jeudi 21 décembre 2006

Adorer Jésus à Noël: histoire ou individualisme?

Nous sommes chrétiens, donc nous fêtons Noël. Bien entendu, nous ne fêtons pas cette fête comme nos contemporains, qui semblent plutôt ne retenir que l'aspect commercial et matériel de Noël: cadeaux, cadeaux! Nous fêtons comme de vrais croyants, c'est-à-dire que nous commémorons la naissance de Jésus, qui est né afin de nous sauver : il est Emmanuel, ce qui signifie Dieu avec nous (Mathieu 1.23). Mais fêter Noël, fêter celui qui est devenu le Sauveur de chaque individu croyant, est-ce bien en cela seulement que consiste la véritable commémoration de Jésus? Se pourrait-il que dans nos célébrations familiales et ecclésiales, nous ne commémorions pas Jésus comme il convient?

Je pose cette question dans le cadre festif de Noël, puisque le contexte s'y prête bien. Mais cette même question, on pourrait aussi se la poser à tout autre moment, elle pourrait donc revêtir la forme suivante: notre adoration de Jésus s'accomplit-elle comme il convient?

D'abord, concernant Noël, il faut s'examiner soi-même et se demander: "Mon coeur y est-il vraiment? Est-il tout incliné à l'adoration?" Un coeur incliné à l'adoration, cela va de soi pour le chrétien, celui-ci ne voulant pas revêtir seulement les habits extérieurs de la religion mais, au contraire, y mettre tout son coeur. Pourtant cette simple exhortation n'est pas dénuée de sens, particulièrement de nos jours en raison du caractère hautement commercial de la fête de Noël.

Mais il est un autre aspect de l'adoration que nous rendons à Jésus qui me semble parfois ne pas revêtir complètement les traits de la véritable adoration chrétienne. Et cet aspect est l'individualisme. L'individualisme? Oui, oui, vous avez bien lu, j'ai bien utilisé le mot individualisme. Car je crois que l'adoration n'est souvent conçue et vécue que comme une affaire individuelle, rien de plus: Jésus est né, il est mort et est ressuscité pour racheter mes péchés, pour me sauver et me procurer la vie éternelle. Bien entendu, Jésus a accompli toutes ces choses pour ces raisons bien précises, et adorer Jésus pour tout cela est tout à fait légitime. Par contre si notre adoration se réduit uniquement à cette portion individuelle du salut offert par Dieu, il est certain que celle-ci n'est pas entière puisqu'elle n'est pas comprise dans la perspective historique du plan de Dieu. Car le salut de Dieu, dont la naissance de Jésus et sa carrière terrestre et sa mort et sa résurrection en sont la manifestion ultime, est d'abord et avant tout un acte historique accompli par Dieu dans la trame historique de la création. C'est une histoire dont le commencement est la création de la race humaine, qui se poursuit par la décision de l'homme de pécher et qui finalement trouve son dénouement dans la décision de Dieu de sauver son peuple élu et de juger les incrédules.

Vu dans ce contexte, on comprend que la venue de Jésus
n'est pas que l'accomplissement du salut pour moi. Une telle perspective réduirait le salut à un événement dont la portée serait uniquement individuelle. La rédemption accomplie par Jésus, au contraire, englobe l'histoire humaine dans sa totalité, du début à la fin. Le chrétien, bien sûr, sait cela. Mais s'en réjouit-il? Son adoration prend-elle en compte ce fait indéniable que Dieu est le Dieu de l'histoire et que le salut qu'il a préparé d'avance pour les siens ne peut se limiter à une perspective individualiste? Le chrétien a-t-il cette même attitude que le vieux Siméon, qui, recevant dans ses bras le petit Jésus et le voyant de ses propres yeux, bénit Dieu en disant:
Maintenant, Seigneur, tu laisses ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu ton salut, salut que tu as préparé devant tous les peuples, lumière pour éclairer les nations, et gloire d’Israël, ton peuple. (Luc 2.27-32)
Siméon se réjouit de pouvoir mourir en paix: il a vu le salut de Dieu, cette fragile créature humaine qu'il tient dans ses faibles bras de vieillard est vraiment le Messie qu'il attendait. Pourtant sa joie personnelle s'efface immédiatement derrière une joie plus grande, plus englobante, celle de la délivrance des nations grâce à Jésus. La joie de Siméon est parfaitement au diapason du plan de Dieu, à savoir la rédemption de la race humaine en procurant aux hommes un salut universel, c'est-à-dire un salut qui va bien au-delà des frontières de la nation juive pour atteindre les croyants de partout dans le monde. Telle est l'adoration véritable du chrétien, car une telle adoration suppose une compréhension globale du plan de Dieu. C'est dans la perspective d'une telle compréhension historique du plan de Dieu que s'inscrit la conversion du croyant; hors de ce contexte, la conversion n'a aucun sens, elle devient du pur individualisme.

Puissions-nous adorer en Jésus le Dieu de l'histoire qui sauve les hommes d'entre toutes les nations et qui se constitue un peuple pour sa gloire!

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