lundi 14 janvier 2008

Dieu est généreux

Recommande aux riches du présent siècle de ne pas être orgueilleux, et de ne pas mettre leur espérance dans des richesses incertaines, mais de la mettre en Dieu, qui nous donne avec abondance toutes choses pour que nous en jouissions. Recommande–leur de faire du bien, d’être riches en bonnes œuvres, d’avoir de la libéralité, de la générosité, et de s’amasser ainsi pour l’avenir un trésor placé sur un fondement solide, afin de saisir la vie véritable. (1 Timothée 6:17-19)
Il y a dans ce verset une affirmation théologique à propos de la personne de Dieu : Dieu est bon et généreux. En effet, « Dieu nous donne en abondance toutes choses pour que nous en jouissions ». Mais la vérité de la bonté de Dieu nous renvoie également à la notion de Dieu le créateur. Car c’est bien en raison du fait que Dieu est le créateur des cieux et de la terre qu’il peut ainsi nous accorder toutes choses. Voici ce qu’enseigne la Genèse :
Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre. Et Dieu dit : Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d’arbre et portant de la semence : ce sera votre nourriture. (Genèse 1:26-30)
Dieu, dans sa bonté, nous a donc donné de dominer sur la création afin que nous jouissions de tout ce qu’elle contient.

J’aime beaucoup la pêche. J’apprécie la pêche parce qu’il s’agit d’une occasion de découvrir la générosité de Dieu en contemplant ce qu’il a créé et donné en partage aux hommes. La richesse de nos lacs et rivières où abondent les poissons, les oiseaux qui virevoltent au dessus de ma tête, les animaux qui se blottissent derrière les arbustes pour épier mes moindres mouvements, les feuilles frissonnantes des arbres: quand j’erre dans les bois, toute cette faune et flore pleine de vitalité me témoignent de la générosité de Dieu.

Mais d’une manière plus spécifique encore, Dieu ordonne à l’homme d’être fécond et de se multiplier. Cet ordre de se multiplier est également une démonstration de la générosité de Dieu. Il indique en effet que la création est suffisamment abondante de richesses pour accueillir des multitudes de vies humaines.

Nous pouvons jouir de la création de manière directe. Par exemple, quand je mange les poissons que je pêche, je jouis de la création directement, puisqu’il n’y a aucun intermédiaire entre le produit et moi. Il en va de même lorsque je cultive mon propre jardin et me nourris de sa récolte. Dans un cas comme dans l’autre, les produits dont je jouis n’ont jamais été introduits dans l’activité économique.

En règle générale, nous jouissons de la création en consommant des produits qui proviennent des différents secteurs de l’économie. Ces produits peuvent être non transformés, comme les fruits, les légumes, le poisson, etc., ou être transformés, par exemple une télévision, une voiture, une maison, etc. Dans la majorité des cas, les produits appartenant à cette seconde façon de consommer se payent en argent. Dans notre société, on dit d’une personne qu’elle est riche lorsqu’elle possède une abondance d’argent lui permettant d’acquérir des biens provenant des différents secteurs de l’économie.

Pourquoi la pauvreté?

Dieu est bon et généreux, comme l’Écriture l’enseigne. Pourquoi alors la pauvreté? Comment expliquer que certaines personnes nagent dans l’opulence alors que les autres ont de la difficulté à « joindre les deux bouts »?

Selon une étude de l’Institut mondial de recherche sur l’économie du développement de l’université des Nations unies, en 2000, les 1 % d’adultes les plus riches du monde possédaient à eux seuls 40 % des biens mondiaux et 10% de la population la plus riche détenait 85 % du total mondial. Comment expliquer le fait que la presque totalité des biens mondiaux se trouvent entre les mains d’un petit nombre de personnes alors que tous les autres êtres humains se partagent le peu qui reste ?

Quand on considère la pauvreté dans le monde et ce qu’elle entraîne comme conséquences désastreuses pour ceux qui la subissent, on peut être tenté de douter de la générosité de Dieu. Pour les chrétiens, cette considération est d’autant plus troublante que ceux-ci peuvent, comme Asaph l’a fait autrefois, en arriver à remettre sérieusement en cause la bonté de Dieu pour les siens :
Mon pied allait fléchir, Mes pas étaient sur le point de glisser ; Car je portais envie aux insensés, En voyant le bonheur des méchants. Rien ne les tourmente jusqu’à leur mort, Et leur corps est chargé d’embonpoint ; Ils n’ont aucune part aux souffrances humaines, Ils ne sont point frappés comme le reste des hommes. Ainsi sont les méchants : Toujours heureux, ils accroissent leurs richesses. C’est donc en vain que j’ai purifié mon cœur, Et que j’ai lavé mes mains dans l’innocence: Chaque jour je suis frappé, Tous les matins mon châtiment est là. (Psaume 73:2-5, 12-14)
Comment expliquer cette « injustice » humaine, criante et qui n’épargne aucun peuple ni aucune société? Comment expliquer que ce sont les impies qui ont la vie facile, alors que nous, les enfants de Dieu, sommes parfois dans la misère ? Dieu aurait-il abandonné son peuple ?

Injustice des hommes

Comme les textes bibliques nous l’ont démontré, Dieu est bon et généreux. Il est donc hors de question de contester cette donnée scripturaire. La Bible, cependant, donne une explication de l’origine de l’injustice et de la pauvreté qu’elle fait naître. Selon le récit de la Genèse, tout a commencé à la chute; c’est à cause du péché de l’homme que la pauvreté a pris place :
Le sol sera maudit à cause de toi. C’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie, il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l’herbe des champs. C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris ; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière. (Genèse 3:17-19)
La malédiction du sol constitue en effet la première conséquence du péché pour l’homme : l’homme devra désormais peiner toute sa vie pour obtenir sa subsistance quotidienne. Telle est la réalité de l’homme depuis la chute. Et, bien entendu, ce sont les plus robustes et les plus endurants qui ont tiré parti de cette situation. En effet, on voit cela peu de temps après le déluge :
Cusch engendra aussi Nimrod ; c’est lui qui commença à être puissant sur la terre. Il fut un vaillant chasseur devant l’Eternel ; c’est pourquoi l’on dit : Comme Nimrod, vaillant chasseur devant l’Eternel. Il régna d’abord sur Babel, Erec, Accad et Calné, au pays de Schinear. (Genèse 10:8-10)
Nimrod a été le premier tyran à vouloir exercer une domination sur les autres hommes. L’expression hébraïque « un puissant sur la terre » signifie un grand soldat[1]. Nimrod a donc été le premier homme à conquérir des nations par la puissance militaire. Dans son commentaire biblique sur le livre de la Genèse, Jean Calvin décrit Nimrod de la manière suivante :

Nimrod s’est mis au « plus haut degré » ;
Il a été un « homme cruel » ;
Il a été « le premier auteur de la tyrannie »[2].
Depuis Nimrod, bien d’autres hommes comme lui ont établi leur domination, de sorte que même un proverbe a été écrit à propos de ce type d’hommes qui obtiennent puissance et richesse par la force :

La femme gracieuse obtient de l’honneur, et les hommes robustes obtiennent les richesses. (Proverbe 11:16)
D’autres traductions de ce même passage offrent quelques nuances intéressantes :

Et ceux qui ont de la force obtiennent la richesse.

Et les hommes violents obtiennent des richesses.

Jacques fait également mention des riches qui vivent dans l’abondance tout en opprimant le juste :
A vous maintenant, riches ! Pleurez et gémissez, à cause des malheurs qui viendront sur vous. Vos richesses sont pourries, et vos vêtements sont rongés par les teignes. Votre or et votre argent sont rouillés ; et leur rouille s’élèvera en témoignage contre vous, et dévorera vos chairs comme un feu. Vous avez amassé des trésors dans les derniers jours ! Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs, et dont vous les avez frustrés, crie, et les cris des moissonneurs sont parvenus jusqu’aux oreilles du Seigneur des armées. Vous avez vécu sur la terre dans les voluptés et dans les délices, vous avez rassasié vos cœurs au jour du carnage. Vous avez condamné, vous avez tué le juste, qui ne vous a pas résisté. (Jacques 5:1-6)
Les voies de Dieu

De toutes évidences, Dieu tolère l’injustice des hommes qui acquièrent des richesses par le moyen de l’oppression. Cependant cela ne signifie pas que Dieu permettra cette situation à tout jamais. En effet, au jour du jugement, Dieu anéantira les oppresseurs et les infidèles. Le psalmiste Asaph, dont nous avons parlé ci-dessus, a finalement compris les voies de Dieu quant au sort final des oppresseurs, et son cœur en a été apaisé. Reprenons le psaume 73 là où nous l’avons laissé :
Quand j’ai réfléchi là–dessus pour m’éclairer, La difficulté fut grande à mes yeux, Jusqu’à ce que j’eusse pénétré dans les sanctuaires de Dieu, Et que j’eusse pris garde au sort final des méchants. Oui, tu les places sur des voies glissantes, Tu les fais tomber et les mets en ruines. Eh quoi ! en un instant les voilà détruits ! Ils sont enlevés, anéantis par une fin soudaine ! Car voici, ceux qui s’éloignent de toi périssent ; Tu anéantis tous ceux qui te sont infidèles. Pour moi, m’approcher de Dieu, c’est mon bien : Je place mon refuge dans le Seigneur, l’Eternel, Afin de raconter toutes tes œuvres. (Psaume 73:16-19, 27-28)
Proclamer la générosité de Dieu

À ce stade-ci de notre étude, une question s’impose : de quelle manière pouvons-nous proclamer la générosité et la bonté de Dieu dans un monde où Dieu tolère momentanément l’acquisition injuste de richesses et la tyrannie des riches? Comment, par exemple, parvenir à cette belle confession de l’apôtre Paul, qui, dans son dénuement même, peut dire avec assurances aux frères de l’Église de Philippe :
Et mon Dieu pourvoira à tous vos besoins selon sa richesse, avec gloire, en Jésus–Christ. (Philippiens 4:19)
La vérité, c’est que nous démontrons la réalité de notre confiance en la bonté de Dieu lorsque, à l’exemple de lui, nous nous montrons généreux envers les autres. En d’autres mots, Dieu est généreux, oui, mais il a choisi de l’être par le truchement de ses enfants, comme si la main que nous tendons vers les nécessiteux serait une extension de la sienne. Aussi Dieu se sert-il de nous pour remédier à l’injustice humaine que subissent nos frères et sœurs en la foi.

Si nous retournons à notre texte de départ, 1 Timothée 6:17-19, nous pouvons y lire ce que Timothée, sous l’ordre de Paul, devait recommander aux chrétiens riches :
Recommande–leur de faire du bien, d’être riches en bonnes œuvres, d’avoir de la libéralité, de la générosité, et de s’amasser ainsi pour l’avenir un trésor placé sur un fondement solide, afin de saisir la vie véritable. (1 Timothée 6:18-19)
Les riches, à qui Timothée doit faire cette recommandation, avaient acquis leurs richesses avant de faire profession de foi. Paul ne leur interdit nullement de préserver leur statut de riches. Par contre il les exhorte à adopter une attitude différente face à leurs richesses; il désire que leurs biens ne soient plus pour eux un sujet d’orgueil et de fausses espérances, mais que ces biens, au contraire, deviennent entre leurs mains une démonstration de la générosité chrétienne et du même coup de la générosité divine.

Mais ce ne sont pas uniquement les croyants riches qui sont appelés à faire montre de générosité; les pauvres aussi peuvent agir avec libéralité, comme en témoignent les Églises de la Macédoine, qui, malgré leur pauvreté extrême, ont contribué de bon cœur à la collecte en faveur des chrétiens de Jérusalem :
Nous vous faisons connaître, frères, la grâce de Dieu qui s’est manifestée dans les Eglises de la Macédoine. Au milieu de beaucoup de tribulations qui les ont éprouvées, leur joie débordante et leur pauvreté profonde ont produit avec abondance de riches libéralités de leur part. Ils ont, je l’atteste, donné volontairement selon leurs moyens, et même au delà de leurs moyens, nous demandant avec de grandes instances la grâce de prendre part à l’assistance destinée aux saints. (2 Corinthiens 8:1-4)
Non seulement cela, parmi les Églises de la Macédoine, il s’en trouvait une qui, malgré sa pauvreté profonde, s’est montrée particulièrement généreuse à l’endroit de l’apôtre Paul. Il s’agit de l’Église de Philippe. Or c’est aux membres de cette église locale que Paul adresse les paroles que nous avons lues précédemment :
Et mon Dieu pourvoira à tous vos besoins selon sa richesse, avec gloire, en Jésus–Christ.
Si nous retournons dans l’Épître aux Philippiens, nous lisons en effet :
Vous le savez vous–mêmes, Philippiens, au commencement de la prédication de l’Evangile, lorsque je partis de la Macédoine, aucune Eglise n’entra en compte avec moi pour ce qu’elle donnait et recevait ; vous fûtes les seuls à le faire, car vous m’envoyâtes déjà à Thessalonique, et à deux reprises, de quoi pourvoir à mes besoins. Ce n’est pas que je recherche les dons ; mais je recherche le fruit qui abonde pour votre compte. J’ai tout reçu, et je suis dans l’abondance ; j’ai été comblé de biens, en recevant par Epaphrodite ce qui vient de vous comme un parfum de bonne odeur, un sacrifice que Dieu accepte, et qui lui est agréable. Et mon Dieu pourvoira à tous vos besoins selon sa richesse, avec gloire, en Jésus–Christ. (Philippiens 4:15-19)
Chrétien égoïste?

Un chrétien égoïste, ça va sans dire, serait une contradiction! Par définition, le chrétien est un être généreux, comme Dieu est lui-même généreux. Jacques va même plus loin : selon lui, a une foi morte le chrétien qui refuserait d’accorder nourriture et vêtement à son frère ou sa sœur :
Mes frères, que sert–il à quelqu’un de dire qu’il a la foi, s’il n’a pas les œuvres ? La foi peut–elle le sauver ? Si un frère ou une sœur sont nus et manquent de la nourriture de chaque jour, et que l’un d’entre vous leur dise : Allez en paix, chauffez–vous et vous rassasiez ! et que vous ne leur donniez pas ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela sert–il ? Il en est ainsi de la foi : si elle n’a pas les œuvres, elle est morte en elle–même.(Jacques 2:14-17)
Conclusion

Dieu est bon et généreux. Mais comme nous l’avons vu, la générosité de Dieu s’exprime par le moyen de ses enfants; c’est à travers notre amour pour autrui que Dieu entend démontrer sa propre générosité. Serons-nous être à la mesure de ce que Dieu désire accomplir à travers nous?

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[1] Voir Gordon J. WEHNAM, Word Biblical Commentary: Genesis 1-15, Word Books, Waco, 1987, p.223.
[2] Voir Jean CALVIN, Commentaires bibliques : Le livre de la Genèse, Éditions Kerygma, Aix-en-Provence, 1978, p.175.

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