lundi 28 mai 2007

Le Christ des Conciles œcuméniques

Voici la suite sur la christologie. Pour ceux qui ont manqué les premières études, vous pouvez les lire en cliquant ici et ici.

Le Concile de Nicée (325)

L’année 325 demeura toujours une date importante et décisive dans le développement de la christologie, puisque durant la période entourant cette date, l’Église a résisté à l’une des plus virulentes attaques jamais portées contre elle. C’est qu’un dénommé Arius (250−336), qui avait été reçu prêtre dans l’Église d’Alexandrie, enseignait ouvertement que le Logos n’est pas d’essence divine.

Arius soutenait un monothéisme strict. Selon lui, Dieu est éternel et un. Tout ce qui existe lui est par conséquent soumis. Le Fils, cependant, est un être créé, « le premier-né de toute la création » (Col 3.15), selon l’interprétation qu’il donnait de ce texte paulinien. C’est pourquoi Arius pouvait dire : « Dieu ne fut pas toujours Père[1]. » C’est en créant le Fils que Dieu est devenu Père. Et le Fils n’a pas toujours été Fils : « Le Verbe a été créé à partir du néant, il fut un temps où il n’était pas, il a été engendré librement par le Père, seul inengendré[2]. » Dans sa « Thalie », Arius prétendait que

le Verbe n’est pas vrai Dieu. Bien qu’on l’appelle Dieu, il ne l’est pas vraiment, mais seulement par participation de grâce ; comme tous les autres, lui-même n’est dit Dieu que nominalement. De même que toutes choses sont par essence étrangères à Dieu et différentes de lui, de même le Verbe est absolument étranger à l’essence et à la propriété du Père ; il est de l’ordre des œuvres et des créatures : il est l’une d’elles[3].
Ainsi, selon Arius, le Fils ne procède pas de la substance du Père, mais de la volonté créatrice de Dieu. Il n’y a donc aucune identité d’essence ou de substance divine entre le Père et le Fils[4]. Bref, selon le prêtre hérétique d’Alexandrie, Jésus-Christ n’est tout simplement pas Dieu[5].

Contre l’hérésie d’Arius et de ses disciples, les 318 Pères réunis à Nicée sont parvenus à cette magnifique formulation doctrinale, qu’ils ont nommée le « Credo » de Nicée :
Nous croyons en un Dieu, Père tout-puissant, créateur de toutes les choses visibles et invisibles, et en un Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, unique engendré du Père, c’est-à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non fait, consubstantiel (homoousios) au Père, par qui tout a été fait, ce qui est dans le ciel et ce qui est sur la terre, qui, pour nous les hommes et pour notre salut, est descendu, s’est incarné, s’est fait homme, a souffert, est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux et viendra juger les vivants et les morts, et en l’Esprit Saint. Pour ceux qui disent : « Il fut un temps où il n’était pas » et « Avant de naître, il n’était pas », et « Il a été créé à partir du néant », ou qui déclarent que le Fils de Dieu est d’une autre substance (hypostasis)ou d’une autre essence (ousia), ou qu’il est créé ou soumis au changement ou à l’altération, l’Église catholique et apostolique les anathématise[6].

[1] Pierre-Th. CAMELOT, Pierre MARAVAL, Les conciles œcuméniques : I Le premier millénaire, Paris, Desclée, 1988, vol. 1, p. 10.

[2] CAMELOT, MARAVAL, op.cit., p. 9. Arius, pour affirmer cela, s’appuyait sur quelques passages de l’Écriture, surtout Proverbe 8.22, selon la version grecque dite La Septante, où il est question de la Sagesse personnifiée : « Le Seigneur m’a créée au commencement de ses voies (…) »

[3] CAMELOT, MARAVAL, op.cit., p. 10.

[4] Bien que n’étant pas de la même substance que le Père, le Fils, selon Arius, est néanmoins une créature parfaite.

[5] Mais, en plus de ruiner la divinité du Fils, Arius tronquait également son humanité : « En effet, le Fils-Logos prend la place de l’esprit humain, et c’est par cette synthèse entre une super-créature céleste et la chair que le Christ est un. » ; BLOCHER, op.cit., p. 103.

[6] CAMELOT, MARAVAL, op.cit., p. 15. Pour les Pères de Nicée,

le « consubstantiel » (homoousios) apparaissait comme le terme le plus approprié pour exprimer le contenu de la foi, le mystère de Dieu. Cette consubstantialité ne doit toutefois pas être conçue comme une simple ressemblance morale entre le Père et le Fils (bien qu’il y en ait une), mais d’abord et surtout comme une identité d’essence ou de substance (ousia), ce qui implique nécessairement la divinité du Christ. En écartant l’idée d’une simple ressemblance, d’une unité purement morale entre le Père et le Fils, l’homoousios traduit au mieux les mots de l’évangile : « Le Père et moi nous sommes un. Tout ce qu’a le Père est à moi. Je suis dans le Père et le Père est en moi (Jn 10. 40 ; 16.15 ; 14.10). »

Ainsi, en confessant que Jésus est « vrai Dieu de vrai Dieu », l’Église des conciles a préservé la vérité selon laquelle Dieu est véritablement venu parmi nous dans la personne de son Fils unique.

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