dimanche 26 novembre 2006

Réflexion sur l'autorité ecclésiale et le docteur

Je vous présente ici une réflexion, que j'ai présentée au conseil des anciens de mon église locale. Il s'agit pour l'instant d'une réflexion en cours et non d'une prise de position définitive. Je suppose que, dans les années à venir, certains éléments et aspects de cette réflexion se préciseront. N'hésitez pas à émettre vos commentaires.

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Avant-propos
Quelques mots suffiront pour présenter ce bref travail. Comme le lecteur s’en apercevra dès la lecture des premières lignes, le présent document ne se veut d’aucune façon une étude exhaustive du ministère de docteur. Il s’agit plutôt d’une présentation sommaire d’une réflexion amorcée, et encore « sur le chantier », à propos de la place et du rôle du docteur au sein de l’Église. C’est ce qui explique les idées parfois décousues et exposées de manière succincte que le lecteur découvrira au fil de la lecture. Notre intention est d’ailleurs de mener cette réflexion plus en profondeur, peut-être dans le cadre d’un mémoire de maîtrise, espérant en effet qu’une réflexion de la sorte portera éventuellement son fruit au sein de l’Église même.

Un terme nous paraît devoir être expliqué déjà en avant-propos. Il s’agit du mot « magistère ». Dans le dictionnaire le Petit Robert, le terme magistère est défini comme suit : « une autorité doctrinale, morale ou intellectuelle s’imposant de façon absolue ». Bien que ce sens convienne assez bien, nous aimerions tout de même ajouter ceci : l’Église a certes une très grande autorité, celle-ci étant même quasi absolue, mais il ne faudrait pas oublier que cette autorité est une autorité dérivée : c’est de Christ en effet que l’Église reçoit ce magistère. Et ce magistère lui est transmis, et il lui est transmis de cette façon et d’aucune autre manière, par la Parole de Dieu «inscripturée» dans la Bible. L’Église a donc autorité dans la mesure où elle s’applique consciencieusement à obéir à la Parole de Dieu tout en laissant clairement entendre que c’est uniquement à cette Parole de Dieu qu’elle obéit.

Gatineau, décembre 2004


Le docteur et le magistère de l’Église

Le ministère de docteur ne relève pas du séculier; dans le Nouveau Testament, il s’agit d’un ordre ecclésiastique institué par le Saint Esprit, donc d’un ministère appartenant en propre à l’Église de Dieu. Aussi, comme l’a écrit l’apôtre Paul, ce n’est pas tant le don d’enseignant qui est accordée à l’Église par le Saint Esprit que la personne même du docteur. C’est donc le docteur en tant qu’il est cette personne ayant un don d’enseignant qui est donné à l’Église. De ce fait découle cet autre fait : le docteur est placé directement sous le magistère de l’Église, comme le sont de la même manière les pasteurs et évangélistes. En effet, puisque ce ministère est un don accordé à l’Église, il serait difficile de le considérer autrement qu’une propriété de l’Église.

Pour être plus concret, être la propriété de l’Église signifie ceci : que le docteur ne s’appartient pas, que les choix qu’il doit faire en ce qui a trait à son ministère de docteur (les études bibliques et théologiques, les différents contextes ecclésiastiques, académiques ou autres où il exerce son ministère, etc.) devraient être soumis à l’autorité et au jugement de l’Église, et ce afin que celle-ci, selon la sagesse que Dieu lui donne, guide le docteur là où il servira le mieux la cause du Christ. Cette exigence peut paraître limitative, voire contraignante pour les docteurs, mais n’est-ce pas là déjà la manière dont procède l’Église à l’égard des pasteurs et évangélistes? Et puis, il faut sérieusement réfléchir à ce qu’on pourrait estimer être une contrainte : le fait d’être placé sous l’autorité et la direction de l’Église représente-t-il vraiment une situation contraignante pour les ministres du Christ? À cela nous répondons par la négative. Car là où l’Esprit de Dieu distribue librement les dons, il ne peut y avoir que liberté authentique pour les ministres du Christ. En effet, la liberté du chrétien réside précisément là où réside la libre volonté de Dieu. Or la volonté de Dieu est de donner des docteurs à l’Église et de les y soumettre. Et c’est parce que la liberté authentique du docteur consiste à obéir à Dieu qu’il pourra alors discerner dans cette façon de faire une occasion d’œuvrer volontairement et joyeusement pour la cause du Christ. Il ne s’agit donc pas d’une question de contrainte, mais de véritable liberté accordée par le Saint Esprit.

Si donc un frère chrétien se nomme « docteur », mais n’est pas sous l’autorité de l’Église quant à la direction et l’utilisation de sa vocation de docteur au sein du corps du Christ, il n’a aucun droit de porter ce titre. Qu’il reçoive le titre de professeur de religion ou professeur de théologie est au pis aller une désignation acceptable, cependant, on ne peut pas et on ne doit pas le reconnaître comme docteur au sens biblique du terme. C’est pourquoi aussi une faculté de théologie qui consent à nommer un frère chrétien « docteur », sans que celui-ci soit en même temps placé sous le magistère de l’Église, rompt du même coup le rapport d’autorité institué par l’apôtre Paul entre l’Église et ses ministres. Car selon Paul, les docteurs, à l’instar des pasteurs et des évangélistes, sont sous l’autorité de l’Église. En d’autres termes, hors de l’Église, il ne peut naître de ministère de docteur, pas même dans un institut biblique(1).


Conséquences de la rupture entre Église et docteur

La rupture dans le rapport d’autorité que nous venons de mentionner n’est certainement pas sans conséquences. Elle indique en effet qu’un frère peut s’approprier un titre et une tâche d’origine ecclésiale sans être lui-même sous le magistère de l’Église. Or les églises locales qui acceptent cet état de choses sont fautives, d’abord parce qu’elles refusent de discerner l’action du Saint Esprit, qui donne à l’Église des docteurs, mais aussi parce qu’elles ne se soucient pas de prendre toutes leurs responsabilités du fait qu’elles ne s’impliquent pas dans la mise à part, la formation et l’orientation ministérielle de ces mêmes docteurs.


Et du docteur dans l’Église?

En ce qui a trait à l’enseignement du docteur qui peut et doit être transmis à l’Église, cet enseignement peut être dispensé directement par le docteur lui-même, quoiqu’il ne faille pas oublier qu’un travail d’assimilation et de vulgarisation du travail des docteurs s’opère également indirectement, c’est-à-dire par le truchement des pasteurs ou d’autres membres de l’Église qui ont aussi la responsabilité d’enseigner.


Et du docteur dans l’institut biblique?

Il est vrai que l’enseignement d’un docteur œuvrant au sein d’une faculté de théologie n’est pas toujours accessible à tous les chrétiens; les recherches et travaux qu’entreprend d’ordinaire le docteur sont parfois d’une telle technicité et herméticité, qu’il peut devenir difficile à un non spécialiste de profiter directement du travail du docteur. Or même si l’œuvre théologique d’un docteur renferme quelques points difficiles à comprendre, il n’en demeure pas moins que cette œuvre théologique a pour but la croissance spirituelle de l’Église et sa protection contre l’hérésie.

La question d’autorité, cependant, ne concerne pas d’abord la possibilité de transmission d’un savoir; il s’agit en fait d’une question de magistère : est-ce l’Église qui a envoyé le docteur pour qu’il œuvre comme enseignant au sein d’un institut de théologie? Se rappelant qu’il appartient à l’Église et qu’il a été nommé par elle, celui-ci doit par conséquent être sans cesse mû, dans sa tâche académique de docteur, par le désir de contribuer significativement à la vie spirituelle de l’Église de Jésus-Christ.

C’est pourquoi d’ailleurs la tâche d’un docteur de théologie est fort différente de celle de tout autre type de professorat au sein des diverses disciplines universitaires : il s’agit d’une vocation céleste. À ce titre, le docteur doit se considérer comme un serviteur du Christ dont l’œuvre a comme point de départ et comme finalité l’Église de Jésus-Christ. S’il dévie un tant soit peu de cette route tracée par l’Esprit de Christ, ce n’est plus alors à titre de ministre du Christ qu’un tel homme agit; il est par conséquent coupable de sécularisation de l’héritage théologique chrétien (les théologiens libéraux sont un exemple manifeste de cette forme de sécularisation théologique, ceux-ci estimant en effet que c’est la société, et non plus l’Église, qui est le point de départ et la finalité de la théologie).

On doit aussi distinguer le docteur chrétien du docteur universitaire : ce dernier est en effet titré de la sorte à la suite d’études doctorales, alors que le docteur chrétien peut ne pas avoir étudié dans le système académique du pays dont il est citoyen ou résident.

(1) Il peut certes y avoir des hommes qui font œuvre de docteur au sein d’un institut biblique, ceux-ci pouvant même être nommément désignés comme tels. Cependant, si ces hommes n’ont pas été institués par l’Église, ils ne sont pas en droit de porter ce titre.

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