vendredi 14 juillet 2006

Dieu a-t-il rejeté Israël?


Dimanche soir dernier (9 juillet 2006), j’ai prêché sur le passage de Jean 1.11-13, où il est question du droit de devenir enfant de Dieu, un droit qui s’obtient désormais par la foi en Jésus-Christ et non en vertu de l’appartenance ethnique d’une personne à Israël. C’est d’ailleurs ce que Jean a en tête lorsqu’il qualifie le type de filiation des croyants sous la dispensation de l’Évangile :

lesquels sont nés, non pas de sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. (Jn 1.13)

Jean établit en effet le revirement de situation suivant : la Parole est venue chez les siens (les Juifs), mais ceux-ci ont rejeté la Parole; c’est pourquoi Dieu leur a enlevé le privilège de la filiation divine pour l’accorder à ceux qui désormais croiraient au Fils unique de Dieu. Ce ne sont donc plus ceux qui naissent de sang juif qui sont appelés enfants de Dieu, mais ceux dont la naissance spirituelle trouve sa source en Dieu lui-même, sous condition de la foi au Messie.

Après la prédication, un frère, dont l’approche était on ne peut plus exemplaire, est venu me voir et m’a fait remarquer que j’avais littéralement dit que « Dieu avait rejeté Israël et s’était de ce fait tourné vers les nations afin de leur offrir son évangile de salut ». Bien sûr, le frère avait raison de me faire remarquer ce point, ayant en effet fait une telle affirmation au cours de ma prédication. Il m’a ensuite demandé si je croyais que Dieu avait rejeté Israël de façon définitive. La grande question était lâchée. La question qui a opposé plus d'un théologien chevronné, qui a engendré des querelles à n'en plus finir, qui a divisé des associations d'églises et des églises, qui a fait naître des instituts théologiques, cette question qui nous a donné trois beaux préfixes, « a/pré/post-mille », voilà qu’elle m'était posée par ce frère bien intentionné, qui voulait seulement s’assurer que mon affirmation ne soit pas source de confusion pour les auditeurs.

Pourtant, dès le début de notre discussion, nous nous sommes entendus sur le point suivant : Dieu, par le Christ et le moyen de la foi en lui, veut sauver des hommes d’entre toutes les nations, la nation juive incluse. Dans ce sens, c’est-à-dire dans le sens de leur individualité, Dieu n’a pas rejeté les Juifs. Le livre des Actes atteste clairement que nombre de Juifs ont cru en l’Évangile. C’est plutôt en rapport avec Israël comme nation que la question prend un sens autre, puisqu’elle se situe à un autre niveau d’interprétation : Dieu a-t-il un plan en réserve pour la nation juive?

Le frère en question m’a alors cité Romains 11, et plus précisément les versets 1 et 2 :

Je dis donc, Dieu a–t–il rejeté son peuple ? Qu’ainsi n’advienne ! Car moi aussi je suis Israélite, de la semence d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple, lequel il a préconnu.

Bien entendu, Dieu n’a pas rejeté son peuple, du moins pas dans le sens où l’entend Paul. Il dit lui-même ce qu’il faut comprendre par sa rhétorique :

Ne savez-vous pas ce que l'Écriture rapporte d'Élie, comment il adresse à Dieu cette plainte contre Israël: Seigneur, ils ont tué tes prophètes, ils ont renversé tes autels; je suis resté moi seul, et ils cherchent à m'ôter la vie? Mais quelle réponse Dieu lui fait-il? Je me suis réservé sept mille hommes, qui n'ont point fléchi le genou devant Baal. De même aussi dans le temps présent il y un reste, selon l'élection de la grâce. (Rm 11.2-5)

Israël a certes rejeté le Messie, mais pas tout Israël: un reste demeure, selon l'élection de la grâce. Et c'est dans ce sens que Paul comprend que Dieu n'a pas complètement rejeté Israël; en effet, les Juifs bénéficiaires du salut selon l'élection de la grâce sont la manifestation historique de la bonté de Dieu envers le peuple juif. Malgré la désobéissance d'Israël, Dieu n'a pas failli à son engagement envers Israël, il a prévu qu'un reste lui reste fidèle.

Mais Dieu, dans un autre sens, a bel et bien rejeté Israël. Cela est une évidence, puisque l'apôtre Paul l'affirme explicitement:
Car si leur rejet a été la réconciliation du monde, que sera leur réintégration, sinon une vie d'entre les morts? (Rm 11.15)
Ce texte nous révèle un rejet d'Israël. Bien sûr, ce rejet est celui de tous les Juifs n'ayant pas cru au message de Jésus-Christ. Mais qui Paul a-t-il en tête lorsqu'il parle d'une réintégration? D'Israël en tant que nation ou des Juifs qui se tournent vers le Seigneur Jésus? Il semble évident, si on considère d'autres passages de la même épître, que Paul distingue deux groupes en Israël, un premier qui est composé de ceux qui ont été rejetés à cause de leur incrédulité, et un second, le reste, composé de tous ceux qui ont cru en Jésus et qui ont ainsi été restaurés:
Ce n’est point à dire que la parole de Dieu soit restée sans effet. Car tous ceux qui descendent d’Israël ne sont pas Israël, et, pour être la postérité d’Abraham, ils ne sont pas tous ses enfants; mais il est dit: En Isaac sera nommée pour toi une postérité, c’est-à-dire que ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais que ce sont les enfants de la promesse qui sont regardés comme la postérité. (Romains 9.6-8)
Paul articule sa compréhension de l'avenir d'Israël autour de la notion du reste, et c'est ainsi qu'il peut espérer un dénouement heureux pour Israël. Quand Paul affirme que tout Israël sera sauvé («Et ainsi tout Israël sera sauvé, selon qu’il est écrit: Le libérateur viendra de Sion, et il détournera de Jacob les impiétés» - Rm 11.26), il parle bien entendu des élus, du reste qui ne s'est pas endurci. Cela est une évidence, puisque ce sont eux qui ont cru au Libérateur venu de Sion. Aussi, comme le mentionne clairement Paul, le véritable Israël est celui de la promesse, celui qui a cru, non l'Israël de la désobéissance.

Je pourrais bien sûr m'étendre davantage sur ce sujet. Je ne le ferai point. Qu'il suffise de dire que d'autres conceptions existent en ce qui concerne ce sujet, et que ces autres conceptions ont également leurs mérites. Puissions-nous avoir en tout temps une ouverte d'esprit et ne pas croire que nous sommes parvenus à une compréhension exhaustive de la Vérité. Certaines notions ne sont pas faciles à comprendre, et l'humilité devrait nous pousser à reconnaître nos limites humaines quant à la vision eschatologique du plan de Dieu.

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