vendredi 1 septembre 2006

Une humble contestation?

Concernant le caractère contestataire des Emergents, j’ai une thèse à ce propos, que je développe quelque peu ici.

Je pense que tout chrétien est en soi un contestataire. Jésus a contesté l’attitude hypocrite des hommes religieux de son époque ; il a dénoncé leurs abus et leurs outrecuidances. Pourtant, Jésus était le plus humble des hommes. Si donc il était le plus humble des hommes, mais qu’il contestait la prétention religieuse excessive des religieux de son temps, cela signifie par déduction qu’il est possible, voire souhaitable d’être à la fois humble et contestataire.


On n’a pas l’habitude de joindre ensemble ces deux attributs, car la contestation est plus souvent le fruit d’une attitude réfractaire qui se croit au-dessus de tout et de tous. Mais une telle attitude n’est pas celle qui a caractérisé la carrière messianique de Jésus. Celui-ci s’est toujours placé à la hauteur de son prochain, dans une attitude de service actif pour la cause des opprimés et des « sans Dieu dans ce monde ».

Cette attitude exemplaire de Jésus est donc également requise de ses disciples. Mais comment faire montre d’une telle humilité et d’un amour si exemplaire tout en jouant la carte de la contestation? C’est ici que la grâce insondable de Dieu prend tout son sens : Dieu, par sa grâce rédemptrice, a humilié nos cœurs récalcitrants et nous a fait reconnaître le besoin inhérent à tout homme de soumettre son existence au Dieu créateur. De quoi un homme dont une telle grâce a fait son œuvre en lui pourrait-il encore se glorifier? L’homme religieux, par contre, n’a pas fait l’expérience de cette grâce ; sa religion n’est donc pour lui qu’œuvres humaines et folle prétention. Jésus a perçu cette prétention parmi les institutions religieuses de son temps, il a nommé « péché » cette attitude religieuse autosuffisante et il l’a contestée.

À l'instar de Jésus, les chrétiens doivent aussi agir de cette manière. Mais j’avoue que cela représente un défi de taille, car il n’est pas facile de jouer le rôle du contestataire tout en maintenant une attitude d’humilité réelle. En fait, seuls les chrétiens nourris de la grâce de Dieu seront apte à agir de la sorte. C’est d’ailleurs cet esprit d'humilité qui constitue pour moi le critère décisif permettant d’identifier si un mouvement contestataire est animé par de bons motifs. Or, à ce propos, je n’ai pas toujours vu cette humilité parmi les Emergents, et, pour être francs, ni parmi les Évangéliques.

4 commentaires:

Anonyme 1 septembre 2006 à 08:05  

Bonjour Daniel, j'ai bien aimé lire ce que tu écrit...humble contestation...Ça me fait réfléchir vraiment, c'est un sujet tres peu discuté. Je remercie le Seigneur pour ce que tu prend le temps d'écrire, c'est tout le temps édifiant et tres biblique. Je m'examine maintenant a savoir quelle sorte de contestatrice je suis.
Merci et que Dieu vous bénisse toute la famille(santé du bébé et de la maman)
Berceuse

Anonyme 1 septembre 2006 à 08:23  

Merci Berceuse pour ce commentaire. Étrangement, il est vrai que ce sujet est très peu discuté. Je pense que nous, les chrétiens, avons peur de dénoncer les attitudes religieuses au sein de nos églises et dans le monde. Ce n'est pas un rôle facile à jouer, et ça demande non seulement du courage, ni seulement de la conviction, mais de l'amour et de l'humilité.

Félicitation à vous pour ce dernier petit-fils. La famille s'élargit!

Anonyme 2 septembre 2006 à 12:06  

Bonjour Daniel,
J'aime bien ton concept d'humble contestation. Le chrétien est à la fois humble (= ouvert aux autres, pas arrogant, etc.) et contestataire (= se tient pour la vérité et la justice peu importe les circonstances). Et tu montres bien que Jésus est l'exemple parfait d'une telle humilité contestataire. C'est une attitude rare (autant parmi Emergent que les évangéliques), puissions-nous la cultiver!
Ma question est: peut-on avoir une telle attitude lorsque nous croyons connaître toute la vérité sur Dieu et qu'il n'y a rien de plus à découvrir de Lui (contrairement à ce que dit Paul: "nous connaissons en partie" (1 Cor 13)? Que l'Esprit ne parle qu'à mon coeur et non à travers l'Église - l'ensemble des croyants?
Pour ouvrir la problématique: Le fait que les évangéliques ont démocratisé la lecture de la Bible (ce qui est une bonne chose) a eu cependant comme effet pervers que chaque individu est un Pape en puissance, n'écoutant que sa propre interprétation infaillible lui venant directement de l'Esprit. Sans une solide ecclésiologie - le fait qu'on ne découvre le sens des textes bibliques que dans l'interprétation et la mise en pratique, en communauté (le fameux "les uns les autres" du N.T.) de ceux-ci - je ne crois pas qu'on pourra éviter la multiplication continue des "sectes" évangéliques, chacune prétendant posséder la Vérité sans écouter humblement ce que les autres ont aussi de biblique. On ne pourra pas faire un front commun pour démontrer une humble contestation dans notre monde injuste et idolâtre.

Anonyme 2 septembre 2006 à 12:24  

Autre petite chose: tu parles d'Emergent et des évangéliques comme si c'était deux entités différentes. J'aimerais avancer l'hypothèse qu'Emergent est un mouvement intra-évangélique, un peu comme les "Jesus Freaks" dans les années 70. Un mouvement qui se veut de "réveil" (remarquez le "qui se veut" et non le "qui est"; on pourra davantage en juger dans l'avenir). Emergent rejoint presqu'exclusivement la jeune génération qui a grandit dans les églises évangéliques et qui pour une raison ou une autre en a eu assez. Plutôt que de rejeter la foi ou l'Église, ils ont décidé de faire les choses autrement (pour des témoignages, je te conseille le livre "Emerging Churches" de Gibbs). Mais quand on regarde bien à Emergent, on y décèle plusieurs traits typiquement évangéliques: volonté de suivre Jésus, retour à "ce que Jésus voulait vraiment" et critique des structures ecclésiales sclérosées, un coeur pour la mission (surtout envers la jeunesse postmoderne occidentale), accent sur la justice sociale (comme les premiers méthodistes et Finley), importance capitale du récit biblique (théologie narrative), etc.

(Pour l'identification d'Emergent comme étant un mouvement évangélique qui rejoint surtout la nouvelle génération, comme les "Jesus Freaks' ont rejoint celle du Baby Boom, voir R.Webber, The New Evangelicals, Baker, 2004?; ce peut être problématique de rejoindre uniquement "la nouvelle génération", car rajouter un clivage générationnel dans des églises évangéliques déjà remplies de clivages de toute sorte (théologiques, raciales, etc.) peut être désastreux pour le corps du Christ).