dimanche 25 novembre 2007

Prédication: Marc 13

La difficulté de Marc 13

Il ne faut pas se le cacher, Marc 13 a exercé la sagacité de maintes spécialistes bibliques. Ce chapitre a aussi généré une production prolifique de livres et d’articles théologiques. Quand Georges et moi avons discuté ensemble pour préparer cette série sur l’Évangile de Marc, je lui ai présenté le livre suivant de G. R. Beasley-Murray, Jesus and the Last Days: The Interpretation of the Olivet Discourse, qui expose les interprétations des spécialistes bibliques à propos de Marc 13. Imaginez : un livre de 532 pages uniquement pour le chapitre 13 de l’Évangile de Marc!

Aujourd’hui, je n’ai nullement l’intention de vous présenter la complexité de ce débat. Je vais seulement souligner en passant en quoi consiste la difficulté de ce chapitre et d’où provient cette difficulté.

La difficulté de ce chapitre

La difficulté de ce chapitre réside précisément dans la chronologie des événements qui sont prédits par Jésus : Jésus annonce deux événements distincts, la destruction du Temple et son retour glorieux qui coïncide à la fois avec la fin du monde présent, mais ces événements se succèdent-ils immédiatement dans le temps ou bien une certaine période de temps les sépare? Et si une certaine période de temps les sépare, combien de temps doit alors durer cette période?

La provenance de cette difficulté

Cette difficulté provient d’une croyance juive. En effet, les Juifs pensaient que, si le Temple devait un jour en venir à être détruit, cela annoncerait sans l’ombre d’un doute la fin du monde actuel et l’établissement du monde nouveau. Car, pour les Juifs, le temple était le symbole religieux le plus important et grandiose de leur histoire. Le temple était leur plus grande fierté. Ils ne pouvaient donc pas imaginer que le Dieu d’Israël laisse longtemps impunis ceux qui auraient eu l’audace de détruire le temple. En effet, si le temple était détruit, Dieu enverrait pour sûr son Messie afin de vaincre tous les ennemis d’Israël et instaurer par la même occasion le royaume de Dieu. Voilà ce que croyaient les Juifs de l’époque de Jésus. Et cette croyance est perceptible dans la question que les quatre apôtres posent à Jésus :

Lorsque Jésus sortit du temple, un de ses disciples lui dit: Maître, regarde quelles pierres, et quelles constructions! Jésus lui répondit: Vois-tu ces grandes constructions? Il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée. Il s'assit sur la montagne des oliviers, en face du temple. Et Pierre, Jacques, Jean et André lui firent en particulier cette question: Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et à quel signe connaîtra-t-on que toutes ces choses vont s'accomplir? (v. 1-4)

La question des apôtres concerne non seulement la destruction du temple (quand cela arrivera-t-il), mais aussi la fin de toute chose (à quel signe connaîtra-t-on que toutes ces choses vont s’accomplir). Pour les apôtres, l’accomplissement de toutes ces choses signifie la fin du monde et le retour du Messie, ni plus ni moins.

On peut voir cela encore plus clairement dans le récit parallèle de Mathieu :

Dis–nous, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde? (Mt 24.3)
Les apôtres croyaient donc eux aussi que la destruction du Temple de Jérusalem signifiait du même coup le retour du Messie et la fin du monde.

Jésus, bien entendu, connaissait cette croyance juive. Est-ce qu’il la partageait? C’est ici que se trouve tout l’enjeu du débat. Certains pensent que Jésus partageait cette croyance et que, à cause d’elle, il se serait trompé sur le temps de son avènement en annonçant un retour imminent, c’est-à-dire immédiatement après la destruction du Temple de Jérusalem. D’autres pensent que Jésus n’embrassait aucunement cette croyance; c’est pourquoi il comprenait très bien aussi que son retour ne serait pas immédiatement après la destruction du temple.

Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas l’intention d’entrer dans ce débat. Deux éléments de réponse suffisent d’être mentionnés en faveur d’une période de temps longue entre les deux événements:

  1. Jésus ne connaissait pas la date de son retour. Il semble que Jésus pressentait que son retour ne suivrait pas immédiatement la destruction du temple.
  2. Aussi, l’histoire nous enseigne que le retour du Messie et la fin du monde n’ont pas suivi immédiatement la destruction du Temple de Jérusalem. En effet, le temple a été détruit en l’an 70 de notre ère, et Jésus et la fin du monde ne sont toujours pas arrivés.

De toutes évidences, Jésus n’a pas l’intention de satisfaire la curiosité de ses disciples. En fait, Jésus veut attirer l’attention des disciples sur un autre thème, qui se trouve en réalité être le cœur même de son enseignement apocalyptique : l’importance de prendre garde. Trois dangers guettent en effet les chrétiens dans la période de tumultes qui précède le retour de Christ :

Le danger d’être séduit par les faux christs et les faux prophètes (v. 5, 21-22)

Le danger de se laisser ébranler par les persécutions à cause de la foi (v. 9-13)

Le danger d’être trouvé inactif au jour de son retour (v. 33-36)

Mais avant de considérer plus en détail les dangers qui guettent les disciples de Jésus, on doit poser une question extrêmement importante :

Pourquoi les disciples doivent-ils prendre garde à ces choses?

Jésus offre une seule raison de prendre garde : prendre garde afin d’accomplir la mission. Et cette mission consiste à travailler à la proclamation de la bonne nouvelle à toutes les nations :

Il faut premièrement que la bonne nouvelle soit prêchée à toutes les nations (v. 10)
Rien ne doit arrêter les disciples dans l’accomplissement de leur mission divine. Ils doivent donc prendre garde de ne pas se laisser séduire par les faux christs et les faux prophètes ni se laisser abattre par la férocité des persécutions ou par le découragement engendré par l’attente du retour de Jésus. Ils doivent prendre garde afin que rien ne ralentisse leur entreprise missionnaire dans le monde entier.

Le danger d’être séduit

Dans l’histoire de l’Église

L’histoire des Juifs relate que des faux prophètes et des faux messies avaient réussi à séduire des habitants de Jérusalem en leur faisant croire qu’ils triompheraient de la puissance romaine. Ces faux prophètes ont même essayé à plusieurs reprises de faire naître des révoltes, mais chaque fois celles-ci ont été étouffées par les soldats romains. On rapporte même que lors de la destruction de Jérusalem par Titus en l’an 70, un faux prophète avait séduit environ 6000 Juifs en leur assurant qu’au dernier moment Dieu interviendrait. Ils s’étaient tous enfermés dans des bâtiments adjacents au Temple. Ils ont tous été tués.

Au moment de la prise de Jérusalem en 70, les chrétiens ont profité d’un moment de répit de la part de l’armée romaine pour prendre la fuite à l’extérieur de la ville. Ils avaient pris garde et ne s’étaient pas laissés séduire par les promesses de victoire des faux prophètes, car ils connaissaient la parole prophétique de Jésus à l’égard de Jérusalem et ils avaient su lire les signes avant-coureurs de cet événement tragique.

Aujourd’hui

Depuis le début de l’Église chrétienne, il y a eu des faux christs et des faux prophètes. Et cela est encore vrai pour nous aujourd’hui. On n'a qu’à nommer Jim Jones, qui est responsable d’un suicide collectif de plus de 900 personnes, le 18 novembre 1978. Jones avait fait bâtir une communauté fraternelle en pleine jungle, car il croyait qu’un tel endroit permettrait à sa communauté de survivre à une éventuelle apocalypse nucléaire. On pourrait nommer plusieurs autres personnages qui ont agis comme faux prophètes ou comme faux christs et qui ont attiré à eux des milliers de partisans.

C’est pourquoi l’exhortation de Jésus de prendre garde est toujours actuelle. Si les premiers chrétiens de Jérusalem et ceux d’aujourd’hui ne se sont pas laissés séduire par les faux prophètes, c’est parce qu’ils ont retenu l’avertissement de Jésus et ont pris garde. Nous sommes également tenus de prendre garde de cette manière.

Le danger de se laisser ébranler par les persécutions

Dans l’histoire de l’Église

La tradition chrétienne raconte que presque tous les apôtres sont morts martyrs :

Pierre est mort crucifié à Rome, la tête vers le bas.

André, son frère, a été crucifié sur une croix en forme de X.

Jacques, le frère de Jean, a été décapité sous l’ordre d’Hérode Agrippa.

Matthieu est tombé transpercé par une lance.

Philippe a été lapidé et est mort crucifié, à Hériapolis.

Simon le Zélote a été découpé à la scie.

Barthélemy a été crucifié, puis écorché vif, pour enfin être décapité.

Thomas, selon une légende, aurait été transpercé d’une épée.

Thaddée est également mort martyrisé.

L’apôtre Paul est mort en 67, sans doute décapité.

Tous ces apôtres, sans exception, sont morts à cause du nom de Jésus, dans l’accomplissement de l’œuvre missionnaire. Ils ont pris au sérieux l’avertissement de Jésus de prendre garde à eux-mêmes, c’est pourquoi ils n’ont pas renié le Christ dans la persécution. Comme l’avait prédit Jésus, ils savaient que toutes ces choses devaient se produire, que le Dieu souverain en avait décidé ainsi.

Encore plus, ils savaient que, selon la parole de Jésus, la persécution serait une manière de rendre témoignage à la bonne nouvelle devant les rois et les gouverneurs de ce monde :

Prenez garde à vous–mêmes. On vous livrera aux tribunaux, et vous serez battus de verges dans les synagogues ; vous comparaîtrez devant des gouverneurs et devant des rois, à cause de moi, pour leur servir de témoignage. (v. 9)
Aujourd’hui

Beaucoup de chrétiens sont persécutés de nos jours. À l’heure actuelle, des chrétiens sont persécutés

en Irak,

au Pakistan,

en Iran,

dans les Territoires palestiniens,

en Ouzbékistan,

en Indonésie,

au Soudan,

en Turquie,

en Chine,

en Corée du Nord,

au Vietnam,

en Inde,

au Laos,

au Nigeria et j’en passe.

Si tous ces chrétiens peuvent persévérer dans l’épreuve de la persécution, c’est parce qu’ils prennent au sérieux l’avertissement de Jésus de prendre garde de ne pas abandonner la foi à cause de la persécution. C’est aussi parce qu’ils sont convaincus que la persécution peut servir de témoignage à la bonne nouvelle de l’Évangile.

Le danger d’être trouvé inactif

Le dernier danger est celui d’être trouvé inactif au retour de Jésus, sans y être préparé. Ce n’est pas ainsi que Jésus désire trouver ses serviteurs à son retour.

Or le fait de ne pas connaître l’heure de son retour devrait nous inciter à veiller.

Veillez signifie : accomplir la mission. Prendre garde et veiller pour accomplir la mission.

Une conception renouvelée

On conçoit habituellement les persécutions comme des signes du retour proche de Jésus-Christ, ce qui est vrai. Mais Jésus veut surtout transmettre à ses disciples la vérité suivante : les persécutions sont caractéristiques de la période entre sa mort et son retour.

Conclusion

La question pour nous aujourd’hui est donc la suivante : sommes-nous vigilants? Prenons-nous garde à notre foi devant les menaces que sont la séduction, la persécution et l’inaction?

On peut certes débattre de nos diverses positions eschatologiques, pour essayer de déterminer quand Jésus reviendra. Cependant, je peux vous assurer qu’au sein de la persécution, nos convictions à ce sujet ont peu d’importance; car ce qui compte dans de telles circonstances, c’est de prendre garde à notre foi et de se tenir debout.

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