, la théologie (terme formé des mots grecs theos [Dieu] et logos [parole, discours]) est l'étude de Dieu, de sa nature, de ses attributs, de son caractère, de ses habiletés et de sa révélation. La théologie chrétienne a pour fondement la Bible, laquelle est l'autorévélation de Dieu, c'est-à-dire la révélation inscripturée des actes puissants qu'il a accomplis dans le cours de l'histoire humaine et des paroles qu'il a prononcées.

Parmi les mouvements évangéliques, la théologie a une fonction plus pratique qu'académique, bien que la nature académique de la théologie n'y soit pas totalement exclue. Cette fonction pratique provient du fait
que les Évangéliques considèrent en général la théologie comme la servante de l'Église, ce qui signifie que le théologien est appelé à servir la communauté de foi de l'intérieur. Alister McGrath explique ce point:

La théologie est la servante de l'Église. L'évangélicalisme a toujours considéré la théologie comme une partie d'un ensemble plus grand, plutôt que comme un domaine professionnel qui est complètement isolé de l'ensemble de la vie de l'Église. Le théologien n'est pas quelqu'un qui se tient au-dessus de la communauté de foi, mais c'est quelqu'un qui est profondément impliqué dans la vie de louange, de prière, d'adoration et d'évangélisation de cette communauté de foi[1].
Vu dans cette perspective, il paraît évident que la théologie n'est pas seulement une entreprise purement intellectuelle. Elle est certes une science, et, dans ce sens, on peut la ranger parmi les disciplines académiques, pourtant elle est d'abord et avant tout l'expression rationnelle de la communauté de foi chrétienne. La théologie, comme expression de foi de la communauté chrétienne, a pour objectif d'instruire l'Église dans la vérité et d'affermir la compréhension que cette dernière a de sa foi, pour lui donner de cette manière les moyens de combattre efficacement les hérésies.

Bien que la signification du mot théologie traduisait originellement l'idée d'un discours sur la personne de Dieu, on constate que ce même terme est aujourd'hui employé pour désigner de façon générale tous les domaines d'étude portant sur la doctrine chrétienne, d'où les appellations «baccalauréat en théologie» et «maîtrise en théologie», qui expriment l'ensemble des sujets étudiés dans le cadre de ce type de programmes académiques.

[1]Alister McGrath, dans The Futures of Evangelicalism: Issues and Prospects, Inter-Varsity Press, Grand Rapids, p. 26.

dimanche 3 décembre 2006

Lexique théologique

Enfin, comme promis, j'ai commencé la réalisation de mon lexique théologique. Et devinez quel est le premier terme de ce lexique. Le mot Théologie.

Ce lexique sera en construction perpétuelle, c'est-à-dire que non seulement j'y ajouterai constamment de nouveaux termes, mais je modifierai ou compléterai également les termes déjà existants, pour
approfondir leur définition.

Espérant de tout coeur que ce lexique deviendra éventuellement un outil supplémentaire pour aider l'Église de Jésus-Christ à affermir
sa foi en la connaissant et comprenant mieux.