vendredi 25 août 2006

Réflexions sur Romains 2

Je me souviens encore de la première fois où j'ai lu l'Épître aux Romains. J'étais jeune chrétien et je devais être âgé de 17 ou 18 ans. Je me souviens particulièrement de la surprise que j'ai éprouvée lorsque j'ai commencé à lire le chapitre 2: ce chapitre me semblait aborder un sujet complètement différent du premier chapitre. À part la question du jugement, celui de Dieu exprimé au chapitre 1 et celui de l'homme dont parle l'apôtre Paul au chapitre 2, je ne pouvais voir de lien entre ces deux chapitres, car, dans le premier chapitre, il est question de l'universalité de l'Évangile et de la révélation de Dieu, alors que le deuxième chapitre parle de l'homme qui juge injustement. Je ne comprenais tout simplement pas la logique de Paul et je ne parvenais pas à identifier le fil conducteur de son argumentation. Quelle est donc cette logique de l'apôtre?

Malgré l'apparence, à ce point-ci de l'épître (le chapitre 2), d'une cassure dans la pensée de l'apôtre, il est clair que Paul poursuit son argumentation dans une logique implacable. Après avoir parlé du jugement de Dieu révélé dans la création, jugement sous lequel tous les hommes croulent sans exception puisque, ayant tous accès à cette révélation, ils ont néanmoins rejeté le Dieu créateur, Paul enchaîne maintenant le deuxième chapitre en abordant la question de la position du Juif dans l'économie du plan rédempteur de Dieu: le Juif est-il supérieur au Grec? En d'autres mots, le Juif occupe-t-il une place dans ce plan et des prérogatives qui pourraient le dispenser du jugement divin? Comme l'explique Karl Barth, il n'en est rien:
"Aucune excuse", aucune raison et aucune possibilité de tenir tête, ni pour ceux qui ignorent le Dieu inconnu (1.18 sq.)... ni pour ceux qui le connaissent! Eux aussi, ceux qui le connaissent, ils appartiennent au temps; eux aussi, ils sont des hommes. Pas de justice humaine qui soustraie l'homme à la colère de Dieu! Pas de grandeur matérielle, pas de hauteur locale qui le justifie devant Dieu! Pas de disposition d'esprit ou de comportement, pas de manière de penser ou d'état d'âme, pas de discernement et de compréhension qui, comme tels, soient agréables à Dieu! L'homme est homme, et il est dans le monde des hommes (p. 60).
C'est ce qui fait dire à Paul cette parole sans équivoque possible:
Tribulation et angoisse sur toute âme d'homme qui fait le mal, sur le Juif premièrement, puis sur le Grec! (Romains 2.9)
Le Juif est donc dans une situation égale à celle du Grec: il pèche et lui aussi, par conséquent, mérite le juste jugement de Dieu. En quoi alors cela lui est-il profitable d'être Juif si, de toute manière, cela ne lui octroie aucun privilège au-delà du Grec? Paul, avec la rhétorique qu'on lui connaît, pose en effet cette question au chapitre 3 et y répond tout de suite:
Quel est donc l'avantage des Juifs, ou quelle est l'utilité de la circoncision? Il est grand de toute manière, et tout d'abord en ce que les oracles de Dieu leur ont été confiés. (Romains 3.1-2)

Le Juif a seulement cette "longueur d'avance" sur le Grec: les oracles de Dieu lui ont été confiés et il a reçu la loi. Mais l'élection d'Israël est une élection de pure grâce, que le Juif ne saurait s'approprier comme objet de vantardise, comme une occasion et un moyen de s'élever au-dessus de tout et de tous en tant que maître et juge du monde et des races. Barth rend ainsi la logique de l'apôtre:

Quand celui qui a eu quelque aperçu de Dieu affirme positivement qu'il occupe une position exceptionnelle, il se rend semblable à celui qui n'a encore absolument rien aperçu (p. 64).
En d'autres termes, et je crois que c'est en cela que consiste la logique de Paul au chapitre 2, la bonté de Dieu n'accorde pas à ceux qui la reçoivent le droit de s'élever en juge au-dessus de leurs prochains. Bien au contraire, les richesses de la bonté de Dieu, de sa patience et de sa longanimité devraient pousser tout homme à la repentance (Romains 2.4), non au jugement d'autrui. Barth, je pense, a saisi ici l'intensité de le réflexion de Paul, de cette description qu'il fait de l'homme qui prétend être le juge de tous et chacun et qui, pourtant, commet les mêmes crimes que les pécheurs, mais dont l'attachement religieux et pharisaïque à loi lui procure l'illusion d'une supériorité. Ce genre d'homme dont parle l'apôtre Paul, Barth le décrit de la façon suivante:
Il peut bien encore élever, de plus en plus haut, la tour de Babel des droits qu'il fait valoir sur Dieu, de sa certitude de posséder Dieu, de sa jouissance de Dieu, cependant derrière l'écran de sa vie éphémère est déjà aux aguets le jour éternel de la colère du juste jugement. Debout sur sa hauteur, il est déjà précipité. Ami de Dieu, il est déjà l'ennemi le plus acharné et le plus détesté de Dieu. Juste, il est déjà jugé. Il n'oserait être surpris que, soudain, ce qu'il est apparaisse et soit formulé aussi (p. 64).

1 commentaires:

Anonyme 26 août 2006 à 11:54  

Romains 1-3,19 est un véritable décapant pour toute propre justice! Ce qui montre que même les chrétiens ne peuvent s'enorgueillir par rapport aux autres - une attitude que j'ai souvent eu (et qu'il m'arrive encore d'avoir malheureusement) et que j'ai vu souvent chez d'autres chrétiens.
Merci de te servir de Paul et de Barth pour nous rappeler cette vérité essentielle de la grâce de Dieu qui nous met tous sous un pied d'égalité en sa présence, un Dieu que nous ne "possèdons pas" mais plutôt qui nous possède, nous saisit en Jésus-Christ(ce qui fait toute la différence!)