vendredi 29 juin 2007

Les deux états du Christ

Voici le dernière partie de toute la série d'études christologiques. Pour lire toute les études, cliquez ici.

La conséquence anthropologique de la résurrection

Comme conséquence anthropologique de la résurrection, on signale la pleine humanité du corps physique de Jésus ; celui-ci a de la chair et des os (Lc 24.39), pouvant manger (Lc 24.41-43) et avoir des plaies (Lc 24.34-39 ; Jn 20.25-28). En outre, ce corps ressuscité est maintenant vivant pour toujours (Rm 6.9s ; 2 Tm 1.10 ; Ap 1.18). On doit cependant prendre garde ici d’affaiblir le sens de l’humanité de Jésus, comme si son corps de ressuscité aurait été moins humain que son corps terrestre. Dieu, en Christ, n’a pas détruit l’humanité, mais il l’a plutôt restaurée, lui redonnant en effet ce qu’elle avait perdu au moment de la chute. C’est pourquoi Paul fait surtout jouer les notions d’immortalité et d’incorruptibilité lorsqu’il discute du corps de la résurrection : les corps des croyants, au moment de la résurrection, seront bel et bien changés, non pas cependant dans l’essence même de leur humanité, mais plutôt dans ce qu’ils ont de corruptible et de mortel (cf. 1 Co 15 20-58). Le corps de Christ ne possédait certes pas la corruptibilité, mais, en raison du lien qui l’unissait à ses frères dans la mort, on peut affirmer que le même lien existera dans la résurrection (Rm 6.4-11), de sorte que nos corps de ressuscités seront identiques au sien. Même dans la vie nouvelle le Christ sera semblable à ses frères en toutes choses. Et encore plus dans cette vie nouvelle, puisque ni le Christ ni les croyants ne participeront à la corruptibilité du péché !

L’ascension

L’ascension de Christ parle de son retour au ciel dans son corps de chair. Les Évangiles y font allusion à quelques reprises (Mc 16.19 ; Lc 24.50s). Luc en parle dans les Actes (1.9), Paul dans ses épîtres (Ep 4.8-10 ; Ph 2.9 ; 1 Tm 3.16), comme Pierre également (1 P 3.22) ainsi que l’auteur de l’Épître aux Hébreux (4.14).

L’exaltation au sens propre du terme

Un certain nombre de choses sont comprises dans l’exaltation de Christ. Christ a été « couronné de gloire et d’honneur » (Hé 2.9). Cette gloire se voit dans le « corps de sa gloire » actuel (Ph 3.21). Jean l’a vu dans ce corps sur l’île de Patmos (Ap 1.12-18). Nous voyons la gloire et l’honneur dans le fait qu’il a reçu un nom qui est au-dessus de tout nom (Ph 2.9). Le Seigneur fait allusion à son nouveau nom (Ap 3.12 ; 19.12s, 16). Avec ce nouveau nom, il y a aussi eu son intronisation à la droite du Père (Mt 28.18 ; Hé 10.12). C’est là qu’Étienne l’a vu (Ac 7.55s). Un jour, Christ s’assiéra sur son propre trône (Mt 25.31). Dans cet acte était aussi inclus sa nomination comme tête de son corps, l’Église (Ép 1.22). Il dirige maintenant les affaires de son Église. Il remplit le rôle de souverain sacrificateur (Hé 4.14 ; 5-10 ; 6.20 ; 7.21 ; 8.1-6 ; 9.24), offrant son propre sang (1 Jn 2.1s) et priant pour que les siens soient gardés et unis (Lc 22.32 ; Jn 17). Aujourd’hui, les anges, les dominations et les autorités lui sont tous soumis (1 P 3.22). En fait, toutes choses ont été mises sous ses pieds (Ep 1.22). Dans ce sens, il est aujourd’hui le roi d’un royaume (Col 1.13 ; Ap 1.9)[1].

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[1] Ce paragraphe est intégralement tiré du livre de Henry C. THIESSEN, op.cit., p. 279.

jeudi 28 juin 2007

Les deux états du Christ

Voici la première partie de la dernière section de notre étude du Christ. Nous étudierons l'état d'exaltation du Christ. Pour lire tous les billets précédents de cette étude christologique, cliquez ici.

L’exaltation

Le deuxième état du Christ, celui de son exaltation, débute dès la résurrection. Les étapes suivantes sont successivement l’ascension au Père, l’exaltation au sens propre du terme et, finalement, son retour physique.

La résurrection

La résurrection de Jésus est fondamentale au christianisme car elle représente l’une des doctrines fondamentales de celui-ci. On peut l’étudier sous deux angles, du point de vue anthropologique et du point de vue sotériologique, bien qu’il soit impossible de les séparer de manière absolue. Cependant, puisque nous étudierons, dans le cours de sotériologie, les multiples conséquences salutaires de la résurrection, nous ne verrons dans la présente étude que l’aspect anthropologique de cette doctrine, c’est-à-dire l’apparence du corps de Jésus après sa sortie du tombeau. Mais, avant de procéder avec ce sujet, considérons brièvement la question de la crédibilité de la résurrection du Christ.

Crédibilité de la résurrection

Première réaction des autorités religieuses à l’annonce de la résurrection de Jésus : mensonge ! ce sont les disciples qui, de nuit, ont volé le corps de Jésus (Mt 28.13). Cette réaction, certes, est tout à fait « normale » pour les hommes qui ont fait crucifier le Seigneur. Pourtant, elle est anormale parce que ces mêmes autorités religieuses ne sont jamais parvenues à mettre la main sur le corps prétendument volé. Ainsi, en plus d’avoir accusé injustement le Seigneur de son vivant en ne présentant pas le nombre de témoins requis selon la loi ni les preuves suffisantes pour le faire condamner, les autorités religieuses d’Israël ont porté une accusation sévère et injustifiée sur la dépouille de Jésus et les disciples (le corps a été volé par les disciples) sans même posséder les preuves nécessaires pour soutenir une telle incrimination.

mercredi 27 juin 2007

Les deux états du Christ

Nous poursuivons aujourd'hui cette nouvelle section de l'étude du Christ, c'est-à-dire l'état d'humiliation de Jésus. Pour lire tous les billets précédents de cette étude christologique, cliquez ici.

La vie de service de Jésus-Christ

Dans son ministère terrestre, Jésus s’est présenté comme serviteur : « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » (Lc 22.27). Non seulement son ministère officiel, mais encore sa vie entière est caractérisée par cet humble service (ne le retrouve-t-on pas en effet dès l’âge de douze ans dans le temple vaquant aux affaires de son Père ? ; voir Lc 2.41-52). Cet humble service de Jésus, c’est ce que nous étudierons dans les prochains points.

La soumission

Jésus s’humilie en Serviteur par la soumission qu’il accepte aux obligations et contraintes communes, bien qu’il eût pu s’en exempter en vertu de ce qu’il était comme Seigneur. Ainsi se rend-il semblable à ses frères pour les servir et se charger de leur cause.

Pour eux, il accepte en effet de se placer sous la loi (Ga 4.4). Ce qui signifie qu’il accepte aussi la circoncision (Lc 2.21), le baptême de Jean (Mt 3.13-17) et le respect de la loi instituée par les autorités religieuses et politiques en obéissant à ses parents (Lc 2.51) et en payant l’impôt à César (Mt 22.16-21). De plus, il se soumet volontairement à la discipline spirituelle des serviteurs de Dieu : prière, méditation des Écritures et tentation. On sait que Jésus s’est beaucoup adonné à la prière, qu’il a respecté l’autorité des Écritures de manière admirable et qu’il a été tenté « comme nous à tous égards » (Hé 4.15), comme en font également foi les récits de la tentation (Mt 4.1-11 ; Mc 1.12-13 ; Lc 4.1-13).

La souffrance

Nous savons si peu à propos de la vie de Jésus avant son ministère : a-t-il joui d’une vie heureuse ou malheureuse, aisée ou pauvre, favorable ou défavorable ? La question restera toujours sans réponse. Sa vie ministérielle, cependant, est l’exemple par excellence de l’acceptation humble de la souffrance (« homme de douleur et habitué à la souffrance », a prophétisé Es 53.3). Jésus disait lui-même qu’il n’avait pas d’endroit où reposer sa tête (Mt 8.20). Hostilité virulente et croissante, aussi bien verbalement que physiquement (Lc 4.29 ; Jn 8.48, 59 ; 10.31), et accusations de toutes sortes : voilà en quoi consistait son lot quotidien (Mt 12.10). Il a même dû supporter l’incrédulité de ses proches (Mc 3.21 ; Jn 7.5). Pourtant, cela ne l’a pas empêché de dire qu’il est « doux et humble de cœur » (Mt 11.28-30) et, sur la croix, dans d’atroces souffrances : « Père pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23.34).

Les œuvres

Les œuvres nombreuses, prédications, guérisons et miracles de toutes sortes : Jésus ne chôme pas, mais il sert sans relâche les plus petits dans la souffrance, il s’abaisse vers eux afin de les instruire et les élever. Comme le dit si bien Henri Blocher : « A coup sûr, dans ces années de service harassant, de ville en ville, le Seigneur ne s’est pas complu en lui-même[1]. »

La Passion

La Passion du Christ, dernier degré de son humiliation, marque non seulement la fin de sa vie, mais également le pourquoi de sa venue ; il est venu pour cette heure : « Maintenant mon âme est troublée. Et que dirai-je ?... Père, sauve-moi de cette heure ?... Mais c’est pour cela que je suis venu jusqu’à cette heure. » (Jn 12.27). La Passion est souvent présentée, à juste titre d’ailleurs, comme l’événement central et principal de l’histoire humaine ; ce n’est pas pour rien que la Croix est devenue le symbole du christianisme...

La Passion du Christ doit être dite de trois manières :

a) Elle est d’abord Passion totale, au sens où tout son être (corps, âme et esprit) a souffert l’agonie de la Croix, et cela dans une intensité maximale qu’aucun homme n’a subie avant ou ne subira après lui. Il a souffert la première mort, séparation du corps et retranchement de la terre des vivants. Il a aussi souffert la seconde mort, le jugement divin qui s’abat sur lui, parce qu’il est traité comme un coupable. L’Écriture va jusqu’à dire qu’il est « devenu malédiction pour nous » (Ga 3.13). Toute la souffrance inimaginable que peut endurer un homme, Christ l’a souffert totalement ; mais en plus, sa souffrance était aussi celle de Celui qui porte le courroux de Dieu sur ses épaules, souffrance qu’aucun autre homme ne subira jamais (on doit cependant éviter de dire qu’il y a eu déchirure de la Trinité, une division de substance dans l'être divin entre le Père et le Fils).

b) Elle est ensuite Passion légale, au sens où c’est sous la loi qu’il a souffert, mettant ainsi en évidence la malédiction qui reposait sur Jésus (Ga 3.10ss). La Passion de Jésus s’est déroulée comme un procès et, après sa sentence et sa condamnation, la Bible dit que celui-ci « a été mis au nombre des malfaiteurs » (Lc 22.37 citant Es 53.12). Évidemment, les accusations portées contre lui étaient fausses et gratuites (l’impossibilité de trouver des témoins à charge, ce qui constituait pourtant l’étape décisive du processus judiciaire en Israël, selon Dt 17.6 et 19.15, en fait foi), faisant du même coup ressortir l’innocence flagrante de Jésus. Devant l’injustice patente du procès de Jésus, se superpose cependant la justice divine, qui agit comme dans « les coulisses », pour accomplir le dessein rédempteur de Dieu : il fallait en effet que l’Éternel fasse « retomber sur lui la faute de nous tous » (lire Es 53.4-12).

c) Enfin, elle est Passion volontaire, au sens où c’est avec une intention purement libre que Christ a choisi la mort ; c’était une action tout à fait volontaire de sa part, bien que ses contemporains, les disciples y compris, aient pensé qu’il s’agissait d’une décision contre son gré (voir Jn 10.17s ; Mt 26.53). Hébreux 10.5-7 nous révèle l’intention volontaire du Christ selon la perspective du plan éternel de Dieu : « C’est pourquoi, en entrant dans le monde, (le Christ) dit : Tu n’as voulu ni sacrifice, ni offrande ; mais tu m’as formé un corps. Tu n’as agréé ni holocaustes, ni sacrifices pour le péché. Alors j’ai dit : Voici : je viens, (...) Pour faire, ô Dieu, ta volonté. » On doit toutefois mettre l’accent sur l’aspect de continuité : Jésus a accompli une œuvre, mais cette œuvre serait restée incomplète sans Golgotha, car c’est précisément pour la mort de la Croix qu’il est venu dans le monde (Jn 12.27 ; Ph 2.8). Sa mort n’a donc jamais été une surprise pour lui ; au contraire, il la voyait venir, mais c’est néanmoins de façon volontaire qu’il a poursuivi son œuvre jusqu’à son accomplissement ultime à la Croix, avec tout ce que cela impliquait d’angoisse, d’appréhension et de tristesse humaine (les relations rompues, comme la tristesse de voir une mère à qui l’on arrache brutalement son fils ou comme la douleur éprouvée en constatant le désarroi de ses propres disciples, égarées comme des brebis qui n’ont plus de berger).

L’ensevelissement du Sauveur

Certains voient la mise au tombeau comme un degré supplémentaire d’humiliation pour le Christ. On spécule également sur la signification du tombeau, quelques personnes s’imaginant en effet que le Christ a sanctifié toutes nos tombes ! Un holà s’impose, sinon la spéculation risque « d’enterrer » le témoignage biblique. Comme dans plusieurs cultures anciennes et modernes, « la mise au tombeau est la sanction solennelle et publique de la mort[2] ». Cette dernière interprétation, sobre comme le témoignage des Évangiles, est de loin la plus satisfaisante.

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[1] Henri BLOCHER, Christologie, 2e fascicule, op.cit., p. 249.

[2] Henri BLOCHER, Christologie, 2e fascicule, op.cit., p. 256.

mardi 26 juin 2007

Jesus Camp

J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces extraits vidéos, qui sont tirés du documentaire Jesus Camp: cliquez ici, et allez sous l'onglet "videos".

Les deux états du Christ

Nous débutons une nouvelle section de l'étude du Christ. Nous allons voir les deux états du Christ, soit son humiliation et son exaltation. Pour lire tous les billets précédents de cette étude christologique, cliquez ici.

Les deux états du Christ

Depuis que la théologie luthérienne a ouvert la voie, il est devenu classique pour la théologie protestante d’exposer les étapes de l’histoire de l’Incarné en considérant ses deux états successifs : l’humiliation et l’exaltation. Le terme « état » ne se réfère pas d’abord aux conditions d’existence, mais au statut légal de Christ. Henri Blocher explique :

Dans l’état d’humiliation, le Médiateur a) se rend solidaire de ses frères sous la loi ; b) se charge volontairement de leur dette à son égard et la règle ; dans l’état d’exaltation, le Médiateur a) recueille le fruit de son œuvre, et entre le premier dans le régime nouveau qu’il a rendu possible ; b) y introduit les siens à sa suite[1].

Nous verrons tour à tour ces deux états que sont l’humiliation et l’exaltation.

L’humiliation[2]

L’incarnation et la naissance de Jésus

L’Incarnation comme telle n’entre pas dans l’état d’humiliation. L’état d’humiliation ne concerne pas l’assomption de la nature humaine, mais la fonction messianique assumée par Jésus, fonction qui exige, selon le plan divin, la mort physique dans la chair (comme l’a prophétisé Caïphe, « il est avantageux pour vous qu’un seul meure pour le peuple et que la nation entière ne périsse pas » ; Jn 11.50). Dire que le « devenir homme » est humiliation, c’est dire « qu’être homme » comme tel est péché et humiliant ; mais l’Écriture ne va pas dans cette direction, puisqu’elle affirme au contraire que l’homme a été créé très bon et à l’image de Dieu (Gn 1.26 ; 2.31). D’ailleurs l’exaltation ne supprime pas l’humanité de Jésus : indication supplémentaire de la non humiliation de l’Incarnation, Christ assumant en effet la nature humaine pour toute l’éternité. Il est vrai que Paul, en Philippiens 2.6s, semble associer étroitement l’abaissement au « devenir homme ». Cependant, l’humiliation dont il est question dans ce passage débute non à la naissance, mais une fois l’humanité déjà assumée : « après s’être trouvé dans la situation d’un homme, il s’est humilié lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort sur la croix. » (Ph 2.7-8). Le texte présente plutôt le « devenir homme » de Christ comme un « dépouillement » (v. 7), et non comme une humiliation[3].

Ce qui a donc été humiliation dans l’humanité de Jésus depuis sa naissance, ce n’est pas l’humanité qu’il a assumée, mais les conséquences du péché qu’il a, lui aussi à l’instar de tous les hommes, endurées dans sa vie d’homme : la pauvreté et l’insignifiance sociale de ses parents, les circonstances dramatiques de l’accouchement (une hôtellerie de fortune, à savoir une crèche), les railleries des hommes, la vie d’errance qu’il a vécu, la mort sur la croix, etc. Pour le Chef de l’humanité, le Seigneur des seigneurs, quelle humiliation !

La naissance virginale de Jésus-Christ suscite au moins deux questions fondamentales : a) Comment un être humain peut-il être conçu à partir de la femelle uniquement, sans aucune participation mâle ? ; b) Comment un être humain peut-il ne pas hériter de la nature pécheresse d’un parent pécheur ?

Ces deux questions ont suscité et suscitent encore la controverse. On sait que la discussion coupe court dès que l’on invoque la conception surnaturelle et miraculeuse de Jésus dans le sein de Marie (« elle se trouva enceinte par l’action du Saint-Esprit » ; Mt 1.18 ; Lc 1.35), mais les détracteurs ne se rassasient pas de telles « explications » (et parfois les chrétiens non plus !). Quelle réponse leur donner alors, puisque nous n’avons rien d’autre que le témoignage biblique en notre faveur ? Parfois, il faut confesser sans comprendre[4]...

L’Écriture enseigne non seulement la procréation exempte de péché de Jésus ; elle proclame également le Christ sans péché dans tout le cours de sa vie (Mt 27.4 ; Lc 1.35 ; 4. 33-34 ; 23.41 ; Jn 8.46 ; 14.30 ; 2 Co 5.21 ; Hé 4.15 ; 1 P 2.22 ; 1 Jn 3.5).

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[1] Henri BLOCHER, Christologie, série « Fac étude », 2e fascicule, Vaux-sur-Seine, 1986, p. 230.

[2] Pour cette section, nous sommes grandement redevable à Henri Blocher, à qui nous avons beaucoup emprunté de sa Christologie, série « Fac étude », 2e fascicule, Vaux-sur-Seine, 1986, p. 229-292.

[3] Jac J. Müller fait la remarque suivante : le participe aoriste (temps ressemblant au passé composé) du verbe « prendre » dans l’expression « en prenant la condition d’esclave » (Ph 2.7) implique une action simultanée (Jac J. MULLER, The New International Commentary on the New Testament : the Epistles of Paul to the Philippians and to Philemon, Grand Rapids, Eerdmans, 1983, p. 82). Le sens serait donc le suivant : « Il s’est dépouillé lui-même en prenant (dans l’acte de prendre) la condition d’un serviteur. » L’expression « en prenant la condition d’un serviteur » expliquerait alors le comment du dépouillement : en prenant la forme d’un serviteur, le Christ s’est dépouillé lui-même. Rien n’est dit ici à propos d’un soi-disant abandon des attributs divins, de la nature divine ou de la « forme de Dieu » (Ph 2.6). Le texte parle uniquement d’un paradoxe divin : il s’est « vidé » lui-même en prenant quelque chose sur lui-même, à savoir la forme, la manière d’être, la condition d’un serviteur. Dans l’incarnation, il est demeuré dans la forme de Dieu, et comme telle le Seigneur et le Maître de tous. Mais en même temps, sans jamais cesser d’être le Seigneur de tous, il était le serviteur de Dieu et des hommes (cf. Jn 13). Mais attention : l’hymne ne dit pas qu’il a échangé la « forme de Dieu » pour la « forme d’un serviteur ». Il dit seulement que c’est dans l’acte de prendre que Christ « s’est vidé lui-même ». C’est donc dans un acte de revêtement que s’accomplit le dépouillement. Et dans cet acte, la divinité n’a subi aucune perte.

[4] Pour ce sujet, voir l’excellente étude d’Henri BLOCHER, Christologie, 2e fascicule, op.cit., p. 234-246.

lundi 25 juin 2007

Les noms du Christ, partie 2

Voici la deuxième partie de cette section. Nous y considérerons d'autres noms attribués au Christ. Pour lire tous les billets précédents de cette étude christologique, cliquez ici.

Le nom Fils de l’Homme

Titre toujours employé par Jésus lui-même, il s’agit certainement de celui dont le sens est le plus controversé et le plus débattu. Qu’est-ce que ce titre évoquait-il donc pour ceux qui entendaient Jésus le prononcer ?

Les premiers auditeurs étant juifs, il est naturel de chercher une réponse dans les traditions religieuses juives de l’époque. Dans l’Ancien Testament, l’expression est employée de deux manières différentes : la plupart du temps elle désigne seulement un être humain (distinct de Dieu). Dans ce contexte, elle met surtout l’accent sur la faiblesse et la pauvreté des mortels en contraste avec la puissance de Dieu (Nb 23.19 ; Jb 25.6 ; Ps 8.4 ; 146.3 ; Es 51.12). À l’occasion, le terme désigne un prophète (Ez 2.1 ; Dn 8.17).

Le titre « Fils de l’homme » est aussi employé d’une façon très différente dans Daniel 7.13-14. Dans ce passage, loin d’indiquer la faiblesse de l’homme, l’expression renvoie plutôt à un être transcendant, céleste, qui partage la puissance même de Dieu. Spécifions cependant que, dans la langue araméenne, le titre « Fils de l’homme » (bar-nasha ) ne signifie rien en particulier, sinon une façon de parler des gens en général[1].

Bien sûr, il ne s’agit pas pour nous de choisir entre l’une ou l’autre de ces possibilités pour comprendre le sens exact de l’expression dans les évangiles : elles sont sans doute toutes pertinentes. Mais pour Jésus, ce terme un peu flou lui permettait surtout de s’identifier personnellement. Et pour ceux qui disposaient d’un excellent arrière-plan biblique, le titre « Fils de l’homme » pouvait à tout le moins leur indiquer que Jésus était à la fois un humain ainsi qu’un être qui vient de Dieu et qui doit retourner à Dieu (Jn 3.13 ; 8.28).

Le nom Fils de Dieu

Dans l’Israël ancien, le roi était considéré (avec un sens imagé et non dans un usage courant) comme le « Fils de Dieu » (2 S 7.14 ; Ps 2.7 ; 89.26). En hébreu (ben) et en araméen (bar), « fils » ne désigne pas seulement une descendance mais aussi une relation spéciale : le mot peut ainsi signifier un être divin ou humain ayant une relation particulière avec Dieu. Au 1er siècle, le terme est utilisé par les Romains pour désigner l’Empereur ou tout personnage héroïque (Mt 27.54).

Dans le cas de Jésus, ce titre avait au moins deux sens distincts : d’abord le sens messianique, désignant en effet le rôle de Messie que doit jouer Jésus (Mt 17.5 ; Mc 1.11 ; 9.7 ; Lc 3.22 ; 9.35), et ensuite le sens natif, désignant ainsi la naissance surnaturelle de Jésus provenant du Père (Lc 1.35). Ce deuxième sens inclut évidemment le sens trinitaire, puisque le Fils de Dieu est également la deuxième personne de la Trinité.

Le nom Seigneur

Le nom « Seigneur », qui vient du mot grec kurios, est l’équivalent du terme vétérotestamentaire hébreux Adonai (Jos 3.13 ; Ps 97.5 ; Mi 4.13 ; Za 4.14). Il était appliqué à Dieu comme désignation honorifique. Dans le Nouveau Testament, le terme reçoit une application triple : a) il est utilisé comme forme de politesse (Mt 8.2 ; 20.33), b) on l’emploie aussi pour indiquer la propriété et l’autorité (Mt 21.3 ; 24.42), c) et, finalement, « Seigneur » exprime dans certains passages néotestamentaires le plus haut degré de dignité et d’autorité ; il est dans ces occurrences pratiquement l’équivalent du nom « Dieu » (Mc 12.36, 37 ; Lc 2.11 ; 3.4 ; Ac 2.36 ; 1Co 12.3 ; Ph 2.11).



[1] Les chapitres 1.1 à 2.4a du livre de Daniel sont en hébreux, ensuite le livre se poursuit en araméen jusqu’à la fin du chapitre 7, puis il se termine en hébreux.

samedi 23 juin 2007

Nouvelle série de livres

Je viens de recevoir une série d'ouvrages que j'attendais impatiemment. Il s'agit de la collection en quatre volumes de Richard A. Muller, Post-Reformation Reformed Dogmatics (4 vols.): The Rise and Development of Reformed Orthodoxy ca. 1520 to ca. 1725. Cette collection traite du développement de la théologie réformée entre 1520 et 1725, et plus précisément du développement des trois grands axes de cette tradition théologique que sont les prolégomènes, la doctrine de Dieu et la doctrine de l'Écriture. Je me suis déjà mis à la lecture de ces volumes, qui représentent d'ailleurs le meilleur traitement en la matière qu'on ait jusqu'à ce jour. Donc, pour les mordus de l'histoire de la théologie, je vous recommande chaudement cette collection.

mardi 19 juin 2007

Vacances!

Pour les millions de fans qui lisent ce blogue, je dois vous informer que je suis en... vacances! Je n'écrierai donc pas de post cette semaine.

À bientôt.

dimanche 17 juin 2007

La paternité selon le triple office de prête, roi et prophète

Pour ajouter des enseignements pertinents à la série déjà entreprise par Georges Larabie sur la paternité selon le triple office de prête, roi et prophète (cliquez ici pour accéder à cette série), voici une série audio du professeur Arturo G. Azurdia III, série qui s'intitule The Holy Responsibility Of Christian Fathers. Cette série comporte six messages (en anglais), auxquels vous pouvez avoir accès en cliquant sur les liens ci-dessous:

The Holy Responsibility Of Christian Fathers-Part 1 Ephesians 6: 4

The Holy Responsibility Of Christian Fathers-Part 2 Ephesians 6: 4

The Holy Responsibility Of Christian Fathers-Part 3 Ephesians 6: 4

The Holy Responsibility Of Christian Fathers-Part 4 Ephesians 6: 4

The Holy Responsibility Of Christian Fathers-Part 5 Ephesians 6: 4

The Holy Responsibility Of Christian Fathers-Part 6 Ephesians 6: 4

Ces sermons sont tirés du site SpiritEmpoweredPreaching.com.

jeudi 14 juin 2007

Les noms du Christ

Voici une nouvelle section de cette étude christologique. Nous y considérerons les noms attribués au Christ. Pour lire tous les billets précédents de cette étude christologique, cliquez ici.

Les noms du Christ

Cinq noms sont donnés à Jésus. Ils décrivent à la fois ses natures divine et humaine, sa position officielle comme Messie et l’œuvre pour laquelle il est venu dans le monde. Nous verrons ces cinq noms tour à tour.

Le nom Jésus

Le nom « Jésus » est celui que Christ a reçu à sa naissance : « elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1.21). On pense en général que ce nom dérive du mot hébreu Jehoshua (Josué), qui signifie « L’Éternel sauve » (voir Nombres 13.8, 16, où l’on trouve le nom Hochéa, qui veut dire « sauver », « délivrer », et que Moïse a changé par Jehoshua).

Le nom Christ

Si « Jésus » est le nom personnel du Messie, « Christ » en est le nom officiel. Comme nous l’avons déjà mentionné, le nom « Christ » provient du mot hébreux « mâschîakh », et qui signifie : « Celui qui est oint ». Dans l’Ancien Testament, le terme est appliqué aux rois, dont l’investiture est marquée par une onction (Jg 9.8-15 ; 2 S 5.3 ; 1 R 1.39 ; Ps 89.20), par laquelle ils recevaient le titre d’« Oint du Seigneur » (1 S 2.10 ; 12.3 ; Ps 2.2 ; 20.6 ; 132.17). Ainsi, dans son usage biblique premier, le terme est synonyme de « roi », en particulier en référence à David et à ses descendants. Le roi est élu par Dieu et sa personne est sainte (1 S 24.6). Le futur de sa dynastie est assuré (2 S 7.12-16 ; 22.51 ; Ps 89.4, 36-37) et il est l’unique instrument de la justice de Dieu sur terre (2 S 23.3 ; 1 R 3.28 ; Ps 45.4 ; 72.1-4). Avec les crises qu’ont traversées Israël et Juda au fil des siècles, l’imagerie royale a commencé à être appliquée à un roi futur et espéré, dont le règne serait caractérisé par la justice éternelle, la sécurité et la paix (Es 11.1-5 ; 32.1 ; Jr 33.14-26 ; Ez 37.24-28).

Au cœur du messianisme se trouve donc l’idée que Dieu intervient dans l’histoire en envoyant un Sauveur pour libérer son peuple de l’oppression. Ce messianisme s’est cristallisé en plusieurs modèles : un premier, influencé par l’Exode, Josué et les Juges, qui voyait le Messie comme roi victorieux conquérant les forces du mal par la force des armes et établissant son royaume éternel (Ex 2.19 ; 3.7-12 ; Jg 2.16, 18). Un deuxième, qui a pris forme dans les milieux sacerdotaux, percevait le Messie comme descendant d’Aaron qui doit s’élever en parallèle du Messie davidique. La figure de Melchisédech donne un titre à ce Messie qui est à la fois roi et prêtre. Un troisième modèle voyait le Messie comme prophète, un nouveau Moïse qui doit apporter la « bonne nouvelle aux oppressés » (Es 61.1 ; Lc 4.18). Cette idée est au centre du messianisme samaritain. Une autre tradition présente aussi le Messie comme rejeté et devant souffrir (Ps 22 ; 55 ; 88 ; Ex 16.2 ; 17.2-4 ; Jr 11.18-19 ; 20.7-10). Cette dernière notion reçoit une emphase particulière dans le Nouveau Testament.

mardi 12 juin 2007

La doctrine du Christ à partir de la Réforme

Voici la dernière section de la doctrine du Christ à partir de la Réforme. Pour lire tous les billets précédents de cette étude christologique, cliquez ici.

La Confession de foi réformée baptiste (1689)

En 1689, des pasteurs baptistes de la région londonienne publient une Confession de foi tenant compte de leur identité distinctive en tant que baptistes. Ils veulent ainsi souligner l’unité qui existe au sein du peuple de Dieu, en suivant de très près les textes presbytériens déjà existants (les textes de Westminster), tout en affirmant leur spécificité baptiste. C’est ce qui explique d’ailleurs les nombreuses ressemblances entre ces deux Confessions.

2. Le Fils de Dieu, la seconde personne de la sainte Trinité, étant vrai et éternel Dieu, l’éclat de la gloire du Père, de même substance que le Père et son égal, créateur du monde, sustentateur et régisseur de toute sa création, a assumé, quand les temps ont été accomplis, la nature humaine, avec toutes ses caractéristiques essentielles et ses communes faiblesses (Jn 1.1,14 ; Ga 4.4), le péché excepté cependant (Rm 8.3 ; Hé 2.14, 16, 17 ; 4.15). Il fut conçu par le Saint-Esprit dans le sein de la vierge Marie, le Saint-Esprit venant sur elle, et la puissance du Très-Haut la recouvrant. Il naquit ainsi d’une femme, de la tribu de Juda, de la postérité d’Abraham et de David, selon les Écritures (Mt 1.22, 23 ; Lc 1.27, 31, 35). Ainsi, les deux natures entières, parfaites et distinctes, ont été inséparablement unies en une seule personne, sans changement, mélange ou confusion. Cette personne est vraiment Dieu et vraiment homme, et cependant un seul Christ, l’unique Médiateur entre Dieu et l’homme (Rm 1.3, 4 ; 1 Tm 2.5)[1].

[1] Confession de foi réformée baptiste de 1689, Chalon-sur-Saône cédex, Europresse, 1994, article 2, chapitre 8, p. 29.

lundi 11 juin 2007

La doctrine du Christ à partir de la Réforme

La série d'études sur la christologie se poursuit! Pour lire les billets précédents, cliquez ici.

Les Textes de Westminster (1643-1649)

C’est en l’ancienne Abbaye de Westminster, à Londres, que se sont réunis du 1er juillet 1643 au 22 février 1649 pas moins de 121 théologiens pour une Assemblée extraordinaire. Leur but : rapprocher l’Église d’Angleterre de l’Église d’Écosse et des autres Églises Réformées. Les Textes de Westminster figurent parmi les plus importants écrits confessionnels depuis la Réforme protestante. Voici ce qu’ils affirment sur la personne du Fils de Dieu :

2. Le Fils de Dieu, la seconde personne de la Trinité, étant vrai et éternel Dieu, de même substance que le Père et son égal, a assumé, quand les temps furent accomplis, la nature humaine (Jn 1.1,14), avec toutes ses caractéristiques essentielles et ses communes faiblesses, le péché excepté cependant (Hé 2.14, 16, 17 ; 4.15) ; conçu par la puissance du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie, il est de même substance qu’elle (Lc 1.27, 31, 35). Ainsi, les deux natures entières, parfaites et distinctes, la divine et l’humaine, ont été inséparablement unies en une seule personne, sans changement, mélange ou confusion (Lc 1.35 ; Col 2.9 ; Rm 9.5 ; 1 P 3.18 ; 1 Tm 3.16). Cette personne est vraiment Dieu et vraiment homme, et cependant un seul Christ, l’unique Médiateur entre Dieu et l’homme (Rm 1.3, 4 ; 1 Tm 2.5)[1].

[1] Les Textes de Westminster, Aix-en-Provence, Kerygma, 1988, article 2, chapitre VIII, p. 18.

jeudi 7 juin 2007

Réflexion sur le cessationisme

Voici une petite réflexion que j'avais commencée, mais que je n'ai jamais terminée, à propos du cessationisme (cette croyance selon laquelle le phénomène du "parler en langues" a cessé).

Questions préliminaires

Commençons cette réflexion à l’aide des questions axiomatiques suivantes : quel lien existe-t-il entre le fait de la pluralité des langues et le plan global de Dieu? Aussi, est-il permis d’établir un lien entre Babel et l’événement de la Pentecôte?

Pistes de réflexion

La pluralité des langues à Babel : signe du jugement de Dieu.

La pluralité des langues à la Pentecôte : signe de l’effusion du Saint-Esprit et de la réconciliation avec Dieu.

Cessationisme : le cessationisme est un retour à la case départ et, de plus, se trouve à contre-courant de la rédemption accomplie par Dieu, qui utilise désormais les multiples langues comme ingrédient de son œuvre rédemptrice.

Réflexion

Le cessationisme est donc refus de l’Autre, cet Autre que Dieu a autrefois jugé à Babel par la pluralité des langues, mais qu’il accueille désormais par la même pluralité des langues depuis la réception du Saint-Esprit au jour de la Pentecôte. La Pentecôte, c’est donc le renversement du jugement prononcé à Babel; c’est Dieu qui, par sa grâce ineffable, se saisit du jugement qu’il a jadis prononcé en Babel et qu’il fait maintenant intervenir comme bénédiction pour les hommes de toutes nations et de toutes langues. Mais c’est aussi le mur de séparation renversé (
Éphésiens 2.14), pour que surgisse triomphante cette Ekklesia élue de Dieu, cette Église qui est une en Esprit quoique multiples soient les peuples qui la constituent.

Le cessationisme, par son entêtement à renfermer le phénomène de la glossolalie à l’intérieur d’une seule dispensation, perd de vue la totalité du plan de Dieu.

La doctrine du Christ à partir de la Réforme

Je poursuis la série sur la christologie, tout en espérant qu'elle suscite un intérêt chez ceux (des millions de fans!) qui ont l'habitude de consulter ce blogue. De toute façon, rien n'est jamais perdu, car là où la Parole de Dieu est rependue, elle suscite des réponses à coup sûr. Pour ceux qui veulent lire les premiers billets de cette série, cliquez ici.

La Seconde Confession helvétique (1566)

Henri Bullinger, successeur du réformateur Huldrych Zwingli à Zurich, a d’abord composé cette confession en 1561 comme confession de foi personnelle. Atteint par la peste en 1564, il décide alors de remettre sa rédaction au conseil de la ville en tant que testament spirituel, au cas où il décéderait. Mais l’année suivante, Frédéric III, prince électeur du Palatinat, demande à Bullinger une confession de foi rendant compte de l’enseignement réformé. Bullinger, alors remis de sa maladie, fait parvenir au prince sa propre confession de foi. C’est donc de cette manière que la Seconde Confession helvétique a commencé à étendre son influence, non plus seulement comme affirmation personnelle de la foi de Bullinger, mais aussi comme déclaration magistrale des Eglises réformées. Au sujet de la doctrine du Christ, voici ce que la Seconde Confession helvétique enseigne au chapitre 11, les articles 1, 2, 4, 5, 6, 7 et 8 :

1. Nous croyons et nous enseignons que le Fils de Dieu, notre Seigneur Jésus-Christ, a été prédestiné et établi par le Père, de toute éternité, pour être le Sauveur du monde. De même, nous croyons qu’il a été engendré du Père d’une manière ineffable, non seulement quand il a assumé notre chair dans le sein de la vierge Marie, ou un peu avant la fondation du monde, mais encore de toute éternité. Esaïe dit : Qui racontera sa génération? (Es 53.8). Et Michée : Son origine remonte au lointain passé, aux jours d’éternité (Mi 5.1). Jean, de même, dit dans l’Evangile : Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu (Jn 1.1).

2. Ainsi le Fils, pour ce qui est de sa divinité, est égal et consubstantiel au Père. Il est vrai Dieu, non seulement de nom ou par adoption, ou à cause d’une dignité conférée, mais dans sa substance et sa nature (Ph 2.6). Comme le dit l’apôtre Jean ailleurs : C’est lui le Dieu véritable et la vie éternelle (1 Jn 5.20). Et l’épître aux Hébreux, semblablement : Il l’a établi héritier de toutes choses, et c’est par lui qu’il a créé les mondes. Ce Fils, qui est le rayonnement de sa gloire et l’expression de son être, soutient toutes choses par sa parole puissante (He 1.3 ; 3). Le Seigneur lui-même dit dans l’Evangile : Père, glorifie-moi auprès de toi-même de la gloire que j’avais auprès de toi, avant que le monde fût (Jn 17.5). Et il est écrit ailleurs dans l’Evangile : Les Juifs cherchaient à le faire mourir, parce qu’il disait que Dieu était son propre Père, se faisant ainsi lui-même égal à Dieu (Jn 5.18).

4. Nous croyons, de même, et nous enseignons que le Fils éternel de l’éternel Dieu fut fait le Fils de l’homme, de la postérité d’Abraham et de David. Il n’a pas été engendré par un homme, ainsi que le prétendait Ebion, mais il a été conçu en toute pureté par le Saint-Esprit. Et il est né de Marie, qui est demeurée vierge, ainsi que l’histoire de l’Evangile nous l’explique en détail (Mt 1.18ss). L’épître aux Hébreux déclare encore: Ce n’est pas des anges, assurément, qu’il prend la nature, mais c’est de la descendance d’Abraham qu’il prend la nature (He 2.16). L’apôtre Jean dit, de même: Tout esprit qui ne confesse pas Jésus venu en chair n’est pas de Dieu (1 Jn 4.3). La chair du Christ n’a donc pas été imaginaire ou apportée du ciel, comme l’ont rêvé Valentin et Marcion.

5. De plus, l’âme de notre Seigneur Jésus-Christ n’a pas été créée sans sentiment ou raison, comme l’affirmait Apollinaire ; son corps n’a pas été sans âme, ainsi qu’Eunomius l’enseignait. Mais il a eu une âme raisonnable et un corps sensible. Et c’est avec ces sens-là qu’il a éprouvé de vraies douleurs au temps de sa Passion, comme il en a lui-même témoigné : Mon âme est triste jusqu’à la mort (Mt 26.38), et : Maintenant mon âme est troublée (Jn 12.27).

6. Nous reconnaissons donc qu’il y a, dans notre seul et unique Seigneur Jésus-Christ, deux natures ou substances, l’une divine et l’autre humaine (He 4.14). Et nous disons qu’elles sont conjointes et unies de telle sorte qu’elles ne sont ni absorbées l’une par l’autre, ni confondues ou mélangées ; mais les propriétés de chaque nature sont permanentes, étant conservées et unies en une seule personne. Par conséquent, nous adorons un seul Christ, notre Seigneur, et non pas deux : un seul vrai Dieu et vrai homme, consubstantiel au Père quant à sa nature divine, et de la même substance que nous quant à son humanité, nous étant en toutes choses semblable, excepté le péché (He 4.16).

7. De la sorte, de même que nous avons en horreur la doctrine de Nestorius qui, du seul Christ, en faisait deux et dissolvait ainsi l’unité de la personne, de même, nous rejetons la folie d’Eutychès et des Monothélites, ou Monophysites, qui abolissaient les propriétés de la nature humaine.

8. Nous n’enseignons donc en aucune manière que la nature divine en Christ ait souffert, ou que le Christ soit encore dans ce monde ou partout présent selon sa nature humaine. En effet, nous ne pensons ni ne croyons que le corps du Christ ait cessé d’être un véritable corps suite à sa glorification, ou qu’il ait été déifié ou même divinisé au point d’avoir été dépouillé de ses propriétés corporelles et psychiques, ou qu’il ait été transformé en la nature divine et soit devenu avec elle une seule substance.

mercredi 6 juin 2007

Le père: un prophète

Je vous recommande la lecture du dernier billet de Georges, sur son blogue Soif de Dieu. Il concerne le rôle du père comme prophète dans son foyer: Prophète, prêtre et roi (partie 2).

La doctrine du Christ à partir de la Réforme

Voici une autre partie de la nouvelle section de la série sur la christologie. Pour lire les billets précédents, cliquez ici.

Le Catéchisme de Heidelberg (1563)

Rédigé en allemand par le théologien Ursinus et le prédicateur Olevianus, en 1562, à la demande de l’Électeur palatin Frédéric III, le Catéchisme de Heidelberg avait pour but de contrecarrer l’influence luthérienne et de répandre le zwinglo-calvinisme de Bullinger. À la question 35 : « Que veut dire “conçu du Saint-Esprit et né de la vierge Marie” ? », le Catéchisme répond :

Que le Fils éternel de Dieu, qui est le Dieu vrai et éternel (Jn 1.1 ; Rm 1.4), et le demeure (Rm 9.5), a assumé la vraie nature humaine de la chair et du sang de la vierge Marie (Ga 4.4 ; Jn 1.14), par l’opération du Saint-Esprit (Mt 1.18 ; Lc 1.35), afin d’être aussi la vraie postérité de David (Ps 132.11 ; Rm 1.3), semblable en toutes choses à ses frères (Ph 2.7) excepté le péché (He 4.15).

mardi 5 juin 2007

Article à lire!

Jean-Sébastien Morin, dans l'un de ses commentaires, nous a offert le lien vers un article concernant le rôle de la Tradition dans notre conception de l'autorité de l'Écriture et son interprétation. Vous trouverez l'article en question ici.

L'auteur de cet article, Keith Mathison, défend la conception selon laquelle l'Église des premiers Conciles œcuméniques est l'autorité sur laquelle repose notre conception et notre interprétation des Écritures. Aussi, il critique sévèrement la conception évangélique de la doctrine bibliologique, affirmant que cette conception tire sa source du rationalisme et de l'individualisme modernes. Il s'agit d'un article très intéressant du point de vue tant historique que théologique. Par contre, j'ai certaines réserves quant à certains concepts que l'auteur propose. J'aimerais bien discuter de cet article avec vous. Si donc vous le lisez, faites-le moi savoir, comme ça on pourra amorcer une discussion.

La doctrine du Christ à partir de la Réforme

Voici une autre partie de la nouvelle section de la série sur la christologie. Pour lire les billets précédents, cliquez ici.

La Confession de La Rochelle (1559)

La Confession de La Rochelle s’inscrit directement dans le mouvement de la Réforme. En effet, en 1545 est constituée la première Église Réformée (Meaux) de France. Puis, deux mille églises sont fondées entre 1555 et 1570. Pour fonder l’Église Réformée de France, un synode (c’est-à-dire un concile) est tenu durant le mois de mai 1559. Il a lieu dans la clandestinité, et a pour but d’adopter une « discipline » et une confession de foi communes à toutes les églises réformées. La rédaction de la confession de foi est confiée au genevois Jean Calvin, dont le texte est légèrement modifié avant d’être adopté et imprimé à la fin des Bibles (40 articles). Sur la personne de Jésus-Christ cette confession de foi déclare ce qui suit :

Article 14. Nous croyons que Jésus-Christ, étant la sagesse de Dieu et son Fils éternel, a revêtu notre chair afin d’être Dieu et homme en une même personne (Jn 1.14 ; Ph 2.6-7) et, en vérité, un homme semblable à nous (He 2.17), capable de souffrir dans son corps et dans son âme, ne différant de nous qu’en ce qu’Il a été pur de toute souillure (2 Co 5.21). Quant à son humanité, nous croyons que le Christ a été l’authentique postérité d’Abraham et de David (Ac 13.23 ; Rm 1.3 ; 8.3 ; 9.5 ; He 2.14-15 ; 4.15), quoiqu’Il ait été conçu par l’efficace secrète du Saint-Esprit (Lc 1.28, 31, 35 ; 2.11 ; Mt 1.18). Ce faisant, nous rejetons toutes les hérésies qui, dans les temps anciens, ont troublé les Églises[1].

Article 15. Nous croyons qu’en une même personne, à savoir Jésus-Christ, les deux natures sont vraiment et inséparablement conjointes et unies, chacune d’elles conservant néanmoins ses caractères spécifiques, si bien que, dans cette union des deux natures, la nature divine, conservant sa qualité propre, est restée incréée, infinie et remplissant toutes choses, de même que la nature humaine est restée finie, ayant sa forme, ses limites et ses caractères propres (Mt 1.20-21 ; Lc 1.31, 32, 35, 42, 43 ; Jn 1.14 ; Rm 9.5 ; 1 Tm 2.5 ; 3.16 ; He 5.8). En outre, quoique Jésus-Christ, en ressuscitant, ait donné l’immortalité à son corps, nous croyons toutefois qu’Il ne l’a pas dépouillé de la réalité propre à sa nature humaine (Lc 24.38-39 ; Rm 1.4 ; Ph 2.6-11 ; 3.21). Nous considérons donc le Christ en sa divinité, de telle sorte que nous ne Le dépouillons point de son humanité[2].

[1] La confession ajoute ici : « Et notamment aussi les imaginations diaboliques de Servet, lequel attribue au Seigneur Jésus une divinité fantastique, d’autant qu’il le dit être idée et patron de toutes choses, et le nomme Fils personnel ou figuratif de Dieu, et finalement lui forge un corps de trois éléments incréés, et par ainsi mêle et détruit toutes les deux natures. »
[2] La Confession de La Rochelle, Aix-en-Provence, Fondation d’entraide chrétienne réformée, 1988, articles 14 et 15, chapitre III, p. 33-35.

lundi 4 juin 2007

La doctrine, encore la doctrine...

On peut encore une fois constater à quel point la doctrine n'a pas la cote de nos jours: après avoir publié une série de billets sur la christologie, pratiquement aucun commentaire n'a été émis (seulement deux personnes ont commenté le premier billet de cette série). Cela est bien entendu une triste constatation. Mais c'est là où le postmodernisme nous a conduits, et nous refusons malheureusement de nous libérer des liens qui nous lient à la paresse intellectuelle issue de la culture postmoderne.

La foi n'est malheureusement plus conçue de nos jours principalement comme une connaissance divine que Dieu nous révèle et dans laquelle notre intelligence se délecte sans cesse, mais elle est surtout conçue comme un sentiment ou une puissante émotion qui anime nos sens et nous fait ainsi "sentir la présence de Dieu". Je ne nie pas la présence des émotions dans l'expérience religieuse. Pourtant, ces sentiments religieux doivent être à la remorque de notre connaissance de Dieu et de l'exercice de la méditation des vérités divines.

J'aimerais tant voir tous les chrétiens être animés par le désir de posséder une "foi intelligente", comme le disait John Murray. Mais pour cela, j'ai parfois l'impression qu'il faut réduire le discours théologique à un script de cinéma hollywoodien; on dirait qu'il faut sans cesse amuser les gens -à l'aide d'activités quelconques et autres stratégies bien pensées- pour qu'ils s'intéressent un tant soit peu à la doctrine.

La doctrine du Christ à partir de la Réforme

Voici une nouvelle section de la série sur la christologie. Pour lire les billets précédents, cliquez ici.

La doctrine du Christ à partir de la Réforme

La Réforme n’a pas vraiment innové en matière de christologie, si ce n’est quelques précisions doctrinales nécessaires qu’elle a dû apporter face à certains hérésiarques de cette époque qui reprenaient les hérésies du passé mais sous des formes et présentations différentes. La Réforme a donc réaffirmé de manière globale et conciliante les dogmes christologiques des premiers Conciles œcuméniques (les quatre premiers conciles, Chalcédoine en particulier)[1].


Dans la section qui suit, nous verrons la christologie des principales confessions issues de la Réforme (la Confession d’Augsbourg, la Confession de La Rochelle, la Seconde Confession helvétique et le Catéchisme de Heidelberg) et de la période subséquente à la Réforme (les Textes de Westminster, la Confession de foi réformée baptiste de 1689). Nous n’avons retenu de ces confessions que l’enseignement relatif aux deux natures (divine et humaine) du Christ et à l’union de ces deux natures dans une personne unique.

Les Confessions de foi de la Réforme

La Confession d’Augsbourg (1530)
Devant la menace nouvelle que représentent le mouvement de protestation suscité par le moine augustin Martin Luther, la Diète (assemblée politique dans certains pays d’Europe) du Saint Empire romain germanique décide de se réunir à Augsbourg au printemps 1530. Devant les seigneurs, évêques et représentants des villes, l’empereur Charles Quint propose un arbitrage entre partisans et ennemis de Luther.

Craignant cependant pour sa vie, Martin Luther décide de se faire représenter par Philippe Melanchton. Le 25 juin 1530, celui-ci présente donc à la Diète la profession de foi de Luther, connue sous le nom de « Confession de foi d’Augsbourg ». Ce texte est toutefois rejeté après six semaines de réflexion par les théologiens catholiques. Les partisans de Luther émettent aussitôt une protestation solennelle. D’où le nom de « protestants » qui est donné dès lors à l’ensemble des chrétiens qui se détournent de l’ancienne foi catholique. Voici ce qu’enseigne, à l’article 3, cette confession de foi en ce qui concerne la personne de Christ :

Article 3 : Du Fils de Dieu Nous enseignons aussi que Dieu le Fils est devenu homme, né de la pure Vierge Marie, et que les deux natures, la divine et l’humaine, unies inséparablement dans une personne unique, constituent un seul Christ, qui est vrai Dieu et vrai homme. Il est véritablement né, il a réellement souffert, il a été crucifié, il est mort, il a été enseveli, afin qu’il s’offrit en sacrifice, non seulement pour le péché originel, mais aussi pour tous les autres péchés, afin d’apaiser la juste colère de Dieu[2].

[1] Comme le souligne Robert L. Reymond, « la définition chalcédonienne du cinquième siècle devait devenir la pierre de touche de l’orthodoxie christologique dans la chrétienté catholique [universel] durant les mille cinq cents prochaines années, survivant même au schisme de 1050 ap. J.-C. de l’Église en Églises d’Orient et d’Occident et ensuite au sixième siècle dans la chrétienté occidentale à la division de cette même Église en Églises romaine catholique et protestante » ; Robert L. REYMOND, op.cit., p. 614.

[2] « Le même Christ est descendu aux enfers ; il est réellement ressuscité le troisième jour, monté au ciel, assis à la droite de Dieu, afin qu’il étende son règne et sa domination éternels sur toutes les créatures, qu’il sanctifie, purifie, affermisse et console par le Saint-Esprit tous ceux qui croient en lui, et afin qu’il leur donne en partage la vie et toutes sortes de dons, et qu’il les protège contre le diable et le péché. Ce même Seigneur Jésus-Christ reviendra enfin visiblement, pour juger les vivants et les morts, etc., — selon le Symbole des Apôtres. »