mardi 19 septembre 2006

Le rôle du théologien

Nous avons commencé une discussion sur le blogue de Theohead concernant la nécessité d'avoir une vie équilibrée pour celui qui oeuvre dans une université théologique. La discussion a pris des allures fort intéressantes, que je désire partager avec vous.

Voici la question initiale de Steve Robitaille (Theohead):

Comment garder un équilibre et s'assurer que la "vocation académique" ne prend pas toute la place, nous amenant à négliger Dieu, mon épouse, ma famille, mes amis, ma communauté chrétienne? C'est une question qui me préoccupe présentement. Vos réflexions sur le sujet sont les bienvenues.

posted by steve @ 10:33 AM 9 comments
At 9/18/2006, Georges Larabie said...

«Comment garder un équilibre et s'assurer que la "vocation académique" ne prend pas toute la place, nous amenant à négliger Dieu, mon épouse, ma famille, mes amis, ma communauté chrétienne? C'est une question qui me préoccupe présentement. Vos réflexions sur le sujet sont les bienvenues.»

La réponse est peut-être plus simple que nous aimerions le pensée. Nous sommes champion pour la compliqué afin de justifier nos choix. Il me semble que la réponse ce résume à ceci : aime Dieu, épouse, famille, communauté chrétienne, et amis plus que la vocation académique!

At 9/18/2006, Georges Larabie said...

J'ajouterais : puis accompli fidèlement ta vocation académique.

At 9/18/2006, Pierre-Louis said...

Salut compère et compagnon dans l'academe!

Je comprends ton dilemme mais je pense que les conseils de Georges sont fondés. Tu es un étudiant suffisamment exceptionnel pour exceller dans ta carrière tout en conservant les priorités au bons endroits.

Je suis moi-même Teaching Assistant et je m'apprête à me joindre à une équipe de recherche pour avoir accès à des données pour ma thèse. Je suis à la fois inscrit à 7 cours cette session-ci (4 réguliers, 2 intensifs consécutifs et un à long terme 3 fois par semestre).

Je dois aussi être présent à la maison pour Laurier et Geneviève, surtout que cette dernière est de plus en plus enceinte, ce qui peut limiter ses activités. Finalement, nous sommes à nous intérer dans une nouvelle église ici à Guelph et cela requiert un certain investissement de temps.

Évidemment, tout cela s'additionne à nos tâches et disciplines quotidiennes, à notre temps de couple, de famille, etc.

Toutes ces activités expliquent également le silence de mon blogue, mais quand je parle de priorités...

At 9/18/2006, Daniel Audette said...

Je pense que ta question, Steve, n'a de sens que si elle est restituée à son contexte d'origine: l'Église comme lieu du service de Dieu. Je crois en effet que le théologien chrétien n'est pas et ne sera jamais d'abord un académicien au sens où on l'entend habituellement; puisqu'il est un "don" de Dieu à l'Église pour son développement, c'est pour l'Église qu'il accomplit son oeuvre académique. En d'autres termes, le théologien est l'égal du docteur dont parlent les écrivains du NT.

Or le docteur, dans l'Église primitive, devait manifester par sa vie la manière dont la foi qu'il enseignait devait se traduire dans la vie d'une personne. Son oeuvre de docteur était intimement liée à sa vie personnelle et à tous les aspects de celles-ci. Les listes fournies par Paul pour la sélection des anciens constituaient une mesure concrète pouvant permettre à une église ou à un envoyé apostolique de mettre en place des anciens dans une communauté chrétienne. Or ces listes ont principalement pour objets les aspects privés de la vie d'un homme, sa famille, son travail, ses relations, ses loisirs, etc.

Je crois donc que le théologien doit considérer son travail académique comme s'il s'agissait de l'accomplissement de son ministère et de son don. Cela signifie donc que, si l'Église ne voit pas en lui une croissance dans tous les aspects de la vie d'un homme dont parlent les listes de Paul -comme par exemple ne pas prendre soin de ses enfants-, elle se doit de le reprendre et de lui rappeler quelles sont les attentes du ministère à son égard.

Bref, si ma passion pour la théologie me conduit à négliger quelques autres aspects importants de ma vie, je ne suis pas en mesure d'être reconnu par mon Église locale à titre de docteur, et ce même si je possède doctorat et études post-doctorales.

At 9/18/2006, steve said...

Merci pour vos commentaires. Ils vont sensiblement tous dans la même direction: la vocation académique doit être exercée dans le cadre de l'amour de Dieu tel que démontré par l'engagement dans l'Église locale. Je dis un "Amen" à cela. Mais il y a des facteurs structurels que vous ne prenez pas en compte à mon avis.
Un problème central est que la théologie est maintenant pratiquée dans un cadre universitaire. Ceci comporte certains avantages: liberté intellectuelle, formation rigoureuse, interaction avec la pensée contemporaine. Cependant, l'université a des fins différentes que l'Église et la théologie. L'université carbure à la productivité intellectuelle (son imbrication dans le monde capitaliste y est pour quelque chose). Alors que la théologie (chrétienne) se veut traditionnellement au service de Dieu et la communauté chrétienne. Devrait-on la sortir des universités et la resituer dans un contexte ecclésial qui ne mettrait pas autant l'accent sur la performance (intellectuelle) mais qui serait davantage "liturgique" (liée à l'adoration), avec des théologiens ayant des vies exemplaires (comme le dit Daniel) pour pouvoir apporter un "mentoring" à des chrétiens afin qu'ils soient transformés à l'image du Christ? Je suis d'accord, mais pourquoi les Églises investissent si peu dans la formation? Nos séminaires théologiques évangéliques sont divisés (11!) et avec peu de ressources financières (s'ils en avaient, je n'aurais pas à travailler autant, les salaires seraient décents), etc. Et si on veut sortir des universités, ce ne doit pas être pour tomber dans un sectarisme théologique ou un piétisme qui vient conforter l'Église dans ses aberrations, mais plutôt encourager autant l'excellence intellectuelle - avec d'autres critères que le nombre de publications/conférences, j'en conviens; les critères spirituels dont parle Daniel - que les universités. À mon avis, une faculté de théologie doit être à la fois au service de l'Église et critique par rapport à elle.
Tout ceci pour vous dire qu'il faut prendre en compte les aspects structurels du problème. Ce n'est pas parce que je veux travailler trop; le contexte universitaire des études supérieures demande beaucoup (et pour certain, comme moi, c'est financièrement ardu). Ceux qui poursuivent leurs études ont besoin de prières et d'encouragement (et parfois d'exhortation quand ils perdent de vue leurs priorités!).
Pierre-Louis, je suis bien heureux d'avoir de tes nouvelles. Je crois que tu comprends parfaitement ma situation car tu vis la même chose (7 cours! Ils sont fous!). Bon courage mon frère!

At 9/18/2006, steve said...

J'oubliais: merci pour vos commentaires. Je suis heureux de pouvoir interagir avec vous à nouveau.

At 9/19/2006, Daniel Audette said...

Steve,

Personne, et surtout pas moi, n'a dit que le théologien chrétien doit quitter le milieu universitaire, ni même que ce dit milieu universitaire ne convient pas au théologien chrétien. Pour ma part, ce que j'ai dit c'est que le théologien chrétien, étant donné la nature particulière du don qu'il a reçu, ne peut pas pratiquer son travail théologique comme n'importe quel autre type d'académicien.

Bon, je pense que tu comprends, alors je ne m'éterniserai pas sur ce sujet.

At 9/19/2006, steve said...

Daniel,
Je sais que tu n'as pas dit cela, c'est moi qui poursuit la réflexion (ou peut-être que je suis hors-sujet). Et je crois que c'est une question importante, car le milieu universitaire ne me semble pas propice à développer des théologiens qui cadrent avec le profil que tu nous as présenté (docteur dans l'Église, vie sainte, etc.). L'université est plutôt axée sur le monde, elle veut nous rendre capable de développer une théologie publique afin qu'on n'ait pas l'air trop "fondamentaliste" quand on parle dans les médias...Je caricature un peu. Tout cela pour dire que le but premier d'une théologie universitaire est "pour le monde". L'important est de développer un discours rigoureux et "acceptable" capable de rejoindre le "monde". Ceci se voit dans le fait qu'on ne s'attend pas à ce que les étudiants soient impliqués dans une Église locale, ou encore qu'ils soient "orthodoxes" dans leur théologie, mais uniquement qu'ils aient les capacités intellectuelles pour comprendre la théologie. Une telle conception de la tâche théologique aurait été une aberration dans l'Église ancienne, pour qui toute théologie était aussi une doxologie (pour la gloire de Dieu). Aucune séparation entre théologie et vie spirituelle. Ce n'est évidemment plus le cas dans les facultés universitaires de théologie, en tout cas au Québec. Et les séminaires qui sont détachés des universités ont parfois tendance à faire l'erreur contraire, qui est une forme d'acceptation aveugle des positions théologiques de l'institution qui les chapeaute. Une "foi qui cherche à comprendre": cette définition médiévale de la théologie me semble toujours pertinente aujourd'hui. On se situe dans une démarche explicite de foi, mais on cherche aussi ardemment à comprendre le monde à partir de cette foi.
Désolé pour ce long commentaire!

At 9/19/2006, Daniel Audette said...

car le milieu universitaire ne me semble pas propice à développer des théologiens qui cadrent avec le profil que tu nous as présenté (docteur dans l'Église, vie sainte, etc.).

Je suis d'accord avec cette description que tu fais.

Et les séminaires qui sont détachés des universités ont parfois tendance à faire l'erreur contraire, qui est une forme d'acceptation aveugle des positions théologiques de l'institution qui les chapeaute.

Je suis également d'accord avec cette autre description, du moins lorsque les séminaires n'ont pas consciemment cherché à s'inscrire dans un dialogue universitaire tout en enseignant la tradition de leurs dénominations respectives.

Quant à moi, le premier critère auquel j'astreins mon rôle de théologien est celui d'une vie pieuse et vertueuse, tel que le désir Paul lorsqu'il présente aux Églises ses listes de critères pour la sélection des anciens. Et ce même dans le cadre d'une nomination dans une université. En d'autres termes, je désire que ce soit l'Église locale qui me recommande et m'"envoie" à l'université pour y travailler parce qu'elle sait bien que ma vie et ma conduite cautionnent une telle position, au même titre qu'on le ferait pour la nomination d'un pasteur dans une Église locale. Ma réflexion ne concerne donc pas tant le rôle académique du théologien ni l'étendue de ses recherches (par exemple le dialogue interdisciplinaire ou l'élaboration d'une théologie typiquement ecclésiale et doxologique), mais le processus de recommandation derrière le théologien qui désire étudier et travailler au sein d'une université, qu'il s'agisse d'une université chrétienne ou non.

Ce procédé, bien sûr, n'est pas en place dans les Églises du Québec. Mais bon, je me porte volontaire pour qu'il s'accomplisse par mon entremise.

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